Politique

Mali : pourquoi Air France ne relance pas ses vols vers Bamako

Afin de continuer à desservir le Mali, où elle ne souhaite pas que ses équipages passent la nuit, la compagnie française avait imaginé les envoyer en Mauritanie… Mais cette possibilité a été écartée. Explications.

Réservé aux abonnés
Par
Mis à jour le 26 janvier 2022 à 10:50

Un avion d’Air France sur le tarmac de l’aéroport de Bamako, en mars 2021. © ANNIE RISEMBERG / AFP

Conséquence de la décision des chefs d’État de la Cedeao, le 9 janvier, de fermer leurs frontières avec le Mali, Air France a suspendu dès le lendemain sa ligne à destination de Bamako. Jusqu’ici, ses 14 vols hebdomadaires atterrissaient dans la capitale malienne mais finissaient leur trajet à Banjul ou à Monrovia, afin que les équipages de la compagnie puissent y dormir.

En effet, son personnel naviguant ne passe plus la nuit au Mali depuis la prise d’otages de novembre 2015, lorsque douze d’entre eux ont dû être exfiltrés du Radisson Blu de Bamako. En coulisses, Air France a donc essayé de trouver un autre point de chute pour son équipage, hors des pays de la communauté économique ouest-africaine.

L’option Nouakchott

Selon des documents que Jeune Afrique a pu consulter, la compagnie aérienne française a ainsi demandé à l’aviation civile mauritanienne – via son chef d’escale à Nouakchott -, de permettre l’atterrissage sur son territoire de trois de ses vols hebdomadaires en provenance de Bamako. La compagnie souhaitait faire dormir exceptionnellement ses équipages à Nouakchott – alors que le Quai d’Orsay l’interdisait depuis quelques années en Mauritanie comme au Mali, au Burkina Faso et au Niger, jugeant la menace terroriste trop importante. Air France a obtenu un accord de principe sur ce point.

À Lire Le Mali à la recherche d’alliés dans la sous-région

Dans un courrier daté du 13 janvier, signé par Mahamadou Diarra, le directeur général adjoint de l’Agence nationale de l’aviation civile malienne, et adressé à la cheffe d’escale adjointe d’Air France à Bamako, les autorités maliennes ont elles aussi donné leur feu vert. « Après approbation du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, je vous notifie mon accord, à titre exceptionnel, pour approbation de votre changement de route [CDG – BKO – NKC] à compter du 13 janvier 2022 jusqu’à l’ouverture des frontières aériennes avec les États membres de la Cedeao », écrit Diarra. Dès lors, pourquoi la liaison Paris-Bamako n’a-t-elle pas été réouverte ? 

Veto d’Emmanuel Macron

D’après nos informations, obtenues auprès de sources diplomatiques basées en Afrique de l’Ouest, Air France s’est ensuite heurtée à la position de l’Élysée. Le président Emmanuel Macron a fait savoir aux dirigeants de la compagnie, détenue à 14 % par l’État, qu’il ne souhaitait pas, compte tenu des sanctions prises par les pays de la Cedeao, que les vols vers Bamako reprennent dans l’immédiat. 

À Lire Mali : pourquoi, malgré les sanctions, les avions militaires français continuent leurs rotations

Depuis cet embargo, les passagers qui veulent se rendre au Mali depuis Paris se tournent vers Turkish Airlines, qui assure deux liaisons quotidiennes directes vers Bamako à partir d’Istanbul, et vers Ethiopian Airlines, qui affrète cinq vols par semaine entre Addis-Abeba et la capitale malienne. Pour voyager en Afrique de l’Ouest, les voyageurs peuvent aussi passer par Nouakchott via Mauritania Airlines, qui maintient sept vols directs hebdomadaires à destination de Bamako. Ou par Conakry, en empruntant l’un des trois vols hebdomadaires de la compagnie Sky Mali, lancés le 22 janvier dernier.

Dans le sillage de son refus de fermer les frontières avec son voisin, le président de la transition guinéenne, Mamadi Doumbouya, ne s’est pas opposé à la mise en place de cette nouvelle liaison. La semaine dernière, il a d’ailleurs reçu à Conakry le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, accompagné d’une importante délégation, dont faisait partie le ministre des Transports.