Tour de vis sans précédent sur les visas. La France a décidé de réduire de moitié le nombre de visas délivrés aux ressortissants algériens, marocains et tunisiens au motif que leurs autorités respectives refusent de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France. La mesure a été confirmée ce 28 septembre par le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal au micro d’Europe 1.
C’est une décision drastique, c’est une décision inédite, mais c’est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n’acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France, a expliqué le porte-parole du gouvernement français.
« C’est une décision drastique, c’est une décision inédite, mais c’est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n’acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France », a-t-il expliqué. Le nombre de visas délivrés aux ressortissants algériens et marocains baissera de 50 % et de 33 % pour les Tunisiens.
Selon les informations d’Europe 1, sur les six premiers mois de l’année 2020, environ 63 000 visas ont été délivrés pour 96 000 demandes émanant de ressortissants des trois pays. Sur les six premiers mois de l’année 2021, plus de deux demandes sur trois déposées par des Algériens ont été satisfaites.
« Emmanuel Macron a donc demandé aux services consulaires du Quai d’Orsay de délivrer pour les six prochains mois 31 500 visas maximum, soit une division par deux », précise la chaîne. Objectif : pousser les pays concernés à changer d’attitude et à accepter de délivrer les laissez-passer consulaires.
De la menace aux actes
La France a délivré 766 575 visas pour les trois pays du Maghreb au cours de l’année 2019 pour 1 101 702 demandes enregistrées. Le Maroc arrive en tête avec 346 103 visas accordés, suivi par l’Algérie (274 421) et la Tunisie (145 917).
Une décision motivée par le refus des autorités consulaires de ces trois pays de délivrer les documents nécessaires pour procéder à l’expulsion de leurs ressortissants en situation irrégulière du territoire français. Selon Gabriel Attal, la France a d’abord usé de menaces après l’échec du dialogue engagé avec les gouvernements concernés avant de passer de la parole aux actes.
La question de l’immigration clandestine et des flux migratoires a été au cœur de la visite du ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin à Tunis et à Alger, en novembre 2020.
En visite au Maroc un mois plutôt, Gérald Darmanin a évoqué le même sujet ainsi que celui des enfants mineurs isolés. Paris avait alors insisté pour que les trois pays coopèrent davantage sur le dossier des personnes indésirables en France.
La même question a également été abordée lors des réunions avec les ambassadeurs des pays concernés, sans résultats tangibles. « À un moment, quand les choses ne bougent pas, nous faisons appliquer les règles », plaide le porte-parole du gouvernement.
La condition de délivrance des visas ainsi que le nombre de titres accordés a toujours constitué un sujet de tensions entre l’Algérie et la France. Les Algériens n’ont de cesse de réclamer de Paris une augmentation du nombre de visas qui sont passés de 80 000 en 1998 à plus de 400 000 en 2017, avant la crise du Covid-19.
Arrivées massives d’Algériens en septembre
Les restrictions des conditions de délivrance des visas vers la France ainsi que la crise sociale liée à la pandémie ont fait exploser le nombre de harragas algériens – émigrés sans papiers – qui tentent de gagner les côtes espagnoles.
Selon les chiffres collectés par Jeune Afrique auprès d’une ONG espagnole, 2 700 Algériens, dont des bébés et des femmes enceintes, ont effectué la traversée depuis les côtes algériennes du centre et de l’ouest vers les plages espagnoles entre le 1er et le 28 septembre.
L’écrasante majorité des clandestins algériens veulent rejoindre la France.
Sur ces 2 700 harragas, plus d’une centaine ont péri en mer. Ce décompte ne prend pas en considération les migrants clandestins arrivés en Espagne sans avoir été repérés par la Guardia civil ou ceux qui ont été secourus près ou aux larges des côtes espagnoles.
L’Espagne est davantage une terre de passage que la destination finale des migrants clandestins en provenance d’Algérie, dont l’écrasante majorité veulent rejoindre la France, où vit une forte communauté algérienne.
Selon des estimations faites par Jeune Afrique, le business de la migration clandestine depuis les côtes algériennes a rapporté plus de 16 millions d’euros aux passeurs et à leurs complices pour le seul mois de septembre 2021.