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Le Mali face aux sanctions de la Cedeao
Les dernières sanctions décidées par la Cedeao ont suscité des craintes au sein de la population malienne, et même un vent de panique parmi ceux qui se trouvaient en déplacement. Réunis à Accra le 9 janvier, les dirigeants de l’organisation ouest-africaine ont en effet opté pour la manière forte. Gel des avoirs du Mali, suspension des transactions commerciales à l’exception de celles portant sur les produits de première nécessité, rappel des ambassadeurs, fermetures des frontières… Le premier effet visible de cette décision, prise après que les autorités maliennes eurent demandé une prolongation de la période de transition comprise entre six mois et cinq ans, a été la ruée sur les derniers vols reliant les capitales des pays membres de la Cedeao à Bamako.
Intérêts supérieurs de la nation
Pour l’instant, la junte entend ne rien céder. Le 10 janvier, s’exprimant pour la première fois depuis l’annonce des sanctions, Assimi Goïta a déploré que « la Cedeao [n’aie] pas pris en compte la complexité de la situation au Mali » et que « les efforts des autorités maliennes aient été ignorés ».
Le président de la transition a aussi appelé ses compatriotes à se rassembler pour affirmer la position du pays, défendre les intérêts supérieurs de la nation et faire taire les divisions. La veille, dans la soirée, le gouvernement malien avait, dans un communiqué, dénoncé l’adoption de « sanctions illégales » et « inhumaines », rappelant que « ces mesures contrastent avec les efforts fournis par le gouvernement et sa disponibilité au dialogue en vue de trouver un compromis avec la Cedeao sur le chronogramme des élections. »
Mercenaires russes
Loin de créer un mécontentement contre la junte, cette situation semble renforcer le ressentiment des partisans de la transition à l’égard de la Cedeao et de la France. Alors que les dirigeants ouest-africains se sont dits « préoccupés par les rapports, cohérents, portant sur le déploiement d’agents de sécurité privée au Mali » qui leur sont parvenus – allusion aux soupçons d’une arrivée de mercenaires russes liés au groupe Wagner –, la colère se dirige contre Paris, que des proches du pouvoir malien accusent d’être derrière ces sanctions.
« Les sanctions prises par la Cedeao sont un complot orchestré et mis en œuvre par la France », dénonce Jeamille Bittar, porte-parole du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). « La ministre des Armées, Florence Parly, a déjà dit que la France serait prête à utiliser tous les moyens, y compris l’appui de la Cedeao, pour sanctionner le pouvoir malien, poursuit ce proche du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, qui ne cache pas sa défiance envers l’organisation ouest-africaine. J’ai toujours dénoncé la politique du deux poids, deux mesures de la Cedeao. C’est pourquoi j’ai longtemps plaidé pour que le Mali s’en retire. »
Un plan B ?
Tout en se montrant ferme, Bamako laisse néanmoins la porte ouverte au dialogue. De discrètes négociations visant à définir un calendrier acceptable par tous pourraient débuter.
En attendant, comment le Mali fera-t-il face à ces sanctions ? À l’issue d’un Conseil des ministres extraordinaire organisé ce 10 janvier à Koulouba, le gouvernement a opté pour la démonstration de force en appelant l’ensemble de la population à une mobilisation générale sur tout le territoire le 14 janvier.
Les autorités réfléchissent également à l’adoption d’un « plan de riposte » pour sauvegarder la souveraineté du pays et invitent les partenaires sociaux à une trêve « pour faire face aux défis de l’heure ».
Enfin, elles cherchent à développer de nouvelles voies d’approvisionnement vers l’océan. « Nous allons continuer à profiter de notre accès au port autonome de Conakry, ou bien passer par la Mauritanie et l’Algérie. Le gouvernement réfléchit aux dispositions qu’il peut mettre en place pour ravitailler le pays », affirme Jeamille Bittar.
La Guinée du putschiste Mamadi Doumbouya a d’ores et déjà annoncé que sa frontière avec le Mali resterait ouverte. Reste à savoir quelle position la Mauritanie et l’Algérie, non-membres de la Cedeao, vont adopter.