Politique

Gabon : les confidences posthumes de Casimir Oyé Mba

Son passage à la BEAC, sa rencontre avec Léon Mba, les surprises d’Omar Bongo Ondimba, son rapport au franc CFA… Autant de sujets sur lesquels Casimir Oyé Mba, décédé le 16 septembre à Paris, s’était longuement confié à notre journaliste, Georges Dougueli.

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Mis à jour le 21 septembre 2021 à 09:50

Casimir Oyé Mba, ancien Premier ministre du président Omar Bongo, à Paris, le 10 mai 2016. © Vincent Fournier/JA

Tour à tour gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), ministre et Premier ministre, Casimir Oyé Mba, qui s’est éteint le 16 septembre à Paris, aura été une figure marquante de la politique gabonaise et de la sous-région.

J’avais fait sa connaissance le 30 août en 2009, jour de l’élection présidentielle consécutive au décès d’Omar Bongo Ondimba. Candidat, il avait battu campagne mais avait annoncé le matin même – et à la surprise générale – qu’il se retirait de la course. Au cours de ce petit déjeuner auquel quelques journalistes avaient été conviés, Oyé Mba expliqua qu’il s’était désisté à la demande de deux chefs d’État du continent, qu’il refusa de nommer. Les journalistes présents eurent beau insister, il ne lâcha rien. Son parler-franc proverbial n’était pas sans limites.

Ce matin-là, il nous était apparu tel qu’en lui-même. Fier et droit dans ses bottes, à la fois humainement bienveillant, intellectuellement exigeant et d’une étonnante modération. Cette capacité de renoncement, si rare chez les politiques de ce niveau, passait pour une faiblesse aux yeux de certains de ses détracteurs. Ses adversaires, eux, ne l’ont jamais sous-estimé. Ce n’est pas un hasard si une partie de l’entourage d’Ali Bongo Ondimba avait conseillé au chef de l’État de lui proposer la vice-présidence de la République, tandis qu’une autre partie s’y étaient opposée, redoutant qu’Oyé Mba n’y prenne la lumière et s’en serve comme d’un tremplin.

Au fil des ans, l’homme m’accorda une dizaine d’entretiens pour évoquer ses origines, son parcours placé sous une exceptionnelle bonne étoile. Des entretiens qui furent enregistrés, dont nous aurions pu faire un livre, et dont nous vous proposons aujourd’hui quelques extraits :

L’ascenseur social

Sa vie fut un pied de nez au déterminisme. Si, pendant douze ans, sa signature apparut sur les billets de banque ayant cours légal dans toute la zone Cemac, Oyé Mba n’était pour autant pas issu d’une famille aisée.

« Mon père était un ancien élève du séminaire. Il aurait même pu devenir prêtre. Il écrivait le français parfaitement – je suis même tenté de dire qu’il l’écrivait mieux que certains universitaires d’aujourd’hui.

Quand j’eus l’âge d’aller à l’école, il décida de m’inscrire non pas à Donguila [province de l’Estuaire], où il avait été scolarisé, mais à Libreville parce que, selon lui, c’est là-bas qu’il y avait les meilleures enseignants. C’est ainsi qu’il décida de déménager pour s’installer dans la capitale.

Nous avons donc pris la pirogue et descendu le fleuve Komo. J’étais âgé de quatre ou cinq ans. Mon père tenait une épicerie, une « boutique » où il vendait un peu de tout, des sardines, des limonades, etc. Ma mère ne s’y montrait pas. Elle produisait des plantains, des bananes et approvisionnait la maison. Nous vivions avec plusieurs de nos cousins à qui mon père avait offert le gîte et le couvert. »

À la jeunesse de son pays, Casimir Oyé Mba essayait d’inculquer cette idée selon laquelle on pouvait réussir grâce à l’école républicaine et au travail. Et que, contrairement à une idée reçue, il n’y avait pas besoin d’être franc-maçon pour faire une brillante carrière. Lui ne l’était pas.

