Économie

COP26 : qui sont les négociateurs africains du climat ?

Tanguy Gahouma-Bekale, Seyni Nafo, Tosi Mpanu-Mpanu : ces quadras rompus aux négociations internationales vont porter la voix du continent lors de la conférence mondiale sur le climat qui s’ouvre dimanche en Écosse. Portraits.

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Mis à jour le 28 octobre 2021 à 16:11

Les quatre négociateurs africains pour le climat : le Gabonais Tanguy Gahouma-Bekale, le Malien Seyni Nafo, le Congolais Tosi Mpanu-Mpanu et le Sud-Africain Zaheer Fakir. © Montage JA : Bruno Levy/divergence; Olivier pour JA; Cedric Poulmaire/REA; GCF

Ils ont tous la même mission : mettre les priorités et les besoins spécifiques de l’Afrique au cœur des négociations internationales sur le climat. À quelques jours de la prochaine conférence mondiale sur le climat, la COP26, qui se déroulera du 31 octobre au 12 novembre à Glasgow, en Écosse, la pression monte pour les négociateurs africains.

Notre « continent produit le moins d’émissions de gaz à effet de serre mais en subit le plus gros des conséquences », rappelle le Gabonais Tanguy Gahouma-Bekale, le meneur du quatuor.

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Financement, adaptation, innovation, autant de sujets sur lesquels les négociateurs attendent des avancées concrètes. Jeune Afrique met en avant les quatre hommes clés des discussions.

  • Tanguy Gahouma-Bekale

    Tanguy Gahouma-Bekale, conseiller du président du Gabon Ali Bongo © Bruno Levy/Divergence

    Tanguy Gahouma-Bekale, conseiller du président du Gabon Ali Bongo © Bruno Levy/Divergence

C’est lui qui a pris la tête du groupe des négociateurs africains pour le climat (GAN) à la suite de l’Égyptien Mohamed Nasr, à l’issue de la COP25, en décembre 2019.

Quadragénaire de caractère, le Gabonais Tanguy Gahouma-Bekale, conseiller spécial du président Ali Bongo Ondimba et proche collaborateur du ministre de l’Environnement, Lee White, ne ménage pas ses efforts depuis sa prise de fonctions.

Si la crise sanitaire a bouleversé les agendas, avec le report d’un an de la COP26, elle n’a pas bridé le GAN. « Auparavant, le groupe était très actif à l’aube et au cours des grandes négociations, mais beaucoup moins entre chaque échéance. Or, il est impératif de rester en contact, explique-t-il. Nous y avons remédié et multiplié les visioconférences, ateliers et rencontres. »

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Tanguy Gahouma-Bekale, par ailleurs secrétaire permanent du Conseil national climat gabonais et directeur de l’Agence gabonaise d’études et d’observation spatiale (Ageos), organise donc une réunion des négociateurs en chef des 54 pays africains une fois par mois. Ces derniers n’échangeaient jusque-là que « deux ou trois fois par an ».

Il réunit aussi virtuellement chaque lundi ses proches collaborateurs, parmi lesquelles figurent l’Éthiopienne Selam Kidane Abebe, avocate spécialiste des questions climatiques et l’activiste égyptienne Mariam Allam.

  • Seyni Nafo

Seyni Nafo, Malien formé à Paris, Montréal et Chicago, est la mémoire institutionnelle du GAN. © Olivier pour J.A.

Seyni Nafo, Malien formé à Paris, Montréal et Chicago, est la mémoire institutionnelle du GAN. © Olivier pour J.A.

Incontournable dans le dispositif, Seyni Nafo est présent lors de ces rencontres hebdomadaires. Président du GAN en 2016 et 2017, le Malien de 41 ans en est surtout le porte-parole depuis une décennie et « la mémoire institutionnelle ».

Avec enthousiasme, il décrit un groupe de jeunes négociateurs (la moyenne d’âge est de 40 ans), pluridisciplinaire – composé de juristes, scientifiques et financiers – davantage paritaire que la majorité des autres groupements africains.

