Politique

RDC : Joseph Kabila, une thèse pour défendre son bilan

L’ancien président a décroché un master en Afrique du Sud en soutenant un mémoire aux allures de plaidoyer pro domo. Un diplôme qui lui a été officiellement remis le 22 octobre.

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Mis à jour le 26 octobre 2021 à 12:37

Joseph Kabila à l’Université de Johannesburg, le 22 octobre 2021. © Twitter

Ils sont tous venus pour l’occasion. Vendredi 22 octobre, les couloirs de l’université de Johannesburg ont vu défiler plusieurs caciques de l’ancien régime congolais. Il y avait là l’ex-président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba, Zoé Kabila, le frère cadet de Joseph Kabila, autrefois gouverneur du Tanganyika, Kikaya Bin Karubi, fidèle conseiller de l’ancien président, ou encore l’ancien diplomate Michael Sakombi.

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Sur l’estrade, Joseph Kabila. Souriant, toge noir et mortier assortis, il exhibe fièrement son diplôme. Fruit de cinq années de travail, insiste son entourage, ce master vient récompenser un mémoire (thesis, en anglais) intitulé « Du désespoir à la stabilité vers la renaissance de la République démocratique du Congo. Un narratif autobiographique et une analyse auto-ethnographique ».

La démonstration prend rapidement des allures de plaidoyer pro domo

Derrière ce titre vague, 160 pages divisées en six chapitres. Présentée comme un récit destiné à donner une « perspective de l’intérieur » sur dix-huit années de développements politiques en RDC, la démonstration prend rapidement des allures de plaidoyer pro domo. Elle se veut aussi une réponse, affirme Joseph Kabila, aux différents experts qui ont, selon lui, livré une analyse biaisée de la situation politique congolaise.

« Erreurs fondamentales »

« Je ne prétends pas être un arbitre du Congo ni un expert en quelque sorte, mais le rôle et la fonction que j’ai occupés pendant près de deux décennies m’autorisent à aborder certaines des erreurs fondamentales commises par d’autres chercheurs et analystes sur la RDC », explique-t-il dans son propos introductif.

Après un bref retour sur les cinq premières années de l’indépendance puis sur le règne de Mobutu, Joseph Kabila s’attarde sur la période qui suit l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, a qui il a dédié cette thèse. Il ne s’étend pas sur les responsabilités dans ce crime qui reste l’un des grands mystères de l’histoire de la RDC, mais évoque la façon dont cette crise a été gérée au sommet de l’État, où il a été propulsé en janvier 2001. « Je n’étais pas un “grand homme de l’Afrique” et je n’avais pas l’intention de le devenir », écrit-il dans le chapitre consacré à cette époque charnière.

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Kabila défend néanmoins sa gestion et les efforts déployés pour impliquer les différentes parties prenantes dans la formule « 1+4 » (un président et quatre vice-présidents) en vigueur jusqu’aux élections de 2006. Un scrutin contesté, remporté par Kabila, qui se solde par une bataille rangée dans les rues de Kinshasa entre ses fidèles et ceux de son rival de l’époque, Jean-Pierre Bemba.

L’ancien président n’aborde cet épisode qu’en surface. « Dans le but de montrer à la nation que la lutte politique ne doit pas créer de tensions entre les Congolais qui sont de différents partis et veulent arriver au pouvoir, j’ai rendu visite à sa résidence au vice-président Jean-Pierre Bemba, bien que la tradition et la pratique politique veuillent que le candidat “battu” félicite le candidat élu », résume-t-il un peu plus loin.

L’ancien président dénonce le rôle joué par l’Ouganda et le Rwanda dans les conflits qui ont jalonné l’histoire du pays

Suit un long chapitre théorique qui revient sur l’élaboration de la Constitution de 2006, sur le fonctionnement des institutions – la commission électorale notamment – pendant ses deux mandats ainsi qu’une analyse de sa politique internationale et économique.

Sur le plan international, Joseph Kabila évoque notamment le cas des Nations unies, dont il souligne l’importance sans s’étendre sur le rôle de la Monusco, la mission de maintien de la paix dont il a maintes fois réclamé le départ. L’ancien président insiste en revanche sur la difficulté, pour un pays comme la RDC, de devoir composer avec neuf voisins et dénonce à plusieurs reprises le rôle joué par l’Ouganda et le Rwanda dans les conflits qui ont jalonné l’histoire du pays.

« Boucler la boucle »

Enfin, les élections de 2018, qui ont abouti à l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, sont présentées comme un moyen de « boucler la boucle » de ces dix-huit années à la tête du pays avec le premier transfert pacifique du pouvoir depuis l’indépendance.

Aucune référence à Moïse Katumbi ou à Étienne Tshisekedi

Discret sur la scène politique depuis le démembrement de sa majorité par Félix Tshisekedi, Joseph Kabila prend aussi soin d’éviter certains sujets sensibles. S’il commente en détail la manière dont il a géré certaines séquences politiques, il n’aborde presque pas ses relations avec les acteurs politiques de l’époque. Aucune référence à Moïse Katumbi ou à Étienne Tshisekedi ni à la vague de contestation qui a suivi le report des scrutins prévus en décembre 2016. Pas un mot non plus sur la polémique autour d’un éventuel troisième mandat ou encore sur la page la plus récente de sa vie politique : sa coalition – laborieuse et écourtée – avec Félix Tshisekedi.