Idrissa Nassa – Coris Bank International : « Nous cherchons une opportunité en Afrique centrale »

Après avoir développé CBI dans les pays de l’Uemoa, le PCA s’apprête à lancer d’ici à la fin de l’année, une filiale en Guinée. Pour JA, il analyse les résultats de son groupe, revient sur l’évolution du secteur financier et dévoile ses futurs projets.

Idrissa Nassa, après avoir œuvré un temps dans le domaine des vélos et des produits de consommation, a fait de Coris Bank la deuxième institution financière du Burkina Faso. © Coris Bank

Idrissa Nassa, après avoir œuvré un temps dans le domaine des vélos et des produits de consommation, a fait de Coris Bank la deuxième institution financière du Burkina Faso. © Coris Bank

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Publié le 10 octobre 2021 Lecture : 8 minutes.

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[Classement] Top 200 Banques – Top 100 assureurs : le palmarès exclusif de 2021

À l’occasion de la publication du classement Jeune Afrique des 200 premières banques et des 100 premiers assureurs du continent, la rédaction vous propose un large tour d’horizon du secteur financier africain, qui a fait la preuve de sa résilience dans un contexte de crise sanitaire et économique inédit.

Sommaire

Moins de treize ans après sa création, Coris Bank International (CBI) est considéré par les financiers comme une success-story en Afrique de l’Ouest. Si le Burkina demeure encore son principal marché, avec 23 % de part de marché devant Bank of Africa (17 %) ou encore Ecobank (16,5 %), le groupe bancaire dirigé par son fondateur, Idrissa Nassa, a enregistré de bonnes performances dans ses filiales en Côte d’Ivoire, au Mali, au Togo, au Sénégal, au Bénin et au Niger pendant la pandémie.

Ainsi, son résultat net a atteint au 31 décembre 2020 63,2 milliards de F CFA (96,4 millions d’euros), au 31 décembre 2020, en hausse de 20,8 % sur un an. Dans le même temps, le total de bilan a bondi de 43,4 %, à 3 599,8 milliards de F CFA. Enfin, le produit net bancaire (PNB) s’élève à 152 milliards de F CFA, en hausse de 32 %. Le dynamisme commercial, la diversification des offres (avec un focus sur les produits digitaux) et la bonne maîtrise des risques expliquent cette tendance. À l’occasion de l’arrivée de Coris sur le marché guinéen, Idrissa Nassa, 56 ans, dresse le bilan de sa stratégie de développement alors que la situation sanitaire reste précaire.

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Jeune Afrique : CBI s’est implanté en Guinée-Conakry en 2021. Pourquoi avoir choisi ce pays pour votre première implantation hors de la zone Uemoa ?

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Idrissa NASSA : Effectivement, CBI s’implante en Guinée-Conakry avec un lancement des activités prévu au quatrième trimestre. La Guinée est un pays à très fort potentiel, intimement lié à la zone Umoa avec un besoin réel d’investissement et de financement de son économie. Notre ambition est d’apporter notre contribution au développement du pays et ainsi d’accélérer le rapprochement de l’économie guinéenne avec celle des pays de la zone franc.

Au Burkina Faso, vous êtes leader du marché. Dans les autres filiales vous ne parvenez pas encore à égaler cette performance. Comment l’expliquez-vous ?

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Nous ne sommes pas dans une course à la taille. Sur nos différents marchés, l’objectif assigné aux dirigeants est d’être parmi les meilleurs en matière de gouvernance, de dynamique commerciale, de bonne maîtrise des risques, de respect des exigences réglementaires, et ce pour garantir une rentabilité pérenne. Notre ambition est d’aider nos clients des acteurs majeurs de  leurs secteurs d’activités. Notre rang sur le marché serait donc une conséquence de leur réussite. Cette politique a permis à Coris de bien développer ses activités au Burkina Faso, mais aussi au niveau régional.

Selon le rapport 2020 de la Commission bancaire de l’Umoa, notre groupe enregistre une bonne progression de part de marché, passant de 6,1 % en 2019 à 7,6 % en 2020 dans la zone. Cela nous positionne ainsi à la cinquième place.