C’est d’ailleurs à l’école qu’il avait rencontré Michel Essonghe. Cet ancien directeur de cabinet, confident et plume d’Omar Bongo, aujourd’hui conseiller spécial d’Ali Bongo Ondimba, était devenu un bon camarade, et ce « depuis leur premier jour d’école ».

Génération consciente

« Au collège Bessieux de Libreville, nous discutions des informations relatives au FLN [Front de libération nationale] en Algérie, même si nos enseignants ne nous en parlaient pas. L’un de mes amis était abonné à El Moujahid, le journal du FLN, qu’il recevait clandestinement, et on se le passait sous le manteau. Mon père me parlait aussi beaucoup de la révolte malgache de 1947 et, à partir de 1954, nous suivions avec beaucoup d’attention ce qui se passait au Cameroun, avec la lutte de l’Union des populations camerounaise (UPC). Nous étions une génération de jeunes extrêmement connectés sur l’actualité politique mondiale.

C’est à cette époque que j’ai connu aussi Jean Ping. Il est originaire de l’Ogooué-Maritime et était venu de Port-Gentil, vers 1954, pour poursuivre ses études secondaires. Il avait choisi non pas le collège Bessieux, mais le lycée Félix Eboué, devenu plus tard Léon Mba. Libreville était tout petit et nous nous connaissions tous. On jouait au football ensemble. J’ai aussi connu Paul Mba Abessole, qui deviendra des années plus tard vice-Premier ministre et qui est arrivé à Bessieux la même année que moi, ainsi que Jean-Pierre Lemboumba, futur ministre des Finances – lui et moi sommes restés dans la même classe jusqu’en seconde. »

Casimir Oyé Mba, en meeting avec Jean Ping (à dr.), à Libreville, le 26 août 2016. © Baudouin MOUANDA pour JA

Casimir Oyé Mba, en meeting avec Jean Ping (à dr.), à Libreville, le 26 août 2016. © Baudouin MOUANDA pour JA

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Léon Mba

En 1961, Casimir Oye Mba débarque à l’université de Rennes. Il y obtient une licence en droit et sciences politiques. Direction ensuite Paris, où il décroche un DESS en droit. « Je fus pendant deux ans secrétaire général de la section rennaise de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF). J’y fis la connaissance d’Eben Moussi, un Camerounais, qui fut président de la section rennaise, et d’Alpha Condé, qui fut lui président de FEANF. »

En août 1965, de retour au Gabon, il effectue un stage au ministère du Travail et obtient une audience avec Léon Mba.

« Ce jour-là, j’expliquai au président que je venais de finir ma licence et que je voulais repartir en France pour préparer un troisième cycle.

« Pourquoi tu veux repartir faire un troisième cycle ? Qu’est-ce que ça t’apportera ?, me questionna-t-il avant de se radoucir. Bon tu vas retourner en France. Les études c’est bien, mais où veux-tu travailler après ? »

« Je ne sais pas encore, répondis-je. Peut-être dans la banque ».

« Quelle banque ? », voulut-il me faire préciser.

« La banque centrale », lui répondis-je sans trop savoir pourquoi.

« Non, répondit-il. Tu n’auras aucune perspective de carrière là-bas. Écoute-moi, je suis ton président. Mieux vaut aller à la Banque gabonaise de développement [BGD]. Tu y seras bien mieux qu’à la banque centrale. C’est un métier de Blanc ça ! »

Oyé Mba se fera malgré tout admettre en formation à la Caisse centrale de coopération économique (Cefeb), qui deviendra plus tard l’Agence Française de Développement (AFD), avant d’intégrer la BEAC.

Susceptibilités présidentielles

En 1978, Oyé Mba a tout juste 36 ans lorsqu’il prend la suite du patron français de la BEAC. Et il est rapidement bousculé par les soubresauts de la politique, quand Jean-Bedel Bokassa est chassé du pouvoir à Bangui, en septembre 1979, puis quand Ahmadou Ahidjo démissionne, en novembre 1982. En cause : les portraits des chefs d’État imprimés sur les billets, que le gouverneur est sommé de faire disparaître.

