Le projet de convention avec Vitol est pratiquement prêt. Il n’attend plus que l’avis du Comité national de la dette publique (CNDP) ainsi que la lettre de confort qui doit l’accompagner. Pour que l’accord soit paraphé, Jean-Paul Simo Njonou, le directeur général de la Société nationale de raffinage (Sonara), devra aussi requérir l’autorisation de son conseil d’administration. De simples formalités en principe.
Si cette convention avec le principal créancier de la raffinerie camerounaise et chef de file des traders est validée – pour un montant de 154,8 milliards de F CFA (236 millions d’euros) –, elle servira de référence pour les accords à venir avec les six autres traders (Trafigura, Glencore, Addax, Gunvor, Mercuria et PSTV) avec lesquels Yaoundé est également parvenu à un compromis.
Les négociations avec deux derniers traders, Sahara Energy et Petra, dont les créances sont évaluées à 98 milliards de F CFA (environ 150 millions d’euros), doivent en revanche se poursuivre.
Lettre de confort
À l’heure actuelle, l’arrangement global trouvé par le groupe de travail mis en place par le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, et présidé par Martial Valéry Zang, le président de la Commission technique de réhabilitation (CTR) des entreprises publiques et parapubliques, porte sur plus de 272 milliards de F CFA.
Ce montant correspond à la dette commerciale de la Sonara à l’égard des sept acteurs mentionnés à fin 2019. Elle doit être remboursée sur dix ans au taux d’intérêt annuel de 5,5 %. Le tout accompagné d’une lettre de confort de l’État – en lieu et place d’une garantie souveraine – établissant la faisabilité de l’opération.
Ce mécanisme doit aboutir à la collecte d’environ 1,2 milliard d’euros sur dix ans
Les mêmes conditions de remboursement ont prévalu dans le cadre de l’entente conclue le 15 octobre avec neuf banques locales (Afriland, UBA, Ecobank, Bicec, Société générale, CBC, BGFI, Standard Chartered et CCA) portant sur plus de 261 milliards de F CFA.
Secteur bancaire sous pression
Cette dette a mis le secteur bancaire et l’exécutif camerounais sous pression après l’incendie du 31 mai 2019 qui a endommagé quatre unités de raffinage de la Sonara. L’évènement, ayant entraîné l’incapacité de l’entreprise à respecter ses délais de remboursement, a failli obliger les banques à faire des provisions pour éviter des sanctions de la part de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). Louis Paul Motaze s’est alors porté à leur secours, en débloquant 31 milliards de F CFA en urgence pour pallier les défaillances de la Sonara.
Pour honorer les échéances suivantes, une ligne supplémentaire intitulée « soutien à la raffinerie », de 47,88 F CFA par litre, a été ajoutée à la structure des prix des carburants après le sinistre. Elle permet de dégager un plafond mensuel de 6,5 milliards de F CFA logés dans un compte spécial à la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). Ce mécanisme doit aboutir à la collecte de 780 milliards de F CFA sur dix ans, période correspondant à la durée de remboursement des banques et des traders, dont les créances cumulées s’élèvent à 632 milliards de F CFA.
Restructuration
Délestée de son ardoise, la Sonara doit redevenir une unité de raffinage et pas « une société de réimportation des produits pétroliers comme c’est le cas actuellement », soutient le consultant à l’African Petroleum Institute (AFPI), un organe de l’Organisation des producteurs de pétrole africains (APPO), Albert Léonard Dikoumé. Car, sur décision des autorités, l’entreprise bénéficie également de 80 % des importations de carburant du pays pour lui permettre de maintenir la tête hors de l’eau.
Selon Dikoumé, par ailleurs ex-directeur financier du raffineur, deux autres conditions doivent être réunies pour compléter la restructuration : la reconstruction des unités de raffinage détruites, estimée il y a deux ans à près de 240 milliards de F CFA, et la réhabilitation de celles à l’arrêt depuis la survenue de l’incendie, préalables indispensables au redémarrage de l’outil industriel, la Sonara se cantonnant pour le moment aux activités de trading. « Une revue approfondie du protocole d’établissement des prix des carburants sortis de raffinerie s’impose aussi afin de permettre à l’entreprise de couvrir son coût de revient du raffinage », conclut-il.