Le président Patrice Talon au palais de la Marina, à Cotonou, lors de la cérémonie de retour des œuvres sacrées restituées par la France, le 10 novembre 2021. © YANICK FOLLY/AFP

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Bénin : Patrice Talon, omniprésident sur tous les fronts

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Société

Bénin : quand Cotonou rivalise avec Porto-Novo

Ces cinq dernières années, la capitale économique béninoise a énormément changé. Dans le sillage des chantiers et des aménagements, une ambiance et un charme nouveaux se sont installés dans la ville : sculptures de rue, concept stores, restaurants… Reportage.

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Par - Envoyé spécial
Mis à jour le 13 février 2022 à 17:45

Farniente et pique-nique sous les cocotiers le long de la route des Pêches. © François-Xavier Freland pour JA

Juste à côté du port, sur le boulevard de la Marina, entre le Palais des congrès de Cotonou et la présidence de la République, face à la mer, le tout nouveau monument Amazone sera inauguré au mois de mars. Réalisé par l’artiste chinois Li Xiangqun, il rend hommage aux mères de la nation, à l’histoire de ces guerrières royales qui a pris tout son sens lors des combats du roi Béhanzin d’Abomey face aux envahisseurs.  

La place des Amazones, où est édifiée la nouvelle sculpture, est le symbole d’un Bénin fort et égalitaire, la fierté d’un pays qui a toujours su donner une place particulière aux femmes. Bienvenue à Cotonou ! Avec sa multitude de bâtiments en construction, ses grues élancées, sa nouvelle route des plages parfaitement goudronnée.  

Cocotiers et vue mer

« Cotonou n’est plus le village d’autrefois, c’est devenu une vraie ville », reconnaît Pascal Lou, directeur de La Cabane du pêcheur. Avec ses spécialités de poissons et fruits de mer, son restaurant les pieds dans le sable est l’une des bonnes adresses de la capitale économique.  

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Car les habitants de cette « vraie ville » se sont réappropriés le littoral. Le week-end, les familles des quartiers populaires viennent désormais pique-niquer au pied des cocotiers plantés ici et là sur la plage, le long de la route des sables. Les voyageurs de passage en profitent aussi. L’auberge-pizzeria Le Hublot, avec sa vue dégagée sur la mer, offre aux touristes un service impeccable et de belles chambres, simples, bien décorées et peu chères. Son gérant, le Français Jimmy Nival, a suivi son amazone béninoise à Cotonou pour relancer l’affaire.  

Une villa d’oasis avec une décoration raffinée dans des pièces illuminées par les tons ocre et rouges de la terre africaine

À quelques pas de là, sur le boulevard de la Marina, La Maison rouge accueille quelques privilégiés : cet insolite hôtel de charme se cache derrière un grand mur d’enceinte, telle une villa d’oasis, dont la subtile décoration mêle toiles de maîtres et objets artisanaux, dans des pièces illuminées par les tons ocre et rouges de la terre africaine. « J’ai rarement vu un hôtel aussi beau, avec une décoration si raffinée, remarque une banquière séjournant au Bénin pour un séminaire. Même si la piscine extérieure est un peu trop petite. »

Stylistes locaux et tchapalo 

En s’enfonçant un peu dans le vieux Cotonou, agité ces derniers temps par le vacarme des marteaux-piqueurs, le Vestiaire Original (VO) offre un havre de paix d’un autre genre. Ce concept store est situé juste à côté de l’hôpital militaire, derrière une rangée de motos-taxis. Il suffit de sonner et de pousser la porte pour découvrir un jardin et, au fond, une villa des années 1950. Dans la véranda, une rangée de vêtements bien pliés, des chaussures et sandales en cuir des stylistes Florianne Ahouanmenou et Jean Luciani, des chapeaux de paille et objets de déco de toutes sortes. Sur les étagères de l’ancienne cuisine s’alignent des produits cosmétiques, du thé, du miel, des jus de fruits et du tchapalo (bière de mil fermenté) estampillé de la marque VO. 

