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Dépouillement des votes lors de l’élection présidentielle de février 2019. © Sylvain CHERKAOUI pour JA

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Locales au Sénégal : les enjeux du scrutin

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Locales au Sénégal : sur qui s’appuie Macky Sall pour remporter Dakar ? 

La capitale rebelle échappe au chef de l’État depuis son accession au pouvoir, en 2012. Comment et grâce à qui Macky Sall entend-il la faire passer dans son escarcelle ? 

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Mis à jour le 19 janvier 2022 à 19:07

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Longtemps, Dakar a été acquise au pouvoir en place. Mais depuis la première élection du socialiste Khalifa Sall, en 2009, elle lui échappe. Abdoulaye Wade puis Macky Sall en ont fait les frais tour à tour.

En janvier 2022, l’actuel chef de l’État entend donc ravir ce joyau à la coalition Taxawu Sénégal, qui a désigné comme candidat Barthélémy Dias, un lieutenant de Khalifa Sall, l’ancien maire devenu provisoirement inéligible pour cause de condamnation judiciaire.

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Pour parvenir à ses fins, le président Macky Sall a constitué une garde rapprochée censée contrarier l’ambition de l’opposition qui, de Khalifa Sall à Ousmane Sonko, en passant par le parti d’Abdoulaye Wade, entend bien faire de l’élection à Dakar un test préalable à la présidentielle de 2024.

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Abdoulaye Diouf Sarr

Après plusieurs mois d’hésitation, l’actuel ministre de la Santé et de l’Action sociale a été désigné par Macky Sall comme le meilleur candidat pour Dakar. En 2014, Abdoulaye Diouf Sarr avait été le seul membre de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY) à remporter une commune dans la capitale. Et pas n’importe laquelle : avec 5 253 électeurs (selon la recension de la dernière présidentielle, en 2019), Yoff est la troisième commune la plus importante de Dakar derrière les Parcelles assainies (96 244 électeurs) et Grand Yoff (79 997 électeurs).

Pour la première fois, le maire de Dakar sera élu au suffrage universel direct

Au lendemain des élections locales, cet économiste de formation fait son entrée au gouvernement en tant que ministre du Tourisme et des Transports aériens, avant de prendre, en 2015, le portefeuille de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du territoire. Puis, en 2017, celui de la Santé.

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Cet ancien cadre de l’Alliance des forces de progrès (AFP), le parti de Moustapha Niasse – président de l’Assemblée nationale depuis 2012 -, rejoint le parti présidentiel à sa création, en décembre 2008. Membre du secrétariat exécutif national et du directoire de l’Alliance pour la République (APR), coordinateur des cadres du parti, Abdoulaye Diouf Sarr devra parvenir à s’imposer au-delà de sa commune de Yoff. D’autant plus qu’en janvier 2022 et pour la première fois, le maire de Dakar sera élu au suffrage universel direct, et non plus par les conseillers municipaux des 19 communes de la capitale.

Amadou Ba

L’éviction, en novembre 2020, de ce ministre qui semblait inamovible avait surpris. Entré au gouvernement en 2013, Amadou Ba fut longtemps le ministre de l’Économie et des Finances avant de prendre la tête du ministère des Affaires étrangères en 2019.

Mais il est aussi un Dakarois de toujours, né à Grand Dakar et enraciné aux Parcelles assainies. En 2016, il avait été mis à contribution pour mobiliser les troupes favorables à Macky Sall lors de la campagne du référendum constitutionnel. En 2017, le voilà tête de liste de la coalition Benno Bokk Yakaar dans la capitale. Deux ans plus tard, il est nommé délégué régional de BBY lors de la campagne présidentielle. Il est désormais le coordinateur national de la coalition présidentielle en vue des locales de janvier 2022.

Au premier rang de ses missions, la conquête d’une capitale « rebelle », qui échappe au parti présidentiel depuis la première élection de Macky Sall, en 2012. Principal atout de cet ancien directeur général des impôts et domaines, recruté par le président après son accession au pouvoir, un vaste réseau relationnel qui ne connaît pas de frontières partisanes.

N’a-t-il pas été, dans une autre vie, le supérieur de l’opposant Ousmane Sonko, lui-même ancien fonctionnaire du Service des impôts et domaines, avec qui il échangeait régulièrement ?

Malick Diop

Le porte-parole de l’AFP a été nommé, au début de novembre, directeur de campagne de la liste BBY pour la ville de Dakar. Un poste qui le place en première ligne pour coordonner les efforts de la coalition présidentielle afin de remporter la capitale. C’est lui qui a été chargé de la mise en place de l’équipe de campagne et de son organisation. Il intègre également la stratégie des différentes listes, pour la ville comme pour les communes.

