Économie

Finance : comment le Camerounais Louis Banga-Ntolo a pris la tête de la BVMAC

Au terme d’un long processus, le cadre chevronné de Société générale a été retenu pour diriger la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale. Sa mission : asseoir la visibilité et la crédibilité de la place boursière. 

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Par - à Douala
Mis à jour le 29 octobre 2021 à 17:22

Louis Banga-Ntolo remplacera à compter du 1er janvier 2022 et pour un mandat de quatre ans son compatriote Jean-Claude Ngbwa. © OM

Louis Banga Ntolo reste sur la place de Douala tout en changeant de casquette. Le 25 octobre, le conseil d’administration de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC), présidé par Henri-Claude Oyima, a jeté son dévolu sur le patron de Société Générale Capital Securities Central Africa pour diriger la bourse régionale unifiée.

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Le banquier camerounais, à la tête de la société de bourse du groupe bancaire français en zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) depuis trois ans, remplacera à compter du 1er janvier 2022 et pour un mandat de quatre ans Jean-Claude Ngbwa, qui occupe le poste par intérim depuis juillet 2019.

Tensions entre BVMAC et BEAC

Cette nomination vient conclure un long parcours marqué par des heurts entre les actionnaires de la BVMAC et la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), à qui incombait la tâche d’unifier les marchés financiers du Cameroun et de la zone Cemac.

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C’est la banque centrale qui avait lancé le recrutement en décembre 2019, une initiative retoquée en février 2021 par le conseil d’administration de la BVMAC.

Le bon sens a fini par prévaloir puisque les deux institutions ont ensuite évolué en tandem

« La Beac a accompli sa mission et ne doit plus s’immiscer dans la gestion d’une entreprise privée, dont seuls les actionnaires sont compétents pour recruter un employé », avait alors commenté un membre du tour de table de la bourse régionale.

Reprenant la main, cette dernière a relancé l’appel à candidature en mars, mandatant le cabinet Apave Cameroun pour identifier des candidats.

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« Le bon sens a fini par prévaloir puisque les deux institutions ont, ensuite, évolué en tandem durant le reste du parcours », confie une source proche du dossier.

Chargé par le gouverneur de la Beac, Abbas Mahamat Tolli, d’évaluer les 16 postulants de départ, le cabinet français de recrutement Morgan Philips a retenu un trio au sein duquel figuraient Louis Banga-Ntolo, son compatriote Simplot Kwenda, fondateur du cabinet de conseil Money Links, et le Tchadien Habib Doutoum Mahamat Nassour, cadre de la Beac.

Recrutement à suspense

Le cabinet Apave Cameroun a, lui, identifié en juin dernier cinq profils, le trio de la Beac auquel se sont ajoutées deux personnalités camerounaises : Joseph Neiville Besong Agbor, ancien secrétaire général de la Commission des marchés financiers (CMF) du Cameroun, et Fabrice Ndjodo Minyebele, fondateur du fonds de capital investissement Afrotopia Partners et ex-dirigeant du fonds sud-africain Tana Capital Africa de la famille Oppenheimer.

Sa compétence et sa connaissance du marché financier local ont fait la différence

Ces cinq personnes ont été auditionnées par le comité des nominations et des rémunérations de la BVMAC, présidé par Alain Olivier Mekulu Mvondo, le patron de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) du Cameroun.

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Selon nos informations, Fabrice Ndjodo Minyebele s’est distingué lors de son audition le 19 août, devançant Banga-Ntolo et Simplot Kwenda.

Mais le conseil d’administration, après avoir entendu les deux favoris Ndjodo Minyebele et Banga-Ntolo le 25 octobre, a finalement tranché en faveur du dirigeant de Société Générale Capital Securities.

Solides états de service

« Sa compétence et sa connaissance du marché financier local ont fait la différence », glisse une source proche du dossier.

Banga-Ntolo doit enfin faire décoller ce marché financier

Ses états de service durant sa carrière à Société Générale Cameroun (SGC), qu’il a intégré en 1999, quelques mois après l’obtention d’un doctorat en monnaie, banque et finance à l’université Lumière Lyon II, semblent avoir pesé.

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Dès sa prise de fonctions, il s’est attelé à la création d’un service de bourse des valeurs mobilières au sein de la banque. La filiale du groupe français s’est ainsi vu confier le rôle de banque de règlement du marché financier camerounais, Banga-Ntolo se posant en architecte de ce mécanisme et en rédacteur des procédures afférentes.

Il a ensuite piloté les introductions au Douala Stock Exchange (DSX) de la Société des eaux minérales du Cameroun (Semc, groupe Castel) et des producteurs d’huile de palme Safacam (groupe Bolloré) et Socapalm (groupe Intercultures), conduisant également l’arrangement du premier emprunt obligataire du Cameroun, d’un montant de 200 milliards de francs CFA (305 millions d’euros), en 2010.

Feuille de route claire

À 57 ans, ce passionné de gymnastique et de natation, qui a un temps siégé au sein de la CMF, doit maintenant relever un nouveau défi.

« Il doit enfin faire décoller ce marché financier », résume notre interlocuteur. Ce qui passe notamment par l’admission et la cotation, dans les meilleurs délais, des entreprises déjà désignées par Libreville, Brazzaville et Malabo afin d’approfondir le marché.

Nous voulons décerner des distinctions aux émetteurs les plus dynamiques du marché

Le financier camerounais, par ailleurs enseignant à l’université de Douala, a une feuille de route claire pour ses 100 premiers jours.

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Benchmarking

« Il faudra rapidement mettre un indice boursier en place pour accroître la visibilité internationale de notre marché. Un relooking du bulletin officiel de la cote sera aussi effectué pour promouvoir la disponibilité des données statistiques qui manquent aujourd’hui cruellement », détaille Louis Banga-Ntolo, qui prévoit aussi l’établissement d’un classement des acteurs en fonction de leurs performances tant sur les activités du marché primaire que secondaire.

« Nous voulons aussi décerner des distinctions aux émetteurs les plus dynamiques du marché », ajoute-t-il.

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Outre l’élaboration d’un plan stratégique et financier, le Camerounais a pour ambition, à moyen terme, d’inciter le secteur privé régional à participer davantage aux levées de fonds et de pousser les États à effectuer un emprunt obligataire annuel. La promotion de la culture boursière devra passer par des formations en partenariat avec l’African Securities Exchange Association (Asea).

Cette feuille de route a été préparée de longue date. En 2013, le ministre camerounais des Finances de l’époque, Alamine Ousmane Mey, avait en effet confié au banquier, alors directeur général adjoint de SGC, la conduite d’une délégation de cadres du département ministériel en mission sur le benchmark boursier au Ghana et au Maroc afin d’identifier des recettes pour dynamiser la place de Douala. Dès le 1er janvier, le nouveau DG pourra mettre ses préconisations en œuvre.