« En fait, la banque centrale était passée par plusieurs étapes. Auparavant, les billets n’étaient pas personnalisés. Mais vers 1962-1964, des chefs d’État ont estimé qu’ils devaient figurer sur les billets de banque. Ils ont exprimé ce désir à la direction de la banque centrale qui, à l’époque, n’a pas pu leur dire non. La BEAC commença donc à fabriquer des billets à l’effigie des présidents des pays membres.

Lorsque Bokassa fut destitué, les nouvelles autorités centrafricaines m’intimèrent l’ordre de changer illico presto toute la circulation monétaire de la RCA

Lorsque Bokassa fut destitué, les nouvelles autorités centrafricaines m’intimèrent l’ordre de changer illico presto toute la circulation monétaire de la RCA. Il faut savoir que nos billets, même s’ils portaient l’effigie d’un chef d’État, avaient pouvoir libératoire dans toute la zone et circulaient librement dans les autres pays. Donc, il s’agissait de retirer les billets non seulement de RCA mais aussi au Cameroun, au Gabon, au Congo, en Guinée équatoriale et au Tchad. Vous imaginez l’ampleur de la tâche ! Travail d’autant plus compliqué que la banque ne pouvait pas ordonner aux détenteurs de billets de les ramener pour être échangés. En plus, il fallait lancer la fabrication de nouveaux billets. Et pour en fabriquer dans des conditions optimales de sécurité, il fallait compter un an, voire un an et demi !

Si c’était long, c’est parce qu’il fallait au préalable se mettre d’accord avec un dessinateur et que les dessins aient des thématiques africaines. Nous en avions un qui habitait en grande banlieue parisienne. C’est lui qui nous faisait les premières ébauches. Il nous les soumettait, nous les examinions et lui faisions part de nos observations. Parfois, il les reprenait. Lorsque nous étions tombés d’accord sur le dessin, il passait le déposer à la Banque de France. Cette dernière pouvait donc commencer à les faire graver sur une planche de métal. Ensuite, on passait aux premières impressions.

C’était donc un travail fastidieux. Mais comment le faire comprendre aux nouveaux pouvoirs qui se montraient particulièrement impatients ? Ils ne voulaient plus voir la tête du chef déchu sur les billets, un point c’est tout. Et j’eu du mal à faire comprendre au président David Dacko, qui avait succédé à Bokassa, qu’il nous fallait du temps. Son entourage faisait du zèle.

Pour faire retomber la pression, je leur suggérai donc de mettre en circulation en Centrafrique des billets du Congo, du Cameroun ou du Tchad, des pays avec lesquels ils partageaient des frontières. Ce fut un non catégorique, pour une raison qui m’échappa. Puis je leur proposai des billets du Gabon, le seul pays qui n’avait pas de frontière avec la RCA. Ils acceptèrent. Ainsi a-t-on remplacé les billets Bokassa par des billets gabonais pour une période transitoire. Mais il a aussi fallu que j’aie l’accord du président Bongo, et faire adopter cette décision par le conseil d’administration de la banque.

Personne ne voulait plus prendre de billets Bokassa même à Libreville, alors qu’ils avaient toujours pouvoir libératoire

S’agissant du Cameroun, ce fut aussi une période compliquée. À cause de la démission d’Ahmadou Ahidjo et de sa rupture douloureuse avec Paul Biya, ça avait été également difficile à gérer avec les Camerounais. Mon vis-à-vis était le ministre des Finances, Etienne Ntsama. C’était un ancien directeur général de banque, quelqu’un avec qui j’avais de bons rapports personnels, mais sur cette affaire de billets Ahidjo, il s’était montré intraitable, impatient et extrêmement exigeant. Je ne suis pas sûr que l’impatience venait du président Biya. Peut-être était-ce du zèle pour être agréable au nouveau président. Je lui disais : « mais Etienne, tu sais bien qu’on ne peut pas avoir de nouveaux billets d’un claquement de doigts, comme ça ! »

Omar Bongo Ondimba

« À la suite de tous ces incidents qui nous compliquaient la vie et qui battaient en brèche l’unicité de la zone monétaire, nous avons compris qu’on ne pouvait pas continuer avec ce système. Quand un chef d’État tombait, les gens ne voulaient plus des billets à son effigie nulle part ! Personne ne voulait plus prendre de billets Bokassa même à Libreville, alors qu’ils avaient toujours pouvoir libératoire.

