Un bras de fer est-il engagé entre le Conseil national de transition (CNT) et le gouvernement ? Après une semaine de discussion, une commission ad hoc du CNT réunie jeudi 4 novembre a statué sur le cas de son 4ème vice-président, Issa Kaou Ndjim, incarcéré depuis une semaine. À l’issue de cette plénière, elle a demandé « la suspension de la détention de l’honorable Issa Kaou Ndjim » et demandé au gouvernement d’« instruire aux autorités d’enquêtes le respect scrupuleux des lois de la République notamment en ce qui concerne l’immunité conférée aux parlementaires par l’article 62 dernier alinéa de la Constitution ». La demande du CNT, qui n’a aucun pouvoir contraignant, va-t-elle changer le sort de Kaou Ndjim ?
Cette prise de position du CNT intervient une semaine après l’arrestation inattendue de cet homme politique et ancien membre du Mouvement du 5-juin qui n’a pas sa langue dans sa poche. Il a été incarcéré à la maison d’arrêt de Bamako pour « troubles à l’ordre public ». Lors d’une audience vendredi 29 octobre, trois mois de prison ont été requis à son encontre par le parquet.
Cela intervient peu après des propos critiques de Kaou Ndjim sur le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga. « Choguel tient un discours irresponsable qui embarque le pays dans l’abîme », avait-il dénoncé quelques jours après l’expulsion du représentant spécial de la Cedeao, Hamidou Boly.
Proche d’Assimi Goïta
Dans la foulée de la décision du CNT, le syndicat autonome de la magistrature (SAM) et le syndicat libre de la magistrature (SYLIMAl) ont publié un communiqué conjoint dans lequel ils déclarent avoir « pris connaissance de la résolution n°2021 – 001/ CNT-RM, demandant la suspension de la détention de Issa Kaou Ndjim », tout en mettant en garde contre toutes violations de la Constitution. « Les syndicats rappellent à tous le respect du principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs, gage d’une justice forte », ont-ils conclu.
Dans leur communiqué, les syndicats de la magistrature jugent qu’au regard de la séparation des pouvoirs, le gouvernement ne doit pas interférer dans cette affaire. Or, au Mali, l’Assemblée nationale ne peut pas saisir la justice sans passer par le chef du gouvernement, nuance toutefois un magistrat qui a souhaité garder l’anonymat. « Lorsque l’Assemblée nationale veut transmettre une requête au pouvoir judiciaire, celle-ci est d’abord transmise au Premier ministre qui la fait suivre à son ministre de la Justice. C’est à la discrétion du garde des Sceaux de saisir ou non l’autorité judiciaire compétente », explique-t-il.
Alors que la décision des juges est attendue le 3 décembre, l’affaire Kaou Ndjim est d’ores et déjà hautement politique. Soupçonnée d’avoir été commanditée par le Premier ministre ou son entourage, l’arrestation de ce membre du CNT haut en couleur étonne. Il était en effet jusque-là connu pour sa proximité avec la junte, qu’il défend depuis sa prise du pouvoir le 18 août 2020. Il a été l’un des premiers à publiquement promouvoir la candidature du président de la transition, qu’il surnomme « l’imperturbable patriote Assimi Goïta » à la présidentielle de 2022. Reste à savoir si le chef de l’État volera à son secours, ou si son destin dépendra de Choguel Maïga.