Formé à Paris, Montréal et Chicago, ce polyglotte, fils d’un grand banquier international, a longtemps été le plus jeune négociateur des conventions sur le climat. Ce qui fait qu’il en connaît les coulisses et les mécanismes sur le bout des doigts.

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Autour de lui, on salue son efficacité, son sens du dialogue et la sincérité de son engagement au long cours. Longtemps accaparé par les négociations techniques, le Malien consacre désormais « 80 % de son temps » au conseil des États dans l’accès aux ressources et à l’intégration des considérations climatiques à leurs projets de développement.

Les États africains parlent d’une même voix

Il vient de mener à bien un projet pilote en Tanzanie, le Programme de déploiement de technologies d’adaptation au climat pour l’agriculture (TACATDP), consistant à faciliter l’octroi de prêt pour l’achat de technologies d’adaptation dans le secteur agricole, une innovation qui s’accompagne d’une assistance technique et bénéficie du soutien des autorités. Seyni Nafo nourrit l’ambition de reproduire le dispositif dans une vingtaine de pays.

  • Tosi Mpanu-Mpanu
Tosi Mpanu-Mpanu, expert en développement durable et finance climatique, a présidé le GAN au sommet de Durban en 2011. © Cedric POULMAIRE/REA

Tosi Mpanu-Mpanu, expert en développement durable et finance climatique, a présidé le GAN au sommet de Durban en 2011. © Cedric POULMAIRE/REA

Le Congolais Tosi Mpanu-Mpanu, 47 ans, négociateur senior de la RDC, est un autre « vétéran » africain des questions climatiques. Il préside depuis deux ans l’organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique de la Convention climat des Nations-Unies (SBSTA), l’une des deux structures permanentes qui appuient le travail de la COP.

« C’est l’un de nos meilleurs représentants », dit à son propos Seyni Safo. Tosi Mpanu-Mpanu a mené le groupe des négociateurs africains en 2010 et 2011 lors des sommets de Cancún et de Durban. Il a également été membre du conseil d’administration du Fonds vert pour le climat et co-président du groupe des Pays les moins avancés (PMA) de la COP21 à Paris.

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« L’Afrique a aujourd’hui plus de poids dans les négociations. Les États parlent d’une même voix », se réjouit celui qui était déjà présent à la réunion mondiale sur le climat de Bali en 2007. « La question de l’adaptation est cruciale, reprend-t-il. Notre potentiel d’atténuation reste faible en raison de notre croissance économique et démographique. »

Un autre enjeu majeur est le financement. Promise en 2009 à Copenhague, l’enveloppe de 100 milliards de dollars qui devait être débloquée par les pays développés pour aider ceux en développement à faire face au dérèglement climatique est à ce jour incomplète.

Ces 100 milliards ne doivent pas être un plafond mais un plancher

Selon l’OCDE, la somme plafonne à 79 milliards de dollars, ce qui provoque « un manque de confiance énorme dans le processus de financement », déplore le négociateur congolais. Pour lui, « ces 100 milliards ne doivent pourtant pas être un plafond mais bien un plancher ».

Comme d’autres spécialistes, il plaide pour « une meilleure évaluation à la fois du soutien fourni par les pays développés et des besoins des pays en développement ».

  • Zaheer Fakir
Le Sud-Africain Zaheer Fakir a coprésidé le Fonds vert pour le climat entre 2016 et 2017. © AfDB Group

Le Sud-Africain Zaheer Fakir a coprésidé le Fonds vert pour le climat entre 2016 et 2017. © AfDB Group

Au cœur des négociations sur les questions de financement, le Sud-Africain Zaheer Fakir est et sans doute l’un des meilleurs connaisseurs continentaux du sujet.

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Ancien coprésident du Fonds vert pour le climat, il est désormais responsable des relations internationales et de la coopération au ministère des Affaires environnementales d’Afrique du Sud, qu’il a rejoint en 1999. De l’avis général, c’est un homme aussi discret qu’investi dans la cause climatique.