« Des coups bas », « une situation délicate », « une volonté de déboulonner le camp au pouvoir »… En coulisses, les militants et cadres de la ruche décrivent avec sévérité l’ambiance qui règne au sein de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema- PASJ) à quelques jours du congrès de la formation, au cours duquel les instances dirigeantes doivent être renouvelées.
Un moment décisif en vue de la prochaine présidentielle, toujours prévue pour février 2022 même si les risques de reports sont chaque jour plus grands. La désignation du nom du prochain chef de l’Adema déterminera en effet le positionnement du parti, qui n’a plus tenu le pouvoir depuis 2002 : présentera-t-il un candidat issu de ses rangs ou soutiendra-t-il un électron libre ?
Fronde contre Sangaré
Initialement prévu pour mars, le congrès a été repoussé à maintes reprises. « Depuis des mois, les tractations sont en cours, notamment pour faire tomber le président Tiémoko Sangaré, qui n’a cessé de repousser le congrès pour avoir le temps de renforcer ses rangs », glisse un ancien cadre du parti pour expliquer les reports successifs. Le récit officiel, lui, raconte tout autre chose. « Nous sommes plus que jamais déterminés à aller au congrès, assure l’ancien ministre Adama Diarra, secrétaire politique de l’Adema. Mais il a fallu restructurer le parti de la base au sommet. Ce processus de renouvellement a pris énormément de temps, mais c’est désormais chose faite. »
Plus critiqué que jamais, le président sortant – candidat à sa propre succession – se voit reprocher par ses militants d’avoir raté des rendez-vous électoraux importants en se rangeant derrière des candidats d’autres formations.
« Tiémoko Sangaré essaie de garder les rênes du parti alors qu’il fait face à une grande fronde en interne. Après qu’il a apporté son soutien à Ibrahim Boubacar Keïta lors de la présidentielle de 2018, de nombreux militants lui ont reproché d’avoir relégué l’Adema au rang de parti de “soutien” », estime Lamine Savané, enseignant-chercheur en sociologie politique à l’université de Ségou.
Afin d’éviter de se voir imposer un « parachuté », nombreux sont ceux qui souhaitent l’organisation d’une primaire
Des accusations auxquelles l’intéressé répond sans ambages : « À l’époque, le contexte le justifiait. Mais aujourd’hui, l’Adema ne peut plus se permettre de soutenir un candidat hors de ses rangs », confiait-il à Jeune Afrique en avril dernier. Ce qui ne l’empêche pas de discuter avec des « outsiders », comme l’ancien Premier ministre, Modibo Sidibé, ou l’homme d’affaires Seydou Mamadou Coulibaly, dont la puissance financière pourrait aider l’Adema, dont les comptes sont dans le rouge depuis des années.
L’épineuse question de la primaire
Afin d’éviter de se voir imposer un « parachuté », de nombreux cadres et une frange de la jeunesse du parti souhaitent l’organisation d’une primaire. Du maire de Sikasso, Kalifa Sanogo, à Adama Sangaré, le maire du district de Bamako – que des déboires judiciaires pourraient mettre hors course –, en passant par l’ancien ministre Moustapha Dicko ou Adama Noumpounon Diarra, plusieurs noms d’aspirants circulent.
Sur cette question également, le choix qui se fera au congrès sera déterminant. Au sein de l’actuelle direction, l’idée d’une primaire ne séduit pas. « Nous sommes une démocratie naissante, nous ne pouvons pas nous permettre ce luxe, cela diviserait nos rangs », prévient Adama Diarra.
Immaturité démocratique ou crainte de perdre un levier de négociations ? Selon un ancien élu issu des rangs de l’Adema, Tiémoko Sangaré n’a pas intérêt à organiser une primaire. « Son bilan est trop critiqué pour qu’il parvienne à se maintenir à la tête du parti sans l’appui d’autres caciques, souffle-t-il. Et quel meilleur moyen, pour l’obtenir, que de proposer à l’un d’eux d’être le prochain candidat de l’Adema à la présidentielle ? »