Économie

Industrie : en Afrique, des Zones économiques vraiment « spéciales » ?

Alors que les Zones économiques spéciales (ZES) se multiplient sur le continent, leur bilan, malgré des réussites indéniables comme Tanger Med, reste pour l’instant mitigé. Le dernier rapport coréalisé par l’Africa CEO Forum et Okan Partners liste six recommandations clés pour garantir leur succès, données chiffrées à l’appui.

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Mis à jour le 12 octobre 2021 à 12:44

Avec 80 000 employés et un chiffre d’affaires annuel de huit milliards d’euros, Tanger Med est la plus importante ZES d’Afrique. © DR

L’Afrique compte aujourd’hui 237 Zones économiques spéciales (ZES) – dont 61 au Kenya, 38 au Nigeria et 18 en Éthiopie. Concrètement, les ZES sont des espaces bénéficiant le plus souvent d’incitations fiscales, douanières et de procédures administratives simplifiées par rapport au reste du territoire. Objectif : attirer des investissements étrangers, créer des emplois et développer des secteurs d’activités variés.

Malgré le faiblecoût de la main-d’œuvre, les accords commerciaux avantageux (États-Unis et Union Européenne) et une forte richesse en matières premières, nombre de ces ZES ne sont pour l’instant pas parvenues à industrialiser les économies du continent.

Une main-d’œuvre abondante, qualifiée et très compétitive est un prérequis à toute implantation

Hormis certaines exceptions, de nombreux projets de ZES ont avorté, été retardés ou n’ont pas produit les résultats espérés. Ces dernières décennies, on observe même un déclin industriel sur le continent. Depuis 1980, la part de l’industrie manufacturière dans le PIB en Afrique subsaharienne est passée de 17 % à 11 %. Quant au climat des affaires, il demeure peu attractif pour les entreprises : 85 % des pays africains se classent dans les deux derniers quartiles du classement Doing Business de la Banque mondiale.

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Six propositions pour une révolution

Ces ZES ont cependant un fort potentiel en Afrique. L’Africa CEO Forum et le cabinet de conseil Okan ont identifié dans un rapport six recommandations devant permettre aux ZES de se développer sur le continent.

Tanger Med est l’illustration la plus probante du potentiel des ZES

En premier lieu, le choix de l’emplacement d’une ZES est essentiel pour trois raisons : la présence d’un bassin de main-d’œuvre abondante mais aussi qualifiée et offrant une vraie compétitivité, ainsi que le raccordement aux infrastructures logistiques et énergétiques, enfin, la proximité avec les matières premières.

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La plateforme industrielle de Tanger Med en est une parfaite illustration. Regroupant 80 000 employés – soit la plus importante ZES d’Afrique – et ayant un chiffre d’affaires annuel de huit milliards d’euros, Tanger Med s’est démarqué par sa localisation (à proximité d’un marché européen et sur le détroit de Gibraltar). Tanger Med dispose également d’infrastructures logistiques importantes ainsi que d’un fort bassin d’emploi grâce à l’agglomération de Tanger – plus de 1 million d’habitants.

Bilan des zones économiques spéciales en Afrique. © The Africa CEO Forum

Bilan des zones économiques spéciales en Afrique. © The Africa CEO Forum

Avantages comparatifs

Aujourd’hui, 89 % des ZES sur le continent sont multisectorielles. Pour que les ZES se multiplient avec succès, il est important de restreindre le nombre d’activités en fonction des avantages comparatifs régionaux. Autrement dit, il faut se concentrer sur les secteurs phares du pays. À titre d’exemple, le parc industriel de Jorf Lasfar (Maroc) se concentre sur des activités chimiques – grâce à la richesse en phosphate du pays.

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Aussi, les ZES qui prospèrent sont celles qui fournissent des installations clé en main aux industriels qui les accompagnent de l’amont à l’aval de leur chaîne de valeur. De fait, au lieu d’investir dans des équipements, les entreprises peuvent se concentrer sur leur corps d’activité.

Le mode de gouvernance le plus adapté semble être l’hybridation, par l’instauration de PPP

Approche progressive et PPP

Il est ensuite important d’adopter une approche par phases, c’est-à-dire d’investir progressivement dans le projet le temps que le modèle fasse ses preuves. En d’autres termes, il vaut mieux se concentrer sur un espace limité et l’efficacité des opérations qu’investir massivement dans des projets de grande envergure qui n’auraient pas les retombées escomptées.

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« Si différents modes de gouvernance sont possibles pour les ZES, l’hybridation, par l’instauration de partenariats publics privés (PPP), semble être la méthode la plus adaptée », souligne le rapport. En effet, les PPP permettent à la fois d’attirer des capitaux privés et de limiter l’impact budgétaire pour les États.

Les ZES peuvent devenir le berceau de solutions innovantes aux problèmes de l’Afrique

Par exemple, la ZES GDIZ (Glo-Djigbé Industrial Zone) au Bénin, développée en PPP, devrait permettre d’accélérer l’industrialisation du pays et de créer plusieurs centaines de milliers d’emplois tout en réduisant l’investissement étatique.

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Enfin, il est important de prendre en compte, dès la conception, les enjeux sociaux et environnementaux nécessaires à un développement durable. « Les ZES peuvent devenir le berceau de solutions innovantes aux problématiques environnementales et sociales de l’Afrique », souligne le rapport.

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