Il existe de multiples façons de quitter le pouvoir suprême. De son propre chef, comme le Sud-Africain Nelson Mandela, sourd aux sirènes de la popularité ; par les urnes, comme le Sénégalais Abdoulaye Wade, battu à la présidentielle de 2012 ; par un putsch, comme le Guinéen Alpha Condé, récemment déposé par la junte de Mamadi Doumbouya. En cas de recherche active de point de chute, les dépités peuvent parfois compter sur la solidarité d’anciens collègues, comme le Congolais Pascal Lissouba ou le Guinéen Moussa Dadis Camara, qui purent déposer leurs malles au pays de Blaise Compaoré.
Hospitalité dakaroise
Pour une période de désintoxication du pouvoir, Dakar serait-elle le carrefour idéal pour les anciens présidents sujets à la déprime ? En 2012, renversé un mois avant son retrait volontaire, le Malien Amadou Toumani Touré s’exilait dans la capitale sénégalaise, qu’il ne quittera définitivement qu’en 2019. En 1990, c’est le Tchadien Hissène Habré qui s’y était réfugié. Mais il y avait finalement été jugé et condamné à la prison à perpétuité avant d’y décéder et d’y être inhumé…
La solidarité des présidents en exercice vaudrait aussi pour les ex-présidents. Mardi dernier, le nonagénaire Abdoulaye Wade a ainsi offert l’hospitalité dakaroise à l’octogénaire Alpha Condé, renversé le 5 septembre. Dans un communiqué publié par sa formation politique, le Parti démocratique sénégalais (PDS), l’ancien président a déclaré mettre à la « disposition » du Guinéen « la maison » qu’il occupe, au cas où celui-ci souhaiterait « à un moment ou un autre, un retrait momentané de réflexion », sans pour autant se « couper » de sa « base ». Et maître Wade de glisser dans l’offre une révélation personnelle, précisant qu’il devait « libérer incessamment » ladite villa pour retourner à sa maison familiale, dont la réfection serait quasiment achevée.
Abdoulaye Wade se dit convaincu que Macky Sall n’y verra pas d’inconvénient
Points communs
Les parcours de Condé et Wade esquissent-ils des points de convergence susceptibles d’inspirer pareille entraide ? Si le socialiste guinéen et le libéral sénégalais n’ont pas porté les mêmes obédiences idéologiques, ils incarnent – en Afrique francophone et avec Laurent Gbagbo – le profil de l’opposant historique tardivement sacré. S’il n’a été élu que deux fois à la présidence de son pays, le Sénégalais a été candidat sept fois.
Les deux hommes ont également partagé la tentation du troisième mandat. Après des modifications de la Constitution, Wade tentera de « re-rebeloter » en 2012. C’est après le référendum de 2020 que Condé sera élu à un troisième mandat devenu, entre temps, une sorte de tabou en Afrique de l’Ouest.
Usant d’un communiqué public pour son invitation à Alpha Condé, et non d’un message privé, Abdoulaye Wade oublie-t-il qu’il n’est plus au pouvoir ? Quid de l’avis des chef d’État guinéen et sénégalais ? À Conakry, la junte affirmait encore, le 17 septembre, que le président déchu « est et demeurera en Guinée ». Quant à Macky Sall, il entretint des relations tendues avec son ex-homologue. Abdoulaye Wade l’a-t-il sondé ? Il se dit convaincu que son successeur « ne verra pas d’inconvénient » à un exil dakarois d’Alpha Condé. À cinq ans de son centenaire, maître Wade a manifestement toujours envie de faire le buzz…