Les exigences du moment plaident pour la mutualisation des forces

Les filiales du groupe affichent également, selon ce rapport, de belles progressions sur la base de l’indicateur Total Bilan. Ainsi, toutes se positionnent dans le Top 10, et aussi, pour certaines, dans le Top 5 des banques dans leur pays d’implantation. CBI attache une importance particulière à la réalisation par ses filiales d’une croissance maîtrisée, rentable et en tout point conforme aux exigences réglementaires.

Vous aviez signé un accord avec Afriland pour intervenir en Afrique centrale. Est-ce que ce partenariat a été fructueux ?

Oui, le Groupe Coris et Afriland First Bank ont décidé de s’associer à travers la signature d’un accord-cadre de coopération en juillet 2018. Les deux institutions bancaires africaines ont compris que les exigences du moment plaidaient pour la mutualisation des forces. Cet accord-cadre vise, à court terme, le partage des risques, des compétences, etc.

Nous avons préféré privilégier une croissance impulsée en interne

Nous sommes convenus à moyen terme de travailler sur les aspects de l’innovation et des relations de correspondance bancaire. Évidemment, en temps voulu, les parties à l’accord-cadre en évalueront les résultats pour décider d’éventuels réajustements.

Pensez-vous à implanter une filiale en Afrique centrale ?

Le plan stratégique du groupe explore clairement cette perspective afin de poursuivre son développement hors de l’Umoa. À cet égard, une implantation dans certains pays d’Afrique centrale figure parmi nos projets en bonne intelligence avec nos partenaires, dont Afriland. CBI scrute le marché et n’hésitera pas à saisir toute opportunité compatible avec sa vision et ses ambitions.

En 2020, BNP a vendu ses filiales au Burkina, au Mali et en Guinée. Vous étiez candidat à l’acquisition, vous vous êtes retiré, pour quelle raison ? 

À l’issue des échanges préliminaires avec la BNP, nous avons préféré privilégier une croissance impulsée en interne, mieux maîtrisée et plus conforme notre vision.

Finalement, l’offre du Burkina a été remportée pour plus de 30 millions d’euros par votre compatriote Simon Tiemtoré. Estimez-vous qu’il l’a acquise trop cher ?

C’est une transaction que je ne saurais commenter n’étant pas moi-même partie prenante.

Le succès de Coris a probablement encouragé d’autres projets bancaires

Vous avez grandi dans une famille de commerçants, qu’est-ce qui vous a poussé à devenir banquier ? 

C’est d’abord le résultat d’un parcours auprès de ma famille, de mon goût pour l’innovation, et de ma volonté de diversifier mes activités. J’ai démarré en 1984 par la distribution de pièces détachées pour les vélos et cyclomoteurs, puis les produits de grande consommation [riz, sucre etc.] pour devenir l’un des plus grands importateurs du pays.

À partir de 1995, j’ai décidé de diversifier mes activités en investissant dans l’imprimerie, l’immobilier, le transport et l’hôtellerie. Puis, en 2001, j’ai saisi l’occasion de racheter la Financière du Burkina [FIB]. Et, au bout de sept ans, nous avons réussi avec mes collaborateurs à redresser sa situation et la transformer en Coris Bank.

Seuls les grands groupes bien implantés, digitalisés et dématérialisés pourront conforter leur position

Avez-vous eu tout de suite des ambitions régionales ? 

Bien sûr, dès la création de Coris Bank International, nous avons projeté l’expansion de cette banque à l’échelle sous-régionale et au-delà. Cela a commencé en 2013 par la Côte d’Ivoire après une expérience non aboutie de rachat d’une banque au Niger. Aujourd’hui, Coris est présent dans les huit pays de l’Umoa.

Simon Tiemtoré, Mahamadou Bonkoungou, Apollinaire Compaoré, vous-même… Qu’est-ce qui explique que tant d’entrepreneurs burkinabè créent leur propre banque ? 

