À l’issue de son mandat de président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Corneille Nangaa a effectué sa déclaration de patrimoine auprès de la Cour constitutionnelle. Dans un courrier daté du 26 novembre que Jeune Afrique a pu consulter, le président honoraire de la Ceni liste, parmi les biens en sa possession, sept véhicules, dont trois appartenant à son épouse, Yvette Lubala Nazinda.
Le prédécesseur de Denis Kadima s’est également déclaré titulaire de cinq comptes bancaires et de onze terrains, situés entre Kinshasa et la province du Haut-Uélé, dont il est originaire et que son frère, Christophe Baseane Nangaa, gouverne depuis 2019.
C’est dans cette même province du nord-est du pays que l’ex-patron de la Ceni fait des affaires. Il y possède notamment une plantation de cacao et une palmeraie, ainsi qu’une parcelle à Kolwezi, dans la province minière du Lualaba. Cette déclaration de patrimoine intervient dans un contexte particulier pour l’ancien président de la Ceni.
Scandale
Depuis plusieurs semaines, il est, avec une poignée de conseillers et de ministres du président Félix Tshisekedi, aux prises avec un scandale concernant un projet minier dans lequel il s’est investi à travers un intermédiaire.
L’affaire en question concerne le carré minier de Zani Kodo, situé dans la province de l’Ituri et appartenant au patrimoine de la société minière de Kilo-Moto (Sokimo). Cette entreprise est détenue à 30% par l’État congolais et à 70% par des actionnaires privés.
Retour en 2017. À l’époque, c’est Kodo Ressources qui détient le permis d’exploitation de Zani Kodo. Il s’agit d’une société privée dans laquelle la Sokimo est actionnaire minoritaire et où la majorité des parts est, là encore, détenue par des privés. Parmi eux, figure Pianeta mining, dont le directeur général adjoint, Dede Muna, représente notamment Corneille Nangaa, et l’actuel ministre de la Recherche scientifique, José Mpanda.
Permis minier envolé
Selon nos informations, Pianeta a cherché à vendre ses parts. Une société, Amarik, s’est positionnée et s’est alors rapprochée du cabinet Kabwa, dirigé par Tete Kabwa Kabwe, puissant conseiller de Félix Tshisekedi, décédé en juin dernier. C’est via ce dernier que d’autres personnalités se seraient par la suite impliquées dans cette transaction, dont Guy Loando, actuel ministre de l’Aménagement du territoire, et Fortunat Biselele, conseiller privé de Félix Tshisekedi. Objectif : faciliter le désengagement des actionnaires de Pianeta et donc la mise à disposition du permis d’exploitation.
Or, lorsqu’un groupe émirati souhaitant investir en RDC s’est positionné, le fameux permis s’est révélé indisponible. Et ce, alors même que Tshisekedi avait été informé que ceux qui détenaient des parts s’étaient bel et bien désengagés.
Série d’auditions
Le président congolais a donc demandé à ce que la lumière soit faite sur cette affaire. À la présidence, le dossier a été confié à son conseiller spécial en matière de sécurité, François Beya. C’est cet incontournable pilier du pouvoir qui a été mandaté pour mener des auditions au Conseil national de sécurité (CNS) afin de tenter de comprendre pourquoi le retrait des actionnaires de Pianeta ne s’est pas déroulé comme prévu.
Les interrogatoires ont débuté le 12 novembre. Les ministres José Mpanda (Recherche scientifique) et Guy Loando (Aménagement du territoire) ainsi que Corneille Nangaa ont d’ores et déjà été entendus.
Alors qu’une confrontation était programmée le 17 novembre entre Corneille Nangaa et Fortunat Biselele, ce dernier ne s’est pas présenté à la convocation. En déplacement à Kigali pour une mission officielle, sur instruction de Félix Tshisekedi, le conseiller privé a finalement regagné Kinshasa dans la matinée du 19 novembre.
Selon nos informations, il ne s’est toujours pas présenté devant le CNS. L’affaire suscite de nombreux remous dans l’entourage du chef de l’État. Certains conseillers, comme François Beya et Fortunat Biselele, entretiennent en effet des relations compliquées.