Politique

Sénégal : Thierno Bocoum, « entre le marteau du pouvoir et l’enclume de l’opposition »

Qui cherche à nuire à l’opposant Thierno Bocoum, le président de l’alliance Agir ? En quelques jours, deux cabales successives l’ont visé. Lui y voit la main de rivaux en politique, sans départager majorité et opposition…

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Mis à jour le 11 octobre 2021 à 15:59

Thierno Bocoum a lancé le mouvement AGIR (Alliance générationnelle pour les intérêts de la République) en 2017. © Sylvain Cherkaoui pour JA

Après avoir été longtemps le lieutenant d’Idrissa Seck (aujourd’hui président du Conseil économique, social et environnemental) et avoir fondé à ses côtés le parti Rewmi, l’ancien député Thierno Bocoum, 45 ans, est aujourd’hui à la tête de l’Alliance générationnelle pour les intérêts de la République (Agir).

Ces derniers jours, alors qu’il prenait ses distances avec les deux principales coalitions de l’opposition en vue des élections locales de janvier 2022, ce quadragénaire a été pris en tenailles par deux cabales successives : l’une lui reprochant d’avoir perçu 200 millions de francs CFA [environ 305 000 euros] du régime de Macky Sall, l’autre l’accusant d’avoir sacrifié son propre fils, mort accidentellement en 2014 alors qu’il n’avait que 2 ans.

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Thierno Bocoum dérange-t-il ? Et qui lui en voudrait à ce point ? S’il n’est pas encore un véritable poids lourd de l’opposition, sa voix et son positionnement intransigeant dérangent. « Nous avons dénoncé le fait que l’on n’ait pas donné la chance à un large rassemblement de l’opposition. Cette dispersion dans nos rangs est une très mauvaise chose », déclare-t-il à JA.

Lors des locales prévues fin janvier 2022, tout candidat qui remportera le scrutin, même d’une seule voix, raflera la mise dans chaque circonscription. « L’enjeu est de taille pour l’opposition puisque le résultat des locales peut dissuader Macky Sall de briguer un troisième mandat présidentiel en 2022« , assure à JA Thierno Bocoum.

« Agir a décidé de rester concentrée sur sa première option : rallier la coalition de l’opposition la mieux placée dans chaque localité, ajoute-t-il. Les candidats s’efforceront de mutualiser leurs forces, notamment pour le versement de la caution. Tout sauf Benno Bokk Yakaar’ [la coalition présidentielle] est notre mot d’ordre, à condition de ne pas entériner une quelconque division de l’opposition. »

Jeune Afrique : En quelques jours, vous avez été mis en cause dans deux affaires distinctes et graves : que vous a-t-on reproché au juste et qui étaient, selon vous, les personnes à l’origine de ces accusations ?

Thierno Bocoum :  Le 20 août, j’ai livré une déclaration sur ma page Facebook, puis lors d’une conférence de presse. Je dénonçais la manière dont la coalition de l’opposition en vue des locales avait été formée. Depuis lors, je ne cesse de subir des attaques sur les réseaux sociaux et sur les plateaux de télévision.

On m’accuse d’avoir tué mon propre fils !

Je considère ces actes comme normaux dans le cadre du champ politique d’une démocratie comme le Sénégal où la contradiction est la norme. Mais cette affaire a ensuite pris une ampleur qui dépasse les limites de la liberté d’expression en démocratie. Car un Sénégalais de la diaspora [Ousseynou Seck] a attenté à ma dignité et à mon honneur à travers des accusations personnelles que je ne peux laisser sans réponse.

Notamment celle, ignoble, qui concerne mon défunt fils, décédé à l’âge de 2 ans, en 2014, après s’être noyé accidentellement.

La personne à l’origine de cette affaire, qui s’est exprimée sur les réseaux sociaux, est allée jusqu’à m’accuser d’avoir tué mon propre fils ! Ces calomnies terribles, guidées par la pure méchanceté, sortent clairement du jeu démocratique. Et cela a affecté mes proches et ma famille.

En politique, je suis préparé à subir les attaques, quelles qu’elles soient. Mais la limite a été atteinte.

Une autre personne, Fatoumata Ndiaye, vous a accusé d’avoir bénéficié de pots-de-vin. Mais elle a rétracté ses accusations en direct à la télé. Qui est-elle ? Comment s’en est-elle expliquée ?

Nous avions prévu de déposer notre plainte au lendemain du Magal de Touba, le 28 septembre. C’est alors que nous avons reçu un appel de l’avocat de Fatoumata Ndiaye, qui nous a informés que celle-ci prétendait s’être trompée, qu’elle voulait s’en excuser et qu’elle était même prête à faire une déclaration publique à cet égard. Elle s’est rétractée avec une déclaration télévisée dans laquelle elle a dit qu’elle était fâchée et qu’elle s’était contentée de répéter quelque chose qu’elle avait entendu ailleurs.

Nous poursuivrons notre combat sans crainte des attaques

Dans notre pays, nous avons un problème récurrent : des Sénégalais installés à l’étranger mettent en cause d’honnêtes citoyens sur Internet… en toute impunité. C’est ce qui a conduit une autre personne à porter des accusations sur ma personne au sujet de la mort de mon fils. Bien d’autres encore se sont laissés aller à commenter ce drame familial en procédant à une surenchère malsaine faite d’insultes et d’accusations fallacieuses.

Qui est Ousseynou Seck, l’individu qui vous a mis en cause dans la mort accidentelle de votre fils ?

Il vit en France et il est coutumier de ce genre de faits puisqu’il avait déjà porté des accusations contre ma personne pour, dit-il, soutenir son leader politique. Nous avons d’ores et déjà porté plainte contre lui au Sénégal.

Qui, selon vous, tire les ficelles de ces accusations destinées à vous salir ? Est-ce que vous soupçonnez la majorité présidentielle ou l’opposition ? Et sur quelles bases ?

Tout ce que je peux dire, c’est que depuis ma fameuse déclaration, je me retrouve entre le marteau du pouvoir et l’enclume de l’opposition. Je peux même dire, après avoir conduit mes enquêtes, que 99 % des attaques contre ma personne viennent de l’opposition.

Mais ce qui importe, c’est d’envisager l’après 2024, qui doit marquer le terme des deux mandats successifs de Macky Sall. Si notre position sur ce sujet mécontente des membres de l’opposition ou du camp au pouvoir, cela n’aura aucune incidence sur notre volonté de promouvoir le meilleur pour notre pays. Nous poursuivrons ce combat sans crainte des attaques.