Depuis le putsch du 5 septembre à Conakry, un homme semble particulièrement visé par le colonel (et désormais président) Mamadi Doumbouya, dans le cadre de ce qui ressemble fort à une traque des biens supposés mal acquis sous le régime de son prédécesseur Alpha Condé. Son nom : Kabinet Sylla, plus connu sous le sobriquet de « Bill Gates », homme d’affaires prospère et intendant général de la présidence pendant dix ans.
Commandos nocturnes
La junte militaire au pouvoir soupçonne ce self made man de 56 ans, natif de Siguiri et très proche collaborateur d’Alpha Condé, d’avoir mis à profit sa position officielle pour se bâtir un petit empire commercial dans la logistique minière, le transport routier, la communication et le sport. Ce dont l’intéressé se défend, arguant que ses affaires étaient déjà florissantes avant l’élection de son mentor et qu’il n’était par ailleurs ni ordonnateur de dépenses, ni gestionnaire de régies financières, ni éligible aux marchés publics de l’État.
Convoqué au Palais du peuple, siège du quartier général des Forces spéciales (FS) dès le lendemain du coup d’État, « Bill Gates » n’a manifestement pas convaincu le colonel Doumbouya avec cet argumentaire. Le 8 septembre au soir, une dizaine de membres cagoulés des FS venus à bord de trois pick-up fouillent le moindre recoin de son domicile.
Quelques jours plus tard, et toujours sans présenter le moindre mandat, un autre commando nocturne s’empare de dix-sept véhicules de société sur le parking attenant à l’immeuble de Djoma Logistics, l’une des entreprises du groupe Djoma de Kabinet Sylla. Le 9 octobre, c’est au tour des locaux de Djoma Média (radio et télévision) de faire l’objet d’une descente musclée des forces spéciales. Bilan : deux blessés. Le 10 octobre, les comptes bancaires de sa holding sont gelés et le 20 octobre, la totalité des camions Djoma opérant sur le territoire guinéen sont saisis.
Bureaux pillés
Opéré en dehors de tout cadre judiciaire, ce type de harcèlement (qui n’est pas sans rappeler les frasques du capitaine Dadis Camara après sa prise de pouvoir en 2008) inquiète les ex-collaborateurs du président déchu. D’autant que certaines perquisitions donnent lieu à des larcins incontrôlés.
Situés au sein du « building administratif » non loin du palais de Sékhoutoureya, les bureaux du comptable et du directeur administratif et financier de la présidence, ainsi que celui du secrétaire général Kiridi Bangoura, ont ainsi, selon nos informations, été entièrement pillés par les Forces spéciales dès le 5 septembre.
