Avec ses 22 volumes superposés sur une hauteur de 33 mètres, sa façade en pisé et ses 13 salles d’exposition, le pavillon du Maroc est à l’image des ambitions du royaume pour l’Expo 2020 à Dubaï : monumental.
Il n’est pas rare de voir les visiteurs faire la file à l’entrée de ce beau bâtiment couleur terre pour prendre l’ascenseur qui file vers le 7e étage ; aucun autre édifice, sur l’immense site qui accueille 192 pays, n’est aussi haut que celui-ci, et la vue y est imprenable.
« Nous avons eu 3 000 personnes vendredi dernier », glisse fièrement un garde. Son emplacement est idéal, à proximité d’Al Wasl, le dôme central autour duquel toute la circulation de l’Expo 2020 s’organise, « ce qui permet de drainer pas mal de monde », confirme Sana Smyej, directrice des relations publiques pour le pavillon.
Une salle met en scène les contributions d’intellectuels marocains à l’histoire de l’humanité
Une fois au sommet, le visiteur entame une longue descente sur une rampe qui zigzague le long d’un patio intérieur, où se succèdent plusieurs expositions.
On y apprend que les plus anciennes traces d’Homo Sapiens jamais retrouvées proviennent du site de Jebel Irbouh, dans le nord-ouest du Maroc, et qu’elles ont permis de faire reculer les origines de l’espèce humaine de près de 100 000 ans.
Ibn Battuta et industrie décarbonée
Une autre salle met en scène, à coups d’animations, les contributions de trois intellectuels marocains à l’histoire de l’humanité : Ibn Battuta, Léon l’Africain et le géographe Muhammad al-Idrisi.
Suivent une exposition interactive consacrée à l’eau, une autre sur l’huile d’argan, ses vertus et le rôle des femmes dans son exploitation commerciale, ainsi qu’une très jolie salle consacrée à la richesse botanique du Maroc et à ses promesses en termes de pharmacopée.

Les différents projets se dévoilent derrière des portes traditionnelles suspendues au mur, qui s'ouvrent au fur et à mesure sur de courts films de présentation. © Abby McPherson
Le circuit se clôture par la présentation des ambitieux projets d’infrastructures poursuivis par le royaume dans le solaire, l’éolien et l’hydroélectrique, avec l’objectif d’atteindre 52 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2030.
La scénographie est sophistiquée, les différents projets se dévoilant derrière des portes traditionnelles suspendues au mur, qui s’ouvrent au fur et à mesure sur de courts films de présentation.
De quoi rappeler la nouvelle approche du Maroc quand il veut se distinguer sur le marché mondial : être le lieu d’une industrialisation fondée sur des outils de production décarbonés.
Tout le gotha économique est là : la Confédération générale des entreprises du Maroc, Tanger Med, l’AMDIE, etc.
« Nous avons voulu avoir un pavillon iconique pour promouvoir la notoriété du Maroc et le présenter comme une destination auprès de nos partenaires, commente Imad Barrakad, président du Directoire de la Société marocaine d’ingénierie touristique. On y valorise le savoir-faire marocain, le patrimoine matériel et immatériel, tout en mettant en avant l’innovation. »
Ce haut-fonctionnaire représente Nadia Fettah Alaoui, la commissaire générale du pavillon et ex-ministre du Tourisme, qui n’a pu se rendre à Dubaï du fait de sa nomination comme ministre de l’Économie lors du remaniement ministériel du 7 octobre.
À la question de savoir combien le pavillon a coûté, Imad Barrakad botte en touche, se contentant de rapporter qu’il a bénéficié du soutien financier d’une « vingtaine de partenaires ». Les moyens déployés sont en tout cas colossaux, et le fonctionnaire ne cache pas son espoir de constater « un retour sur investissement ».
Gotha économique
Et d’investissements, il en est justement beaucoup question ce 10 octobre, journée qui inaugure le lancement d’une semaine de conférences autour des opportunités économiques pour le royaume.
Tourisme, finance, agriculture, industrie : « l’objectif est de montrer les potentialités dont dispose le Maroc pour attirer des investisseurs », détaille Imad Barrakad.
Tout le gotha économique est là – la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Tanger Med, l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), l’Institut des métiers de l’aéronautique, Pharma 5, Mondelez… –, de même qu’une délégation de journalistes arrivée la nuit précédente.
Cette première journée est l’occasion de lancer, depuis Dubaï, Morocco Now, une nouvelle marque d’investissement et d’export imaginée par l’AMDIE. L’intention n’est pas tout à fait claire. S’agit-il d’un label qui ouvre un accès à des aides ou à des soutiens ? « Non, répond Youssef El Bari, qui a pris la direction de l’AMDIE en juin dernier. C’est une identité qui permet de montrer la valeur que peut créer le Maroc pour tout investisseur, et les capacités dont nous disposons. »

