Économie

Sénégal : pourquoi les pilotes de Tunisair s’envolent vers Dakar

Une quinzaine de pilotes tunisiens ont rejoint la compagnie Air Sénégal. Fuyant une situation morose en Tunisie, ils sont attirés par de meilleures conditions de travail.

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Par - à Tunis
Mis à jour le 11 octobre 2021 à 15:45

Chaque année, des dizaines de pilotes se mettent en disponibilité de Tunisair pour voler sur d’autres compagnies.

En quelques mois, une quinzaine de pilotes tunisiens, principalement de la compagnie Tunisair, ont rejoint les cockpits d’Air Sénégal, dont les premiers vols commerciaux datent de 2018. Et la tendance devrait se poursuivre. Fuite des cerveaux ou échange gagnant-gagnant ?

Le président de la Fédération tunisienne des pilotes de ligne (FTPL), Karim Elloumi, penche pour la première hypothèse. « Si on regarde le profil de ces pilotes, ce sont surtout des instructeurs, c’est-à-dire des salariés avec de l’ancienneté. Au niveau national, il y a un réel risque de perte d’expérience. »

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Endettée à hauteur de 2,2 milliards de dinars (670 millions d’euros), la compagnie à la Gazelle ne fait plus rêver les pilotes. En parallèle, Air Sénégal, en pleine expansion, proposerait un salaire jusqu’à quatre fois plus élevé que le tarif tunisien pour voler sur sa flotte d’Airbus A320/A330, selon Karim Elloumi.

Depuis dix ans, la direction de Tunisair ne parle que d’économies, de budget, de plans de sauvetage, mais jamais de notre sécurité…

Détachements, pas démissions

Les Tunisiens sont également attirés par la visibilité garantie par la compagnie ouest-africaine concernant le nombre de vols, l’organisation du travail et les conditions de sécurité. « L’actuelle direction de Tunisair, comme toutes les précédentes depuis dix ans, ne parle que d’économies, de budget, de plans de sauvetage mais jamais de l’aspect opérationnel. Or, la sécurité, notamment, cela compte pour un pilote », insiste Karim Elloumi.

Contactée, la compagnie Tunisair n’a pas souhaité réagir.

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« Il faut nuancer ces départs, ce ne sont pas des démissions mais des détachements d’une durée de trois à six ans », précise un expert du secteur aéronautique. Sauf que le phénomène n’est pas nouveau.

Chaque année, des dizaines de pilotes tunisiens se mettent en disponibilité de Tunisair pour voler sur d’autres compagnies. Mais, en général, ils intègrent les grandes compagnies du Golfe, qui ne sont pas des concurrentes directes de Tunisair.

Fatigués de voir la matière grise tunisienne s’installer en Europe, en Amérique du Nord ou dans le Golfe, certains grincent des dents en constatant que, dorénavant, les pays subsahariens peuvent aussi attirer les compétences issues de la compagnie nationale aérienne.

Connaissance des aéroports ouest-africains

L’économie des salaires n’est, en effet, pas un argument négligé par la direction au moment d’accorder (ou non) ces mises en disponibilité. Au premier semestre de 2021, les charges de personnel (12,7 millions d’euros) représentaient près de 40 % des revenus de transport de la compagnie.

La Gazelle souhaite se tourner à nouveau vers l’Afrique

Autre avantage pour Tunisair, la bonne connaissance que les pilotes peuvent acquérir des aéroports africains desservis par Air Sénégal, comme ceux de Banjul (Gambie) et de Praia (Cap-Vert), non desservis par le transporteur tunisien.

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Ces dernières années, Tunisair a largement délaissé les destinations continentales pour se concentrer sur les lignes européennes, plus rentables. Mais, avec la mise en place de l’Open Sky et l’arrivée, à terme, des compagnies à bas coût venues de l’autre rive de la Méditerranée, la Gazelle souhaite se tourner à nouveau vers l’Afrique.

À moins que, d’ici là, ce ne soient les avions de compagnies africaines, comme Air Sénégal, qui prennent d’assaut les aéroports tunisiens. Avec ou sans pilote national derrière le manche.