Sénégal : pourquoi le TER doit être réservé à la classe moyenne

En inaugurant le Train express régional qui relie Dakar à Diamniadio, et bientôt Mbour puis Thiès, Macky Sall a laissé entendre que ce mode de transport s’adressait à tous. Mais en réalité, seule la classe moyenne pourra l’emprunter.

Le TER reliant Dakar à Diamniadio, le 29 décembre 2021. © Erick Ahounou/AID

Le TER reliant Dakar à Diamniadio, le 29 décembre 2021. © Erick Ahounou/AID

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Publié le 19 janvier 2022 Lecture : 3 minutes.

Le Train express régional (TER), avancée technologique d’importance, a donc été ré-inauguré en grande pompe le 27 décembre dernier par le chef de l’État sénégalais. Le président de la BAD, Akinwumi Adesina, l’a aidé à tenir le ruban. Cette fois, le TER roulera tous les jours sans s’arrêter, de la gare du port de Dakar à Diamniadio –  en attendant, affirme Macky Sall, de rejoindre bientôt les villes de Mbour et de Thiès.

Tarifs prohibitifs

Dans des accents de Lider Maximo communiste, le président de la République a annoncé qu’une « aube nouvelle [s’était] levée ». Communisme ? C’est bien le mot juste ! On veut en effet faire accroire, en haut lieu, que ce TER est destiné à convoyer  115 000 voyageurs par jour, dont une majorité de pauvres des banlieues paupérisées. La réalité est autre. Ce TER entièrement climatisé, d’un coût de « 780 milliards [de F CFA] hors taxes » – selon le dossier de presse officiel – devrait être destiné à la seule classe moyenne. Cela doit être dit.

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Déjà, les tarifs pratiqués ne sont pas à la portée du goorgorlou lambda, censé l’emprunter plusieurs fois par jour : 500 F CFA pour rallier Thiaroye, 1 500 F CFA pour atteindre Diamniadio. Ensuite, le véritable défi, c’est de convaincre les ménages qui ont une ou deux voitures de s’en priver en semaine afin de contribuer au nécessaire désengorgement de la capitale sénégalaise. Ils emprunteraient ainsi des transports en commun adaptés à leur standing et répondant à leurs légitimes attentes de confort et de propreté.

Laissez les pékins moyens continuer à monter dans les bus Tata et les Ndiaga Ndiaye à 150 F CFA le trajet. Réservez plutôt le TER aux citoyens de la classe moyenne, dont beaucoup ont d’ailleurs quitté le centre-ville pour s’installer dans les villas cossues des poches prospères de banlieues comme Mbao Villeneuve, Malika, Keur Massar…

La gratuité du TER durant les quinze jours qui ont suivi son inauguration n’était qu’un leurre

Actuellement en cours de réalisation, le Bus Rapid Transit (BRT) pourra, lui, être dévolu aux personnes assommées par la quête journalière de la « dépense quotidienne », la fameuse DQ sénégalaise. Mais le gouvernement refuse de l’admettre et s’installe dans le déni, mettant en avant sa volonté farouche de permettre aux plus pauvres de voyager en TER. Comme pour se persuader d’avoir raison, il a ainsi décidé d’attirer le chaland des couches précaires en décrétant sa gratuité durant les quinze jours qui ont suivi son inauguration. Mais ce n’était qu’un leurre.

Améliorer le bilan carbone du TER

Qu’on se le dise (tout cynisme mis à part), toutes les infrastructures publiques ne sont pas accessibles à tous les citoyens. À chacun son transport en commun. Air Sénégal (« esprit Teranga », es-tu là ?) existe bien grâce aux deniers publics, c’est-à-dire grâce aux impôts de tous les contribuables. Mais voyager sous pavillon national n’est pas donné à tout le monde, pas plus pour aller à Paris ou à New York que pour rallier Ziguinchor.

La véritable avancée ? Permettre aux nantis de garer leurs 4X4 les jours ouvrés pour les reprendre le week-end

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Pour en revenir au TER, la véritable avancée – maintenant qu’on a préféré ce train urbain à la réalisation d’un train international allant de Dakar à Bamako –, ce n’est pas de lui faire atteindre Thiès ou Mbour. C’est de créer une ligne Dakar Plateau-Ngor Almadies. Pour que les fonctionnaires onusiens et les Sénégalais nantis garent leurs 4X4 pendant les cinq jours ouvrés de la semaine, et les reprennent le week-end pour sortir de Dakar afin de s’aérer.

Oui, la vraie cible du TER devrait être celle-là. Ce serait en plus une bonne occasion d’améliorer le bilan carbone du TER. « Chacun pour soi et Dieu pour tous » ? Que tout le monde s’assoie et que Dieu nous pousse. Quid des Sénégalais non pourvus matériellement ? Ils pourront prendre le TER les week-ends, et pour les grandes occasions où ils s’endimanchent. Voilà. Et à propos, « bonne année » !

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