Exposition consacrée à la fabrication traditionnelle d'huile d'argan. © Abby McPherson
Et de s’attarder sur les défis actuels qui se posent à l’économie mondiale : le changement climatique qui rend indispensable le recours à des outils de production décarbonés, la prise de conscience, suite à la pandémie, de la nécessité de développer des écosystèmes régionaux permettant un approvisionnement plus sûr et compétitif et, enfin, la reprise et le besoin d’augmenter les capacités pour satisfaire une demande croissante.
La crise du Covid ? Oubliée
« C’est le moment de voir le Maroc comme une option pour répondre à ces enjeux », souligne celui qui a commencé sa carrière chez Air Liquide en 2004. « « Now » : parce que ça se passe maintenant ! »
Youssef El Bari met en avant la stabilité politique du Maroc, sa nouvelle feuille de route 2021-2035, son train à grande vitesse, ou encore ses 54 accords de libre-échange.
Nous sommes ambitieux : nous voulons fabriquer un avion marocain, le Pilatus »
« Nous sommes le seul pays d’Afrique à disposer d’un accord de libre-échange avec les États-Unis », insiste-t-il. Il y a aussi Tanger Med « port numéro 1 en Méditerranée » et les gigantesques investissements dans les renouvelables, 6 milliards d’euros qui ont permis d’atteindre une capacité de 4 GW en 2021.
Ce diplômé de polytechnique place beaucoup d’espoirs dans le secteur automobile : « On en est autour de 10 milliards de dollars pour l’exportation, avec une capacité installée de 700 000 voitures, et un taux d’intégration de 60 %, ce que peu de pays peuvent faire. Et nous voulons être encore plus compétitifs et atteindre 80 % d’intégration. Ce chiffre de 10 milliards de dollars, nous voulons le multiplier par deux d’ici les dix prochaines années. »
Pour lui, la crise du Covid est derrière le secteur. « Le problème, maintenant, c’est la pénurie des semi-conducteurs. » Quid de l’aéronautique ? « C’est en train de reprendre, assure-t-il. Nous sommes ambitieux : nous voulons décarboner, aller beaucoup plus loin dans l’export, fabriquer un avion marocain, le Pilatus. On a un partenariat exceptionnel avec Boeing et Airbus. C’est un secteur qui a beaucoup de potentiel. »

Youssef El Bari (à g.), directeur général de l’AMDIE, et Imad Barrakad, président du directoire de la Société marocaine d'ingénierie touristique. © Abby McPherson
L’Expo 2020 se déroule aux Émirats arabes unis, pays avec lequel le Maroc entretient des relations de longue date. Qu’en est-il des investissements de ce côté ? « Les Émirats sont dans le top 5 des investisseurs pour le tourisme, rapporte Imad Barrakad. Il y a un potentiel important que nous voulons essayer de capter. La compétition est forte, et nous espérons que cette semaine permettra d’attirer de nouveaux investissements. »
Les Émirats sont déjà présents au Maroc à travers la construction du complexe de résidences et hôtels de bord de mer Fairmont La Marina Rabat-Salé et les projets immobiliers IMKAN à Rabat et à Marrakech.
Reste à voir de quelle façon tout cela se traduira en opportunités pour les jeunes Marocains, confrontés à un taux de chômage qui oscille autour des 30 %.