La désignation, le 29 septembre, de Najla Bouden pour former un gouvernement était le prélude à la remise en état de marche d’un exécutif à l’arrêt depuis le 25 juillet, date du gel des travaux de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et du limogeage du gouvernement Mechichi.
Malgré les pressions et la situation chaotique du pays, le président a pris tout son temps pour doter la Tunisie de l’exécutif de son choix. Et marquer ainsi le premier acte du régime présidentiel qu’il a instauré de fait en s’arrogeant tous les pouvoirs.
Plusieurs ministres reconduits
De discussions en négociations, il aura fallu tout de même quinze jours à la première femme Premier ministre de l’histoire de la Tunisie pour constituer son équipe. Ou du moins un gouvernement qui convienne au président Kaïs Saïed, désormais seul maître du jeu.
En coulisses, cette mise en place a été plus complexe que prévu, Najla Bouden ayant même songé, selon des proches de Carthage, à rendre son tablier il y a quelques jours.
Mais les doutes et les malentendus semble avoir été surmontés, et l’exécutif tant attendu a enfin vu le jour.
Rompant avec la tradition qui veut que la prestation de serment ait lieu le lendemain de l’annonce officielle de la composition du gouvernement, après l’obtention de l’aval de l’Assemblée, ladite cérémonie a été organisée dans la foulée, à Carthage.
Elle fut assez brève et paradoxale puisque les les ministres ont juré de respecter une Constitution que Saïed trouve insatisfaisante et qu’il a d’ailleurs suspendue en partie le 22 septembre.
Najla Bouden, qui a rarement pris la parole depuis sa désignation, a laissé entendre qu’il y aurait beaucoup de femmes et de jeunes dans son équipe.
Le président, pour sa part, a indiqué que la structure du gouvernement réserverait des surprises. Il n’en a rien été : l’exécutif de Najla Bouden reprend une configuration classique et a simplement supprimé le ministère des Collectivités locales.
Les jeunes que Saïed évoque sont souvent sans expérience et ne risquent pas d’être à même de conduire les affaires publiques
Le nouvel exécutif n’est pas un gouvernement de rupture : plusieurs ministres, dont Ali Mrabet (Santé) Fethi Sellaouti (Éducation), Othman Jerandi (Affaires étrangères) et Sihem Nemssia (Finances), ont été reconduits, tandis que Kaïs Saïed rappelle aux commandes de l’Intérieur Taoufik Charfeddine, un proche qui a occupé ce poste en 2020 et qui a été son directeur de campagne à Sousse. Kamel Deguiche retrouve la Jeunesse et les Sports après avoir été limogé en février 2021.
Avec une équipe de 24 ministres et 1 secrétaire d’État, dont 9 femmes, Najla Bouden entend axer son mandat sur le retour de la confiance, entre le citoyen et l’État, mais aussi entre l’État et ses partenaires étrangers.
Sans faire mention des priorités socio-économiques, qui désormais sont urgentes, la cheffe du gouvernement a tenté de rassurer avec des propos tout en retenue. Une manière de laisser au président la préséance pour d’éventuelles annonces.
Dialogue national
Durant la cérémonie, le locataire de Carthage a évoqué les thématiques qui lui sont chères et que les Tunisiens connaissent bien : la lutte contre la corruption, la nécessité de substituer un système à un autre et la satisfaction des revendications du peuple souverain.
Le président a confirmé la tenue du sommet de la Francophonie à Djerba (des opposants voulaient qu’il soit déplacé) et annoncé l’organisation d’un dialogue national qui serait une caisse de résonance des demandes de la jeunesse.
À aucun moment Kaïs Saïed ne fait allusion aux partis ou aux instances nationales. En revanche, il est longuement revenu, avec la tonalité lyrique qu’on lui connaît, sur les raisons qui ont motivé son passage en force du 25 juillet, étayant son propos, en guise de rappel pédagogique, avec des clichés de plénières houleuses et d’échauffourées entre parlementaires.
Il n’a en revanche pas évoqué les questions essentielles, dont la lutte contre l’inflation et la remise en marche du pays.
« Il ne fallait pas trop miser sur du neuf. Qu’il le veuille ou non, les jeunes que Saïed évoque sont souvent sans expérience et ne risquent pas d’être à même de conduire les affaires publiques », souligne un soutien du président.
Le même s’inquiète en outre de voir le temporaire s’installer dans la durée puisque ce gouvernement devrait être celui d’une période de transition dont la durée n’a pas été définie.
Composition du gouvernement Najla Bouden
Ministre de la Justice : Leila Jaffel
Ministre de la Défense : Imed Memmich
Ministre de l’Intérieur : Taoufik Charfeddine
Ministre des Affaires étrangères : Othmane Jerandi
Ministre des Finances : Sihem Nemssia
Ministre de l’Économie : Samir Saïed
Ministre des Affaires sociales : Malek Zahi
Ministre de l’Industrie : Neila Nouira Ghonji
Ministre du Commerce : Fadhila Rabhi Ben Hamza
Ministre de l’Agriculture : Mohamed Elyes Hamza
Ministre de la Santé : Ali Mrabet
Ministre de l’Éducation : Fethi Sellaouti
Ministre de l’Enseignement supérieur : Moncef Boukthir
Ministre de la Jeunesse et des Sports : Kamel Deguich
Ministre des Technologies : Nizar Ben Neji
Ministre du Transport : Rabii Majidi
Ministre de l’Équipement : Sarra Zaâfrani
Ministre des Domaines de l’Etat : Mohamed Rekik
Ministre de l’Environnement : Leila Chikhaoui
Ministre du Tourisme : Mohamed Moez Ben Hassine
Ministre des Affaires religieuses : Brahim Chaibi
Ministre de la Femme : Amel Belhaj
Ministre des Affaires culturelles : Hayet Guermazi
Ministre de l’Emploi : Nasreddine Nsibi
Secrétaire d’État aux Affaires étrangères : Aïda Hamdi