Les grands groupes français remettent enfin les pieds sur le marché libyen. D’abord prévue à l’été puis repoussée à septembre, une délégation de l’organisation patronale Medef fera finalement escale à Tripoli du 10 au 12 octobre. Elle sera la première depuis 2012 à se rendre dans le pays marqué par les conflits et l’instabilité, depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Cette délégation réduite, comprenant notamment le géant pétrolier Total, et le gestionnaire d’hôpitaux Denos Health Management est pilotée par Philippe Gautier, directeur général de Medef international et Philippe Tavernier, directeur Afrique et Moyen Orient chez Vinci Construction Grands Projets. Ils seront accompagnés de Jérôme Barthe, le président de la chambre de commerce franco-libyenne.
Selon nos informations, ils comptent s’entretenir avec plusieurs ministres dont Mohamed Ali Huweij (Économie), Ali Al Zanati (Santé), Najla Al-Mangoush (Affaires étrangères), Mohamed Aoun (Pétrole) et Mohamed El Shahubi (Transports). La délégation doit également rencontrer le patron des chambres de commerce libyenne Mohamed Raed.
Total négocie les champs de Waha
Ces rencontres doivent permettre aux groupes français de renouer le contact à Tripoli et de se positionner sur les chantiers de la construction, de la santé, de l’eau et de l’énergie. Toujours actif dans le pays, le géant pétrolier Total pourrait en profiter pour discuter d’un dossier brûlant. Le groupe de Patrick Pouyanné est à pied d’œuvre pour négocier l’achat des parts de l’américain Hess dans les champs pétroliers Waha. De son côté, Denos Health Management vise le contrat de gestion du Benghazi Medical Center.
Par ailleurs, d’autres groupes français espèrent revenir sur le terrain comme Bolloré Transport & Logistic. La société manœuvre toujours pour renégocier les termes de son contrat de concession des terminaux du port de la zone franche de Misrata (Misrata Free Zone) signé en 2010 qu’il dispute désormais au turc Albayrak.
Reconstruction
En mai, une délégation du Medef emmenée par le président du conseil d’affaires franco-libyen au Medef et patron de Vinci Construction Grands Projets, Patrick Kadri, avait rencontré Abdulhamid al-Dabaiba lors de sa première visite en France. Ce dernier a donné le coup d’envoi des chantiers de reconstruction cet été. Malgré un marché global estimé à 111 milliards de dollars, la situation politique instable du pays effraie les investisseurs. Tripoli multiplie donc les échanges avec les chambres de commerces étrangères et les forums se succèdent pour raviver l’intérêt des groupes étrangers.
L’activisme du Premier ministre, qui est aussi un puissant homme d’affaires de Misrata, bénéficie pour le moment davantage aux groupes turcs. De leur côté, les égyptiens et les chinois réussissent à se tailler une place sur les futurs marchés libyens. Le retour des groupes français n’a pas été facilité par les tensions sur l’axe Paris-Tripoli avec l’ex-gouvernement de Fayez al-Sarraj puis par la proximité d’Abdulhamid al-Dabaiba avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Paris revient dans le jeu
Le timing de la visite du Medef s’inscrit dans l’agenda de la diplomatie française cherchant à se replacer dans le dossier libyen. L’Élysée prépare l’organisation d’une conférence internationale libyenne le 12 novembre à Paris. Devant réunir des chefs d’État et de gouvernement, le rendez-vous doit permettre « de consolider l’unité de la communauté internationale sur la question libyenne », selon les déclarations de Nicolas de Rivière, le représentant permanent de la France auprès des Nations unies. La tenue des élections dans le pays, prévues le 24 décembre, paraît par ailleurs compromise.