Le 7 octobre, le Maroc s’est doté d’un nouveau gouvernement, dirigé par Aziz Akhannouch.
Sans surprise, il est composé de membres issus des trois partis ayant obtenu le plus de sièges lors du scrutin de septembre : le RNI, le PAM et l’Istiqlal.
La nouvelle coalition sera attendue au tournant, notamment sur les dossiers sociaux, tant chacune de ses composantes a tenté de faire siennes les revendications sociales longtemps incarnées par le PJD.
Mustapha El Mnasfi est enseignant-chercheur à l’université Moulay Ismaïl de Meknès (Maroc). Il travaille sur les politiques publiques et les effets des mécanismes participatifs sur celles-ci. Pour Jeune Afrique, il décrypte les défis qui attendent le nouveau bloc gouvernemental.
Jeune Afrique : Quels sont, selon vous, les principaux défis qui attendent la coalition ?
Mustapha El Mnasfi : La nouvelle majorité aura à relever principalement des défis sociaux.
Le gouvernement a été nommé dans un contexte de crise sanitaire, laquelle a mis au jour certains problèmes longtemps restés « invisibles » ou qui ne constituaient pas un sujet de débat, notamment la protection et la sécurité sociale.
Le nouveau gouvernement sera donc invité à mettre en œuvre des politiques sociales pour lutter contre les inégalités et l’économie informelle, mais aussi à étendre la couverture sociale à tous les salariés et leurs familles.
Des contestations pourraient émerger dans les zones dites du « Maroc profond »
L’éducation nationale sera aussi l’un des défis majeurs du nouveau gouvernement. Le rapport de la Commission chargée du nouveau modèle de développement constituera le référentiel des politiques publiques qui seront mises en place.
Sur quels sujets pourraient surgir des divergences entre les trois composantes de gouvernement ?
Je ne pense pas que cette coalition connaîtra des divergences, sa composition étant différente de celle qui l’a précédée.
Une souplesse a été observée lors des négociations pour la répartition des postes ministériels. Le gouvernement ne devrait donc pas rencontrer de problèmes internes, mais plutôt des difficultés liées à l’absence d’une forte opposition au Parlement, ce qui renforcera l’opposition extra-parlementaire. Cette mandature ne sera pas facile.
Plusieurs dossiers ayant donné lieu à des contestations sociales vont très vite arriver sur la table : les enseignants contractuels, les Hirak du Rif, Jerada et Zagora.
D’autres sujets de discorde post Covid-19 pourraient émerger, notamment dans les zones dites du « Maroc profond ».
Dans ce contexte, la plupart des citoyens n’attendent pas de chiffres mais un impact des politiques publiques sur leur qualité de vie.
N’y a-t-il pas une incompatibilité fondamentale entre un Istiqlal qui clame vouloir relancer la consommation et un RNI et un PAM plutôt adeptes de la théorie du « ruissellement » ? La coalition ne risque-t-elle pas d’imploser sous l’effet de cette différence programmatique ?
Le discours d’un homme ou d’un parti durant la campagne électorale est une chose, l’exercice du pouvoir en est une autre.
Et puis l’Istiqlal ne gouverne pas seul. Il n’a d’ailleurs pas obtenu les départements clés en la matière, notamment celui des Finances [Nadia Fettah Alaoui a été nommée à la tête de ce ministère, NDLR].
Il est donc nécessaire d’attendre la présentation du programme gouvernemental devant le Parlement pour avoir une idée de la vision stratégique de la nouvelle coalition en matière de politiques publiques.