Certains l’imaginaient de retour en Libye pour rallier Seif el-Islam Kadhafi, candidat depuis le 14 novembre à la présidentielle libyenne. Mais Béchir Saleh, le grand argentier de l’ancien régime et ex-patron du fonds souverain libyen, avait d’autres plans en arrivant à Sebha. Il vient ainsi de déposer lui-même sa candidature, dans la même ville que le fils de l’ex-Guide.
L’ombre d’Abou Dhabi
En réalité, les relations entre les deux hommes se sont réduites au minimum ces dernières années. À l’évidence, la nouvelle a été accueillie avec froideur par l’entourage de Seif el-Islam Kadhafi, qui minimise la portée de l’événement : « Sa candidature était prévue, mais il n’a pas beaucoup de poids au sein de l’opinion. »
Béchir Saleh aurait tenté d’entrer en contact avec Seif el-Islam Kadhafi lors de son retour. Mais le fils de l’ex-Guide estimerait l’ancien argentier trop proche des Émirats arabes unis. Béchir Saleh s’y est installé depuis son départ d’Afrique du Sud en 2018, où des menaces pesaient sur sa vie et où il ne bénéficiait plus de la protection des autorités suite au départ du pouvoir de Jacob Zuma.
Pour nombre d’observateurs, l’ombre d’Abou Dhabi plane au-dessus de sa candidature. « Il a livré beaucoup de secrets aux Émiratis », avance ainsi un proche de Seif el-Islam. « C’est le sous-marin d’Abou Dhabi », abonde un familier du dossier libyen.
Béchir Saleh n’a probablement aucune chance d’accéder à la présidence, mais il sera intéressé par un siège au Parlement
L’objectif de sa candidature serait ainsi de diviser le vote des kadhafistes… ce qui favoriserait Khalifa Haftar, lui aussi candidat. « Il ne dispose pas de fonds propres importants, or un voyage en jet coûte plusieurs centaines de milliers d’euros. Qui a payé ? » s’interroge un de ses anciens proches, jugant indubitable l’implication d’Abou Dhabi dans le retour au pays de Béchir Saleh.
Feu vert de Haftar ?
Le retour, dans la région de Sebha, de Béchir Saleh n’a également rien de fortuit. Il peut y compter sur plusieurs soutiens, notamment au sein de la communauté touboue dont il est issu. « Si son jet s’est posé à Tamanhint (région de Sebha, ndlr) et pas à Tripoli, c’est qu’il a reçu l’autorisation, le feu vert, de Haftar », avance, comme explication complémentaire, un soutien libyen de Seif al-Islam Kadhafi. La région est en effet sous le contrôle des troupes loyales au maréchal.
« N’oubliez pas qu’une candidature à la présidence peut-être utile pour promouvoir une candidature aux législatives (organisées en janvier, ndlr), analyse la même source. Béchir Saleh n’a probablement aucune chance d’accéder à la présidence, mais il sera intéressé par un siège au Parlement. »
Alors que des doutes pèsent toujours sur la tenue du scrutin prévu le 24 décembre, la présidentielle libyenne devrait voir s’affronter pas moins d’une dizaine de candidats. Dans un entretien accordé en 2017 à Jeune Afrique, Béchir Saleh affirmait vouloir revenir en Libye « dès que le processus démocratique sera engagé et que les milices auront été désarmées. » Il ne cachait alors pas ses ambitions présidentielles, « si les Libyens le souhaitent ».