Politique

Sommet Afrique-France : Aliou Bah, un jeune leader guinéen à Montpellier

Cet économiste guinéen, président du Mouvement démocratique libéral, est l’un des onze jeunes sélectionnés pour animer le grand débat du sommet de Montpellier, ce 8 octobre.

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Mis à jour le 8 octobre 2021 à 11:30

Aliou Bah était reçu à l’Élysée le 5 octobre en préparation du sommet Afrique-France de Montpellier. © DR

Mardi 5 octobre, Aliou Bah a été reçu durant une heure et demie à l’Élysée par Emmanuel Macron. Âgé de 37 ans et président d’un petit parti politique guinéen, il n’était certes pas seul autour de la table avec le président français. Avec lui, dix autres représentants de la jeunesse africaine, ainsi que l’écrivain camerounais Achille Mbembe, rédacteur du rapport de synthèse des débats préparatoires au sommet de Montpellier du 8 octobre, et le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, qui a également participé aux consultations.

Économiste formé en Guinée, où il enseigne à l’université, Aliou Bah fait partie des onze jeunes sélectionnés pour participer au grand débat de clôture du sommet organisé par Paris, qui vise à refonder les rapports Afrique-France en rassemblant des acteurs « non-institutionnels » en lieu et place des chefs d’État et hommes politiques traditionnels.

Une rencontre « libre et détendue »

« Le président Macron semble à l’écart de ce que l’on peut appeler les réseaux classiques de la Françafrique, explique Aliou Bah. Je pense que le critère déterminant a été surtout de choisir des leaders indépendants qui prônent une vision du développement du continent. J’ai été contacté dans ce cadre. » Selon lui, la rencontre du 5 octobre a été « libre et détendue. Le président Macron a déclaré qu’il souhaitait que des liens forts entre l’Afrique et la France se maintiennent, dans l’intérêt de tous ».

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« J’ai dit au président Macron que si l’on se plaint souvent de l’inefficacité de nos relations, il faut savoir avec qui l’on discute. Lorsque le partenaire n’est pas légitime pour parler et agir au nom de son peuple, cela peut porter préjudice. Les dirigeants africains qui ne sont pas à la hauteur des attentes de leurs populations se réfugient derrière les débats nationalistes ou souverainistes. Ceux qui travaillent ne sont pas dans cette logique de victimisation. C’est aux Africains de choisir leurs dirigeants, pas aux réseaux internationaux. La France ne doit pas collaborer avec un dirigeant illégitime tout en feignant de nous aider », poursuit-il.

Sa présence à Montpellier donne une visibilité internationale au parcours de ce jeune leader, engagé depuis une dizaine d’années sur l’échiquier politique guinéen. D’abord directeur de la communication du Bloc libéral (BL) qu’il rejoint en 2012, à l’âge de 28 ans, il forme un duo remarquable avec Faya Millimouno, président du parti. Les deux enseignants se démarquent notamment à l’occasion de la campagne présidentielle de 2015 en privilégiant le débat d’idées aux détriment des discours centrés sur les questions ethniques.

Brouille avec Millimouno

Le BL, qui participait pour la première fois à un scrutin, réussit à décrocher la quatrième position, derrière le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG arc-en-ciel) alors au pouvoir, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo et l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré.

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Mais le duo bat de l’aile : en avril 2018, le jeune directeur de la communication dénonce « des dysfonctionnements internes et des contradictions majeures sur les orientations du parti » avant de jeter l’éponge. Dans le camp de Faya Millimouno, on explique la brouille par le fait qu’Aliou Bah n’aurait pas supporté de ne pas être désigné représentant du Bloc libéral à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Alors que certains annonçaient son adhésion à l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), principal parti d’opposition, l’économiste lance son propre parti, le Mouvement démocratique libéral (Model). Depuis, celui-ci attend d’être agréé par le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation.

Pas de misérabilisme

Parallèlement à ses activités politiques et ses cours dans les universités guinéennes, Aliou Bah est également consultant sur des questions électorales et en économie du développement. Une palette d’activité qui lui permet de se faire remarquer hors de son pays. Après avoir bénéficié du programme Visiteurs internationaux (International Visitors Leadership programme, IVLP) du département d’État américain en 2020, le voici convié cette année en France pour travailler au renforcement des liens entre l’Afrique et la France.

C’est aux Africains de choisir leurs dirigeants, pas aux réseaux internationaux

Selon lui, la phase préliminaire au sommet de Montpellier a réellement permis de jeter les bases de nouvelles relations entre Paris et le continent. « Le rapport de consultations dressé par Achille Mbembe contient des idées nouvelles et part d’un diagnostic critique, le travail a été rigoureux. Il y a une volonté pour que les relations entre l’Afrique et la France se poursuivent parce qu’elles sont historiques, que les enjeux géopolitiques l’exigent et qu’on peut les améliorer dans l’intérêt des deux parties. »

La rhétorique paternaliste est à bannir. L’Afrique ne peut pas être réduite aux questions de migration

Toutefois, conclut-il, « la rhétorique paternaliste est à bannir. L’Afrique ne peut pas être réduite aux questions de migration. Il n’y a pas qu’une Afrique misérable, il y a aussi celle qui évolue. Le rapport est assorti de propositions. Nous avons convenu de ne pas nous limiter au sommet, de veiller à la mise en œuvre de nos engagements respectifs. » Mais pour s’assurer que les bonnes intentions se traduisent dans les faits, un mécanisme de suivi ne sera peut-être pas superflu.