Un jour, avec le vice-gouverneur, Jean Édouard Sathoud, on s’est dit qu’il fallait sortir de ce piège. Nous avons conclu qu’il valait mieux revenir à la formule antérieure : émettre des billets sans portrait de chefs d’État. Mais avant même de saisir le conseil d’administration, il fallait d’abord aller convaincre les présidents eux-mêmes. J’ai commencé par Ahidjo. Au cours d’une audience qu’il m’avait accordée, je lui soumis le problème. C’était en 1981. « Monsieur le gouverneur, si vous pensez que c’est mieux pour la Banque et pour la zone, ce n’est pas moi qui m’y opposerai », me répondit-il. Je m’attendais à une résistance de sa part. Mais non.

J’entretenais avec les chefs d’État des rapports cordiaux

J’entretenais avec les chefs d’État des rapports cordiaux. Jamais un président ne m’a parlé sur un ton comminatoire. Ils avaient pour moi – et probablement pour la banque centrale – une considération appréciable.

« Mais je vous conseille quand même d’aller d’abord en parler à votre président », me conseilla néanmoins Ahidjo. C’est vrai qu’à l’époque, les deux pays qui comptaient dans la région, c’étaient le Cameroun et le Gabon. Quand j’allais voir Ahidjo pour lui soumettre un problème, il m’envoyait en parler à Bongo. Ce dernier avait aussi le même réflexe. « Est-ce que tu en as parlé à Ahidjo ? Qu’est-ce qu’il a dit ? », s’enquerrait-il. C’est pour ça que le Cameroun a eu le siège de la Banque et le Gabon le fauteuil de gouverneur.

Omar Bongo Ondimba souhaitait que son visage demeure sur le billet de 10 000 FCFA

Omar Bongo Ondimba se montra moins enthousiaste. Que moi, un Gabonais, je vienne lui proposer de retirer son effigie des billets de banque lui semblait bizarre. Mais il avait confiance en moi, je crois. Comme je m’y attendais, il me demanda ce qu’Ahidjo m’avait répondu. « Il m’a dit que cela lui était égal et qu’il se conformerait au souhait de la banque », lui répondis-je. « Si Ahidjo est d’accord, oui, on peut le faire », conclut finalement Omar Bongo Ondimba.

Après avoir eu leur accord, j’ai présenté le dossier au conseil d’administration de la banque, où siégeaient les ministres des Finances. J’ai continué ma tournée auprès des autres chefs d’État, mais ceux-ci ne pouvaient pas s’opposer à Ahidjo et à Bongo.

Mais quelques semaines après m’avoir donné son accord, le président Bongo me convoqua de nouveau : « Mais faut-il vraiment tout enlever ? Sur tous les billets ? », insista-t-il. Je lui répondis que c’était aux chefs d’État de décider. « Monsieur le président, si vous souhaitez que l’on conserve certains billets à votre effigie, vous pouvez le demander. » « Et sur quels billets pensez-vous que l’on puisse conserver ma tête ? », voulut-il savoir.

Il souhaitait que son visage demeure sur le billet de 10 000 FCFA, la plus grosse coupure de notre zone, mais je lui suggérai de choisir plutôt le billet qui circulait le plus, à savoir celui de 1 000 F CFA. « C’est le billet que l’on trouve le plus dans les portefeuilles, celui des petites gens », argumentai-je. Il accepta mais sans enthousiasme excessif, et c’est ainsi que le billet de 1000 FCFA gabonais conserva l’effigie d’Omar Bongo.

Omar Bongo, le 27 juillet 2007 (archives). © MICHEL EULER/AP/SIPA

Omar Bongo, le 27 juillet 2007 (archives). © MICHEL EULER/AP/SIPA

Un an ou deux plus tard, il me convoqua au Gabon pour évoquer d’autres dossiers. J’en profitai pour reparler de cette affaire. « Monsieur le président, cela fait bizarre. Tous les autres ont accepté que l’on enlève leurs effigies sauf vous ». Il m’écouta puis opina. « Oui, c’est vrai. Ça fait bizarre ». Je lui expliquai qu’il n’avait plus besoin de ce genre de choses, qu’Ahidjo était parti, qu’il était désormais le plus ancien et que personne ne doutait de son autorité.