Troisième membre investi par la liste de la majorité après Abdoulaye Diouf Sarr et la ministre de la Femme, Ndèye Saly Diop Dieng, et devant le ministre-conseiller Seydou Guèye, ancien porte-parole du gouvernement, ce pharmacien de formation est aussi le directeur de l’Agence sénégalaise de promotion des exportations (Asepex).

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Ses relations avec Abdoulaye Diouf Sarr remontent à il y a plus de vingt ans, alors que les deux hommes militaient ensemble au sein du parti de Moustapha Niasse, allié fidèle de Macky Sall depuis 2012. Malick Diop fut d’ailleurs le codirecteur de campagne de ce dernier lors de la présidentielle de 2012. Il est, en outre, le frère d’Abdou Diop, responsable du cabinet d’audit Mazars, au Maroc.

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Abdoulaye Makhtar Diop

Il est l’un des deux Grands Sérignes de Dakar, ces guides spirituels de la communauté léboue – laquelle fut à l’origine de l’édification de la capitale sénégalaise. Maire de la commune stratégique du Plateau (le centre-ville de Dakar) de 1996 à 2001, Abdoulaye Makhtar Diop est aujourd’hui député et vice-président de l’Assemblée nationale. Et il est devenu la figure de référence de cette communauté historiquement influente dans la ville.

En juin 2021, sans craindre l’accusation de communautarisme – le Sénégal n’a pas l’habitude de laisser se développer les réflexes électoraux basés sur l’appartenance ethnique -, Abdoulaye Makhtar Diop avait appelé à voter, lors des locales, pour un candidat lébou. À l’époque, deux noms se détachaient : le ministre Abdoulaye Diouf Sarr, devenu le candidat officiel de la coalition au pouvoir, et son collègue chargé de la Pêche, Alioune Ndoye, déjà maire de Dakar-Plateau.

Dans certaines communes de la région dakaroise – Ouakam, Yoff, Rufisque, Bargny -, la communauté léboue est importante. Et le Ndigël (« consigne », en wolof) du Grand Sérigne de Dakar servira la majorité présidentielle lors des locales.

Mahmoud Saleh

Soutien indéfectible du chef de l’État, le directeur de cabinet politique de Macky Sall chemine aux côtés du président depuis sa victoire en 2012. Ancien conseiller d’Abdoulaye Wade, Mahmoud Saleh est notamment chargé de sceller les alliances avec d’autres formations politiques et de porter des messages à leurs responsables.

Ancien membre de l’équipe de campagne du chef de l’État en 2012, il reste un interlocuteur incontournable pour établir la stratégie politique et électorale de ce scrutin local.

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Youssou Ndour

Le chanteur à la renommée internationale fut l’éphémère ministre de la Culture et du Tourisme – puis seulement du Tourisme – de Macky Sall après que ce dernier avait été élu en 2012. Lui-même avait vu sa propre candidature rejetée par le Conseil constitutionnel à la veille du scrutin.

Le chanteur fait profiter la coalition de son carnet d’adresses fourni à l’international.

À 62 ans, le roi du mbalax, cette musique typiquement sénégalaise, qui vient de sortir un nouvel album éponyme (Mbalax), ne s’est pas éternisé au gouvernement mais il est resté un proche du chef de l’État. Nommé conseiller à la présidence, avec rang de ministre et la mission – sans définition officielle – de promouvoir l’image du Sénégal à l’étranger, « You » dispose d’une popularité dans le pays qu’aucun artiste local ne saurait lui disputer. Il est aussi à la tête de l’influent Groupe futur médias (GFM), incontournable dans le paysage médiatique sénégalais.

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À Dakar, l’influence de ce fils de la Médina, quartier historique et populaire de la capitale, est un atout de taille pour le camp présidentiel. Issu d’une illustre famille de griots, le chanteur conseille notamment l’équipe de campagne sur les questions liées à l’organisation et au marketing et fait profiter la coalition de son carnet d’adresses fourni à l’international.

El Hadji Diouf

Le nom du célèbre footballeur El Hadji Ousseynou Diouf est également cité parmi les VIP susceptibles de mobiliser les jeunes générations en faveur du candidat présidentiel à Dakar, même si lui-même est natif de Saint-Louis (Nord).

Star de la sélection nationale qui, en 2002, a battu la France lors du match d’ouverture de la Coupe du monde avant de filer jusqu’aux quarts de finale (où le Sénégal sera éliminé par la Turquie), le « bad boy » du football sénégalais, qui fit les beaux jours de Liverpool FC malgré ses frasques à répétition, demeure un conseiller spécial du président Macky Sall.