Je ne saurais répondre à la place des autres, mais le succès de Coris a probablement encouragé d’autres projets bancaires auxquels je souhaite le même succès.

On ne peut pas affirmer qu’il y a trop de banques en Afrique

Pensez-vous qu’il y a trop de banques dans la zone Umoa ? Va-t-on assister à une consolidation ?

Dans la zone Umoa, les clients [particuliers et entreprises]. sont de plus en plus exigeants sur la qualité des services et produits bancaires. À l’avenir, seuls les grands groupes bien implantés géographiquement, ayant intégré le processus de la transformation digitale et maîtrisant la dématérialisation des processus pourront conforter leur position sur leur marché.

Je pense que des rapprochements stratégiques et opportuns se réaliseront. Il est également important de noter que les évolutions réglementaires (renforcement des fonds propres et évolution des ratios prudentiels en particulier) génèrent de fortes responsabilités au niveau des intervenants du marché, qui, à un moment donné, seront contraints à une consolidation pour continuer de respecter les exigences du régulateur.

Le rôle des autorités monétaires au cours de la crise du Covid est à saluer

Toutefois, au regard du faible taux de bancarisation de nos populations, du niveau de leur culture financière et des besoins de financement énormes en lien avec les ambitieux projets et programmes de relance économique de nos pays, on ne peut affirmer qu’il y a trop de banques.

Conserver trop de petits établissements ne limite-t-il pas la capacité des groupes bancaires locaux à jouer les premiers rôles dans le financement de projets industriels ou d’infrastructures importantes ?

Par le passé, il y avait un problème d’accès au financement des projets industriels ou d’infrastructures. Aujourd’hui, il y a sur le marché des groupes bancaires à capitaux majoritairement africains mieux structurés, ayant une meilleure connaissance de l’environnement et un fort engagement dans l’accompagnement des projets de développement.

Il va sans dire que ces groupes, qui connaissent mieux les réalités du terrain, jouent un rôle majeur dans le financement des économies africaines. Le nombre de petits établissements de crédit n’est pas forcément une contrainte en soi, chaque catégorie de banque ayant ses propres cibles.

Notre système financier résiste bien à cette crise sanitaire

La crise liée au Covid fait-elle exploser le taux de créances douteuses ?

C’est le lieu de saluer la réponse des autorités monétaires qui ont, au lendemain du déclenchement de la crise sanitaire, pris des mesures spécifiques pour réguler la liquidité globale et préserver la stabilité du secteur financier de l’Umoa. N’eût été l’impact de ces mesures d’atténuation conjugué au renforcement par les banques de leurs dispositifs de gestion des risques, cette crise aurait entraîné une hausse beaucoup plus importante des créances douteuses.

Comment expliquez-vous que les banques conservent de bons résultats malgré les conséquences économiques de la crise sanitaire ?

Notre système financier résiste bien à cette crise sanitaire. On peut constater quelques effets positifs qui concourent aux bons résultats des banques : la gestion prudente et efficace des établissements de crédit, une bonne capacité d’adaptation et un contexte réglementaire maîtrisé.

On peut également évoquer d’autres facteurs externes comme le potentiel de croissance élevé de nos pays, l’absence d’un confinement généralisé et prolongé dans la plupart des nations, la poursuite des activités du secteur informel, le soutien des États, des autorités monétaires et des banques pour la relance des activités.

À la fin de 2019, vous avez créé Coris Méso Finance pour mieux vous adresser à la clientèle des PME et des TPE. La filiale vient de changer de patron. Cette activité a-t-elle trouvé sa place au Burkina Faso ? Sera-t-elle développée dans d’autres pays ? 

Depuis son lancement au Burkina Faso, Coris Méso Finance se comporte plutôt bien. Le changement à la tête de cette nouvelle entité s’inscrit dans la dynamique de renforcement continu de la gouvernance du groupe. Au cours des années à venir, le développement de cette activité suivra l’extension du réseau, et des filiales Coris Méso Finance seront lancées dans la sous-région.

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