Le franc CFA

À mes yeux, en tant qu’ancien gouverneur de la banque centrale, le plus important n’est pas notre relation avec la France mais les relations qui nous unissent nous, pays africains membre de la BEAC.  Un jour, nos pays couperont le cordon ombilical avec la France, c’est dans l’ordre des choses et cela ne sera pas dramatique.

Ce qui est important, c’est que nos pays soient dans un seul ensemble monétaire et, en Afrique centrale, nous avons intérêt à essayer d’organiser un vrai espace économique commun. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas et, pris isolément, nous progresserons moins vite que si nous étions groupés.

Ces questions d’organisation monétaire me paraissent vraiment très éloignées des priorités de l’heure

Construire un espace intégré serait plus difficile si chacun avait sa propre monnaie. Mais ce n’est pas parce que nous avons le CFA que nous sommes aux ordres. J’ai au contraire vu des décisions importantes prises au conseil d’administration qui ne plaisaient pas aux administrateurs français mais qui ont été prises parce que les représentants des différents pays considéraient qu’elles allaient dans l’intérêt de leur pays.

Moi, je pense que la gestion monétaire doit rester la plus simple possible et que c’est ainsi qu’elle peut accompagner le vrai développement du pays. Lorsque l’on prend des libertés avec la création de la monnaie, des illusions de facilité se créent mais on se rend vite compte que la monnaie ne doit être émise qu’en contrepartie de biens et de services réels et que lorsqu’il y a un grand décalage, on finit toujours par le payer, notamment par une inflation.

Lorsque j’étais encore gouverneur, j’avais assisté à des réunions convoquées par l’Union africaine à Addis-Abeba pour essayer de réfléchir à la création d’une monnaie commune africaine. Je note que, ces derniers temps, ce sujet revient dans les discussions. Je ne dis pas qu’il ne faut pas y réfléchir, mais ces questions d’organisation monétaire me paraissent vraiment très éloignées des priorités de l’heure.

La primature

Deux ans après ma nomination comme gouverneur, soit en 1980, le président Bongo me fit la proposition de me nommer au gouvernement. Je déclinai son offre et il n’insista pas. En 1983, j’avais achevé mon premier mandat et fut reconduit à la tête de la BEAC. Quelque temps après, il me refit la même proposition et ma réponse fut la même : j’aimais ce que je faisais au gouvernorat de la BEAC.

En 1988, j’entame mon troisième mandat mais, alors que je suis en vacances en Suisse, je reçois un appel urgent. Le Premier ministre du Gabon me demande de prendre un vol pour Libreville de toute urgence. Dès le lendemain de mon arrivée, je me rends à son bureau. Il me fait attendre des heures, me propose finalement de déjeuner avec lui et ne me dit presque rien, se contentant de me demander la date de mon retour à Yaoundé.

La température montait au Gabon et des rumeurs m’annonçaient à la primature

C’est bien plus tard que je compris que cet ancien policier m’avait fait venir pour les besoins d’une enquête personnelle. La conférence nationale allait commencer et la température montait au Gabon. Il avait entendu des rumeurs m’annonçant à la primature, à sa place donc, et il voulait savoir si c’était moi qui manigançais pour le remplacer.

Pendant ce séjour au Gabon, je n’avais pas prévu de passer voir le président Bongo. Néanmoins, il sut que j’étais là, demanda à me voir et me proposa le poste de Premier ministre ! C’était en mars 1990. J’acceptai, mais ne le dis à personne, pas même à mon épouse puisque je ne ne savais pas quand cette décision allait prendre effet.

Le 26 avril 1990, le président demanda à me voir et m’annonça que le moment était venu. Il voulait changer beaucoup de choses pour que le Gabon reparte sur de bonnes bases. Le pays, me dit-il,  avait besoin de moi.