« Je mesure la gravité de la situation par le nombre de médecins décédés du Covid-19 ces derniers jours, confie Lamia, pneumologue dans un hôpital d’Alger. Nous sommes entrés dans la quatrième vague. »
Il y n’a pas que les décès des médecins et du personnel soignant qui témoignent de l’ampleur de la nouvelle vague. Sur les réseaux sociaux, annonces de contaminations et avis de décès pour cause de Covid-19 s’égrènent sur les fils d’actualité des internautes algériens. Facebook prenant alors des allures de chronique nécrologique.
Le 25 janvier, le ministère de la Santé annonce le chiffre historique de 2 512 cas de contamination durant les dernières 24 heures. Une première depuis le début de la pandémie en mars 2020.
Pour tenter d’endiguer la propagation du virus, les autorités ont adopté une batterie de mesures qui touchent à la vie scolaire. Les écoles et collèges sont fermés depuis le 20 janvier. Les classes sont devenues de gros foyers de contamination. Tout indique que cette mesure qui devait prendre fin le 30 janvier sera reconduite pour une dizaine de jours.
Bon nombre d’Algériens font comme si ce virus n’existait pas
La fermeture des universités est laissée à l’appréciation des recteurs, dont certains ont déjà pris les devants en bouclant les campus. De son côté, le ministère de la Culture a repoussé à une date ultérieure toutes les activités, rencontres et manifestations culturelles dans les salles et infrastructures fermées. Les membres du gouvernement ont également reçu la consigne de suspendre leurs activités sur le terrain.
Pour les spécialistes de la santé, ces mesures restent toutefois largement insuffisantes pour freiner la propagation du virus, notamment le variant Omicron. Le gouvernement se refuse pour le moment à prendre des mesures de confinement strictes, se contentant d’en appeler à la responsabilité des citoyens pour éviter tout type de rassemblement et de regroupement à l’occasion d’un événement familial (mariage, circoncision). Les marchés hebdomadaires, qui attirent de grandes foules, ainsi que les espaces publics restent ouverts.
Pénurie d’oxygène
Conséquence, les structures hospitalières sont désormais mises sous pression et risquent de connaître un taux de saturation dans les prochains jours si cette hausse des contaminations venait à se poursuivre. « Il devient de plus en plus difficile de trouver des places dans les hôpitaux, et les salles de réanimation sont déjà remplies, explique Amine, infectiologue à l’hôpital d’Oran. Nous sommes en train de revivre la même situation critique que l’été dernier. »
C’est qu’au cours de ces mois, les hôpitaux ont été confrontés à grave pénurie de concentrateurs d’oxygène, poussant ainsi les Algériens à organiser des chaînes de solidarité à l’intérieur et à l’extérieur du pays pour pallier le manque de concentrateurs.
Face à la troisième vague, qui a fait des centaines de victimes, les autorités avaient décidé de multiplier la production nationale d’oxygène sans pour autant pouvoir répondre aux besoins des patients. Les appels récents lancés par des citoyens sur les réseaux sociaux pour l’acquisition de concentrateurs renseignent sur la gravité de l’épidémie. Ils indiquent aussi que les leçons de cet été meurtrier n’ont pas été retenues.
Comment expliquer cette quatrième vague alors que la situation semblait être plus ou moins maitrisée dans le courant de l’automne dernier ? Au-delà du niveau de contagiosité du variant Omicron, les mesures sanitaires telles que le port du masque et la distanciation ne sont pas respectées par les populations.
13 % de vaccinés
« Bon nombre d’Algériens font comme si ce virus n’existait pas, se désole Lilia, médecin urgentiste dans un hôpital de Bejaïa. Ils font preuve de négligence et de manque de civisme, ce qui se répercute fatalement sur les structures sanitaires. En moins d’une semaine, nous avons perdu deux grands professeurs qui ont été emportés par le virus. »
L’Algérie enregistre un taux de vaccination particulièrement bas par rapport à la Tunisie et au Maroc
La campagne pour vacciner les Algériens en 2021 avec l’ouverture de vaccinodromes dans de nombreuses régions du pays a connu un coup d’arrêt avec la relative décrue des contaminations qui a suivi la troisième vague.
Selon des données collectées quotidiennement par le journal américain New York Times, l’Algérie enregistre un taux de vaccination particulièrement bas par rapport à la Tunisie et au Maroc. À peine 13 millions de doses ont été administrées et 5,8 millions d’Algériens disposent d’un schéma vaccinal complet, soit un taux de vaccination de 13 % pour une population de 44 millions d’habitants.
« Seule une vaccination de masse est en mesure de freiner la propagation du virus, insiste la pneumologue Lamia. Faute de convaincre les Algériens de se faire vacciner, le pays connaîtra d’autres vagues encore plus conséquentes. »