Politique

Grands lacs : Félix Tshisekedi sous la pression des Nations unies

Malgré les « suggestions » de l’envoyé spécial de l’ONU pour la région des Grands lacs, le président congolais persiste et signe : il organisera la 10e réunion de suivi de l’accord-cadre d’Addis-Abeba à Kinshasa. Explications.

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Mis à jour le 21 octobre 2021 à 15:15

Félix Tshisekedi, à la Cité de l’Union africaine, en octobre. © Présidence RDC

Deux ans se sont écoulés, sans qu’aucun sommet sur l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région ne puisse se tenir. Des difficultés d’organisation côté congolais avaient fait échouer les éditions d’octobre 2019, puis de février 2020. Et la pandémie de Covid-19 n’a pas permis aux autorités de tenir leur engagement en mars 2020.

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En septembre 2020, le rendez-vous avait une nouvelle fois été repoussé, l’Ouganda ayant fait remarquer à la RDC que la nouvelle date fixée un mois plus tard coïncidait avec une réunion ministérielle de l’Union africaine (UA), dont Kinshasa assure la présidence. Mais depuis trois semaines, le dossier est à nouveau sur le bureau de Félix Tshisekedi. Selon nos informations, le président congolais s’active pour organiser le sommet au début de décembre. Sauf que cette nouvelle date ne fait pas l’unanimité.

Refus net

L’envoyé spécial des Nations unies pour la région des Grands lacs, le Chinois Huang Xia, insiste pour lancer au plus tôt les préparatifs*. Mi-septembre, il s’en est directement ouvert auprès de Tshisekedi. Toujours selon nos informations, le diplomate lui a d’abord suggéré de renoncer à organiser cette réunion, pour la confier à l’Angola. Luanda organise en effet début novembre un sommet extraordinaire des pays de la Conférence internationale sur la région des Grands lacs.

Selon une source onusienne, « il est possible, pour plusieurs pays de la région, de faire d’une pierre deux coups en tenant en même temps le sommet sur l’accord-cadre. » Le Burundi notamment serait disposé à accepter cette organisation.

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Mais Félix Tshisekedi a campé sur ses positions : il tient à organiser l’évènement chez lui. Huang Xia lui a alors conseillé de tout mettre en œuvre pour que le sommet se tienne le 24 février 2022, afin de coïncider avec le neuvième anniversaire de la signature de l’accord-cadre d’Addis-Abeba. Mais le chef de l’État a refusé net, arguant qu’il souhaitait l’organiser avant de passer le relais au Sénégal à la présidence de l’UA.

Afin de faire le point sur l’avancée des préparatifs, une équipe d’experts du bureau de l’envoyé spécial des Nations unies pour la région des Grands lacs a séjourné à Kinshasa début octobre. Mais à ce jour, aucune équipe n’a été mise en place à Kinshasa. La commission d’organisation, qui fut co-présidée par Marie Tumba Nzeza, alors cheffe de la diplomatie, et François Beya, le « Monsieur sécurité » du président, n’a pas encore été réactivée. Au ministère congolais des Affaires étrangères, plusieurs sources concordantes indiquent qu’aucune initiative n’a encore été prise en ce sens et qu’à ce jour, les notes verbales pour informer les pays de la région de la nouvelle date du sommet n’ont pas encore été envoyées.


*Suite à notre article intitulé « Grands lacs : Félix Tshisekedi sous la pression des Nations unies » et paru le 18 octobre, le bureau de Huang Xia, l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands lacs, nous a fait parvenir le droit de réponse suivant :

Le bureau de l’envoyé spécial regrette que Jeune Afrique n’ait pas jugé nécessaire de le consulter avant la publication de cet article afin de vérifier un certain nombre des déclarations et prises de position, en l’occurrence erronées. Il n’y a ainsi point de désaccord, comme semble l’insinuer l’article, sur la date retenue pour la tenue du sommet et le bureau travaille en étroite collaboration avec le gouvernement de la RDC en vue d’atteindre les objectifs fixés à cet égard.

Il n’a jamais été non plus question de retirer l’organisation du sommet à la RDC au profit de l’Angola : la présidence du Mécanisme régional de suivi (MRS) est décidée selon un protocole bien établi qui implique une consultation entre États membres et ne peut en aucun cas être attribuée unilatéralement par l’une ou l’autre des institutions garantes de l’accord-cadre. Les Nations unies – en tant que l’une des institutions garantes de l’accord-cadre – n’ont donc pas vocation à exercer une quelconque pression sur un État signataire pour la tenue du sommet du MRS.

Par ailleurs, le gouvernement de la RDC a aimablement accepté d’assumer la présidence du MRS dès la tenue du prochain sommet et, à cette fin, collabore étroitement avec le bureau de l’envoyé spécial et l’Union africaine dans la préparation de cet événement. Alors que le sommet, initialement prévu pour 2020, a dû être reporté, notamment en raison de la pandémie de Covid-19, les consultations entre le gouvernement de la RDC et le bureau de l’envoyé spécial ont considérablement avancé. Une nouvelle date pour le 10e sommet du MRS sera annoncée sous peu.