Politique

Tunisie : le mystère des derniers jours de Béji Caïd Essebsi

La ministre de la Justice demande l’ouverture d’une information judiciaire pour déterminer si l’ancien président tunisien, décédé en 2019, est bien mort de cause naturelle.

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Par - à Tunis
Mis à jour le 4 janvier 2022 à 15:50

L’ex-président tunisien Béji Caïd Essebsi, en juillet 2019. © Facebook/Présidence Tunisie

Le 28 décembre 2021, soit deux ans et demi après le décès de l’ex-président Béji Caïd Essebsi, la ministre tunisienne de la Justice, Leïla Jaffel, sur la base de soupçons d’empoisonnement, a demandé au parquet d’ouvrir une information judiciaire pour faire la lumière sur les circonstances de la disparition de l’ex-chef de l’État et de conduire les enquêtes pénales nécessaires sur toutes les personnes dont l’implication serait avérée.

Quand Béji Caïd Essebsi meurt à l’hôpital militaire de Tunis le 25 juillet 2019 au petit matin, le pays se prépare aux élections législatives et présidentielle d’octobre dans un contexte politique extrêmement tendu.

Affaibli par une première hospitalisation, Béji Caïd Essebsi, estimant impossible de changer les règles du jeu en cours de route, refuse de signer un amendement de la loi électorale qui exige des candidats qu’ils produisent un casier judiciaire vierge et établit un seuil de représentativité tel qu’il écarte tous les petits partis.

Empêchement définitif

La décision présidentielle exacerbe les tensions avec le chef du gouvernement d’alors, Youssef Chahed, également candidat à la magistrature suprême et qui était depuis des mois à couteaux tirés avec le président. La disparition du chef de l’État à 92 ans provoque une onde de choc dans le pays. Des rumeurs laissent entendre qu’on l’aurait « aidé » à mourir.

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L’un des hommes du président, l’ancien ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi, qui avait décidé de présenter sa candidature après la mort de BCE, évoque à la fin de la campagne électorale, en août 2019, dans une interview donnée à la chaîne Elhiwar Ettounsi, les derniers jours de Caïd Essebsi et fait allusion à une demande de transfert par avion du malade vers Paris formulée par Youssef Chahed. Mais les autorités françaises refusent et exigent que la demande soit expressément formulée par la famille.

Les investigations risquent de mettre en position délicate le directeur général de la santé militaire, le docteur Mustapha Ferjani

Cette situation, assimilée à un empêchement temporaire, aurait, selon la Constitution tunisienne, permis au chef du gouvernement de devenir président par intérim. La mort de Caïd Essebsi change la donne, l’empêchement temporaire devient définitif et le pouvoir revient alors au président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

Mini-putsch avorté

Une passation dont certains ne veulent pas, au point de manœuvrer pour que le président du Parlement, Mohamed Ennacer, ne soit pas présent au Bardo pour veiller au respect des dispositions régissant l’intérim et l’organisation d’une élection présidentielle anticipée. Alerté, Ennacer prend de court les députés en se présentant à la réunion du bureau de l’ARP, comme en témoigne le député Mondher Belhaj Ali.

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Cette tentative avortée de mini-putsch constitutionnel a terni l’image de Youssef Chahed, déjà écornée par l’arrestation arbitraire de Saber Laajili et Imed Achour, deux hauts cadres sécuritaires.

Les investigations risquent de mettre en position délicate le général de division et directeur général de la santé militaire, le docteur Mustapha Ferjani, signataire du certificat de décès du président Caïd Essebsi faisant état d’une « mort naturelle » et apprécié de l’actuel président, Kaïs Saïed pour sa gestion de la pandémie.