Politique

Imed Trabelsi : le « Noriega tunisien » ne voit plus le jour (3/3)

« Que sont devenues les figures du clan Trabelsi ? » (3/3). Jadis pivot des folles nuits tunisoises, Imed Trabelsi, 47 ans, ne nourrit plus beaucoup d’espoir d’être libéré un jour.

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Par - à Tunis
Mis à jour le 22 octobre 2021 à 16:15

Imed Trabelsi (au centre), au tribunal de Tunis le 10 août 2011. © REUTERS/Zoubeir Souissi © REUTERS/Zoubeir Souissi

Imed Trabelsi était si proche de sa tante Leïla Ben Ali que certains l’imaginaient être son fils. C’est que ce neveu préféré, elle l’a quasiment élevé. Si elle le houspillait régulièrement pour ses frasques, elle couvrait également ces arrières. Imed était à la fois un voyou protégé par son nom et un éternel jeune homme refusant de grandir. Connu comme le loup blanc, parfois surnommé le « Noriega tunisien », celui qui régnait sur la vie nocturne de la banlieue nord de Tunis trempait dans tous les trafics.

Yacht et BMW

L’incontrôlable Imed a même été à l’origine d’une crise diplomatique, en 2006, entre Paris et Tunis, avec l’affaire du yacht volé à Bruno Roger, dirigeant de la banque Lazard.

Imed a commandité le vol de la voiture du PDG de BMW en Allemagne

Le Beru Ma a été subtilisé à Bonifacio, en Corse. Il a fallu la pression de l’Élysée pour que l’embarcation d’une valeur de plus d’un million d’euros soit restituée à son propriétaire alors que Imed tentait de la faire immatriculer en Tunisie et qu’il naviguait, entretemps, à son bord au large de Sidi Bou Saïd. L’enquête dévoilera un vaste trafic de bateaux de plaisance, orchestré par Imed et son cousin Moez, qui ne seront jamais extradés pour répondre de leurs actes en France.

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Toujours en quête de sensations fortes, Imed utilise la même approche en jetant son dévolu sur des voitures de luxe et commandite le vol du véhicule du PDG de BMW en Allemagne, pas moins.

Mais il ne fera l’objet d’aucune poursuite et conservera sa fascination pour le luxe et le bien d’autrui. Son nom lui ouvre les portes et lui assure un blanc-seing. Sans avoir jamais réellement travaillé, il pense s’acheter une conduite, ou du moins améliorer son image en ayant une raison sociale.

Il sera la plus belle prise des brigades d’intervention lors de l’arrestation du clan Trabelsi

Il s’accapare par la menace et le harcèlement policier les parts des actionnaires du projet de Bricorama Tunisie et songe à se reconvertir en homme d’affaires en misant notamment sur l’immobilier à La Goulette, dans la chic banlieue nord de Tunis, dont il a été brièvement le maire.

108 ans de prison

Mais il ne pourra mener cette mue en bandit en col blanc à son terme. Celui qui trempait aussi dans des trafics de drogue et d’alcool a été rattrapé par l’insurrection du 14 janvier 2011 et sera la plus belle prise des brigades d’intervention lors de l’arrestation du clan Trabelsi à l’aéroport de Tunis. Paradoxalement, il s’apprêtait à fuir en France où il avait été jugé par contumace dans différentes affaires. La case prison était bien inscrite dans son destin.

Celui qui avait été donné pour mort, poignardé par un collaborateur, le 14 janvier et que d’autres disaient en fuite a été condamné à une peine globale de 108 ans et deux mois de prison dont 60 ans pour des chèques sans provision, assimilés en Tunisie à une fraude.

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Des délits sans lien avec la politique ou l’investissement, auxquels s’ajoutent des poursuites pour consommation de drogue, corruption et appropriation illégale de biens d’autrui, que paye cher celui que Leïla Ben Ali avait mis en garde contre son attrait pour le paraître.

Sa plus grande crainte est de ne pas revoir les siens de leur vivant

Celui qui menait grand train et avait construit une maison au cœur du site archéologique de Carthage a oublié sa volonté de puissance. À 47 ans, Imed Trabelsi se cherche un avenir et a tenté en 2017 de négocier un accord avec l’Instance Vérité et Dignité (IVD), chargée du processus de justice transitionnelle. Sa demande, à ce jour, n’a pas abouti.

Élan de sympathie

Pourtant, après avoir tenté d’attirer l’attention par des grèves de la faim, il a ensuite fait preuve de bonne volonté, demandé pardon au peuple tunisien et surtout livré, dans un entretien diffusé à la télévision, des aveux sans précédents sur le fonctionnement de la corruption sous l’ancien régime et l’implication de hauts cadres, notamment au niveau des services de la douane.

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Il apparaît aujourd’hui comme un vaurien finalement assez attachant, héros des petites frappes des quartiers malfamés. Mais ses efforts et son repentir ont été vains : toujours incarcéré, il semble devoir purger dans l’indifférence générale sa longue peine de prison.

Sa demande de levée d’écrou pour assister aux funérailles de son père a été rejetée

À la mort, dans un dénuement total, de son père, Mohamed Nacer, en mai 2021, sa demande de levée d’écrou pour assister aux funérailles a été rejetée, suscitant, malgré la réputation de l’homme, un petit élan de sympathie à son égard.

Depuis, selon ses proches, il végète et n’a pas grand espoir d’être libéré. Sa plus grande crainte est de ne pas revoir les siens de leur vivant et son plus grand regret, de ne pas avoir fondé de famille. Le 14 octobre, il a écopé de huit ans de prison supplémentaires pour atteinte à l’administration et obtention d’un bénéfice de façon illégale.