Pour Paul-Marie Gondjout, c’est un peu la tournée de la dernière chance. Le 6 novembre dernier, le secrétaire exécutif adjoint de l’Union nationale (UN, opposition) s’est rendu à Port-Gentil pour tenter de convaincre délégués et militants de soutenir le 13 novembre prochain sa candidature à la présidence du parti. « Nouveau dynamisme », « plus grande proximité avec la base »… Le gendre de Zacharie Myboto, l’actuel patron auquel il entend succéder, est lancé dans une opération séduction.
Il avait auparavant tenu le même discours dans les provinces du Haut-Ogooué et de l’Ogooué-Lolo avec un objectif en tête : coiffer au poteau sa rivale, que beaucoup considèrent comme la favorite de l’élection : la vice-présidente de l’UN, Paulette Missambo. L’épouse de feu Casimir Oyé Mba, laquelle a également effectué une tournée, notamment dans l’Estuaire et le Haut-Ogooué, s’est appuyée sur un discours favorable au renouvellement du parti et à une place accrue réservée aux jeunes et aux femmes. Et celui-ci a visiblement séduit.
Le thème du “non” à la succession dynastique des Myboto rassemble ceux qui s’opposent au clan Bongo
« Elle a réussi à faire de Paul-Marie Gondjout le candidat du passé, explique un cadre de l’UN. Et le thème du “non” à la succession dynastique des Myboto est forcément rassembleur chez ceux qui s’opposent au clan Bongo depuis dix ans. Comment peut-on imaginer, dans un parti d’opposition tel que le nôtre, que le gendre [Paul-Marie Gondjout] et la fille [Chantal Myboto] succèdent au père ? »
« Paul-Marie Gondjout a voulu gagner du temps »
Entre les deux listes rivales, le duel dure en réalité depuis plus d’une année, le congrès de renouvellement des instances ayant été reporté à plusieurs reprises depuis le mois de novembre 2020. Début décembre 2020, Paul-Marie Gondjout, alors seul candidat en lice, avait ainsi été obligé d’annuler le vote, sous la pression des délégués et militants souhaitant présenter d’autres candidatures, dont celle de Paulette Missambo.
Le vote devait ensuite se dérouler en juin, puis en août et en novembre, avant d’être une nouvelle fois décalé sur décision du président du bureau, Raphaël Bandega-Lendoye, à ce 13 novembre. « Il y a eu beaucoup de malice et de reports orchestrés tout au long de l’année 2021 », s’amuse un historique du parti.
Paulette Missambo a menacé de cesser toute collaboration avec le bureau de l’UN si le congrès ne se tient pas rapidement
Paulette Missambo a même récemment menacé de cesser toute collaboration avec le bureau de l’UN, organisateur du congrès, si ce dernier ne se tenait pas rapidement. « Quand il a senti qu’il perdait de l’influence, Paul-Marie Gondjout a voulu gagner du temps pour convaincre les délégués. Peut-être a-t-il aussi voulu dégoûter Paulette Missambo et l’emporter sans combattre », analyse un membre du bureau.
« Nous avons été confrontés aux restrictions liées à la pandémie de Covid-19 puis à des retards dans les travaux des commissions préparatoires. C’est la raison pour laquelle cela nous a pris autant de temps », se défend l’organisation du congrès. « Il n’y avait pas lieu de se précipiter, notre objectif est de mettre le parti en ordre de marche pour la présidentielle de 2023 », ajoute un partisan de Paul-Marie Gondjout.
Chantal contre Éric
« Même s’il ne s’implique pas directement, Zacharie Myboto penche pour Paul-Marie Gondjout et Chantal, sa fille. Il a encore de l’influence et son avis compte évidemment beaucoup dans les instances », ajoute le membre du bureau précédemment cité. Paulette Missambo a toutefois intégré elle aussi un proche du patriarche dans son équipe de campagne, en l’occurrence Éric Myboto, le propre fils de « Zach » et frère cadet de Chantal, premier soutien de Paul-Marie. « Cela n’a pas plu du tout du côté de la liste Gondjout, car Zacharie Myboto se retrouve avec de la famille très proche des deux côtés. Cela limite son implication dans la campagne », glisse un cadre du parti.
Eric Myboto figure sur la liste de Paulette Missambo comme potentiel futur vice-président de l’UN, au même titre que François Ondo Edou, Jeanine Taty Koumba, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, Marie-Agnès Koumba, Roland Moutoumbou et Emmanuel Ntoutoume Ndong. Le député Maxime Minault Zima Ebeyard – directeur de campagne de la candidate – est proposé comme secrétaire exécutif.
Paul-Marie Gondjout a bien l’intention, s’il était élu, de se porter candidat à l’investiture pour la présidentielle
Paul Marie Gondjout présente quant à lui quatre vice-présidents : Pierre Ondo Mebiame, Pierre Ndzambi, Jean-Paul Methode Ibong Fadi et Mombo Nzigou. S’il était élu, le secrétariat exécutif du parti reviendrait à Lambert Nkogho Edzang. La liste qui aura rassemblé le plus de suffrages au soir du 13 novembre remportera, selon les dispositions adoptées par le bureau de l’UN, l’ensemble des postes. « Les autres rentreront dans le rang. Nous ne sommes pas le Parti socialiste français », souligne un membre du bureau.
2023 en ligne de mire
Si l’échéance est encore lointaine, c’est bien l’élection présidentielle de 2023 qui est dans toutes les têtes. Le scrutin pour la magistrature suprême sera en effet le premier à se dérouler en deux tours depuis l’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo Ondimba en 2009. Le parti d’opposition n’a donc pas l’intention de se désister au profit d’un autre et compte bien présenter un candidat estampillé « UN » au premier tour face au président sortant ou à celui qui sera soutenu par le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir).
Selon nos informations, Paul-Marie Gondjout a bien l’intention, s’il était élu président du parti, de se porter candidat à l’investiture pour la présidentielle et d’y jouer un rôle majeur grâce aux poids combinés des grandes familles Myboto et Gondjout. Du côté de Paulette Missabo, l’incertitude serait plus grande. Selon certaines sources, l’ancienne ministre a négocié avec certains de ses soutiens le fait de ne pas se porter candidate et de laisser la place à une nouvelle génération d’acteurs politiques.
Celle-ci pourrait être représentée par le député – par ailleurs fang, un atout de poids – Maxime Minault Zima Ebeyard, dont le nom revient régulièrement dans les discussions. « Il a l’avantage d’appartenir à la communauté fang et d’être un quadragénaire qui a réussi à se faire élire député malgré la dernière débâcle des législatives, en 2018 », souligne un proche de l’opposition. « Il ne faut rien exclure, conclut toutefois Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi. La candidature à la présidentielle est soumis à une primaire au sein de l’UN. Tout le monde devra en passer par là. »