On est un pays de coton et un pays de couturiers, j’essaye de travailler avec les meilleurs

Passé un escalier tout en petits carreaux multicolores très fifties, à l’étage, une ancienne chambre accueille des collections de tissus et de pagnes. « On est un pays de coton et un pays de couturiers, alors j’essaye de travailler avec les meilleurs », explique la directrice des lieux, Stéphanie Ossé, amazone élégante et bienveillante. « Pour ma part, je suis plus proche d’un business social que d’un business pur. Tout est équitable ici. Ma démarche, c’est être sûre de ne pas exploiter le producteur. Je source et trace mes produits, je ne vends que du made in Bénin et, demain, je veux exporter ces produits naturels 100 % béninois vers l’Europe. »

Stéphanie Ossé, la directrice du concept store Vestiaire original. © François-Xavier Freland pour JA

Stéphanie Ossé, la directrice du concept store Vestiaire original. © François-Xavier Freland pour JA

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VO est le lieu dont tout le monde parle dans la capitale économique. On s’y arrête entre midi et deux pour un jus de fruit naturel dans le jardin, on essaye quelques vêtements des marques Kozo ou Awam… « Ici tout est beau et bien présenté, tout donne envie », résume Narech, une cliente.  

Un exceptionnel foutou banane  

Dans le centre-ville, à Ganhi, non loin du célèbre restaurant gastronomique Les Trois Mousquetaires – que fréquente régulièrement le président Talon -, avec son ambiance feutrée, ses viandes grillées et son foie gras, on trouve aussi l’un des meilleurs maquis de Cotonou, tenue par une perle, la cuisinière ivoiro-béninoise Amy.  

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À l’heure des repas, il n’y a généralement pas une table de libre. On y croise autant de commerçantes du coin que de fonctionnaires des ambassades et ministères tout proches. Parmi les stars du menu (délicieux et pas cher), un exceptionnel foutou banane, sauce graine ou arachide. La patronne vient elle-même prendre la commande et aime à discuter avec les clients à la fin du repas – lequel peut parfois s’éterniser, faute de personnel suffisant en salle et en cuisine.  

Nouvel espace artistique 

Juste à côté du maquis Chez Amy, la nouvelle galerie d’art Borna Soglo a ouvert ses portes en novembre 2021. « La ville attire de plus en plus une clientèle de loisirs et je veux contribuer à faire de Cotonou une nouvelle place du marché de l’art contemporain », souligne Adenile Borna Soglo. Mais s’il est une amazone de l’art à Cotonou, qu’on ne présente plus, c’est évidemment Marie-Cécile Zinsou, à la tête de la célèbre fondation éponyme, située à Cotonou et à Ouidah.  

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 À Cotonou, son nouvel espace artistique est Le Lab. La première exposition capsule, Dan Xomè, faisait écho à la restitution des trésors royaux par la France, à travers la présentation des œuvres de Cyprien Tokoudagba, artiste majeur du Bénin, qui a consacré sa vie à la transmission de l’histoire du royaume du Dan Xomè.  

Puits de lumière et déco chic dans le hall de La Maison rouge. © François-Xavier Freland pour JA

Puits de lumière et déco chic dans le hall de La Maison rouge. © François-Xavier Freland pour JA

« Désormais la fête, c’est ici ! »

Tout près du Lab, le très chic centre communautaire EYA, avec studio d’enregistrement et salle de yoga, qui appartient au fils du président, Lionel Talon. Ce dernier dit vouloir faire d’EYA « une plaque tournante pour les créatifs, dans une ville qui est sur le point d’être un nouveau hotspot de cette côte ouest ».  

Il est vrai que Cotonou (qui signifie « estuaire du fleuve de la mort », en fongbe) respire plus que jamais la vie, y compris le soir avec ses bars, ses animations… « Avant, on allait faire la fête au Togo, tout proche. Désormais, c’est le contraire, Lomé est devenue morne et la fête, c’est ici ! » se réjouit Khaled Baklini, le dirigeant de plusieurs lieux à succès, dont le restaurant italien très branché L’Imprévu, dans le quartier des affaires, ou La Plage by Code Bar, sur le littoral. Les soirs de week-end, les cocktails sur fond de musique électronique, avec sets de DJ sur la plage, donnent à Cotonou un petit air de Rio de Janeiro… Après The Girl From Ipanema : The Amazon of Cotonou !