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La nuit vient de tomber sur Bangui, ce mercredi 3 mars 1982. Pourtant, dans les faubourgs favorables à l’opposant Ange-Félix Patassé, l’heure est à l’effervescence. Depuis le milieu de l’après-midi, des tracts y circulent. Ils accusent le colonel François Diallo, un commandant de la gendarmerie proche du président Kolingba, de préparer pour le soir même un coup d’État destiné à empêcher l’ouverture à l’opposition. Des coups sourds retentissent. Les hommes les plus forts ont sorti les machettes et abattent quelques arbres pour barrer les principales artères de la ville.
Les hommes de Patassé sont chauffés à blanc, prêts à contrer le tour de force présumé de Diallo et du Comité militaire de redressement national (CMRN), la junte dirigée par André Kolingba. Depuis le retour de son champion à Bangui, quatre jours plus tôt, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) est sur le pied de guerre. Le CMRN aussi.
Il a autorisé Ange-Félix Patassé à rentrer en Centrafrique pour les obsèques de l’un de ses frères, mais il n’est pas dupe. Il se doute que Patassé prépare quelque chose. Pis, deux généraux du CMRN, François Bozizé et Alphonse Mbaikoua, sont venus l’accueillir à l’aéroport de Bangui, au milieu de ses supporteurs, alimentant les soupçons de trahison chez le chef de l’État.
Talkies-walkies
André Kolingba a donc décidé de mettre en alerte sa garde présidentielle, mais seulement à compter du 4 mars. Ce 3 mars, alors que les quartiers favorables à Patassé s’agitent, les soldats sont encore en permission. Ils profitent d’une dernière nuit avant la mobilisation générale. Le détail est d’importance car, à 23h40, les soupçons d’André Kolingba sont confirmés : le général Bozizé, celui qui est allé accueillir Patassé quatre jours plus tôt, débarque dans les locaux de la radio nationale, dans un centre-ville où règne un calme plat mais où ne vont pas tarder à retentir les grenades. Vingt minutes avant la fin des émissions, prévue comme chaque soir à minuit, Bozizé est en studio.