La grande réunification du Front populaire ivoirien (FPI) n’aura pas lieu. Deux mois après son retour à Abidjan, Laurent Gbagbo a officialisé sa rupture avec Pascal Affi N’Guessan, son ancien Premier ministre et dauphin. Mais à part le nom du parti, que lui laisse-t-il ? Alors que la quasi totalité des figures historiques de la formation socialiste ont suivi l’ancien président, Pascal Affi N’Guessan a-t-il encore un avenir politique ? Il a répondu aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Vous rentrez d’une tournée de cinq jours dans votre région, le Moronou. Il s’agissait pour vous d’aller expliquer à vos militants la situation qui prévaut désormais au sein du FPI. Concrètement, que leur avez-vous dit ?
Pascal Affi N’Guessan : J’ai porté à leur connaissance que le président Laurent Gbagbo a décidé de quitter le FPI et de former un nouveau parti politique depuis le 9 août. Compte tenu de sa personnalité, de son expérience politique et de sa place sur l’échiquier politique national après son acquittement par la Cour pénale internationale [le 31 mars dernier], il était logique que les Ivoiriens s’interrogent et que nous allions à leur rencontre. C’est mon devoir, c’est ma responsabilité. Je me rendrai prochainement dans d’autres régions de la Côte d’Ivoire pour porter le même message.
Une séparation n’est jamais une bonne chose
Les militants avec qui vous avez échangé comprennent-ils le départ de Laurent Gbagbo du FPI et sa volonté de lancer sa propre formation politique ?
Je crois qu’ils ont compris les raisons politiques de ce départ, mais je ne crois pas qu’ils soient d’accord. Une séparation n’est jamais une bonne chose. Ils auraient souhaité qu’à son retour, il œuvre dans le sens de l’unité du parti. Il a choisi une autre option.
Lors de cette tournée, certains vous ont-ils confié leur tentation de rallier ce nouveau parti ?
Non, personne n’a formulé clairement et formellement cela.
Que répondriez-vous à ceux qui y pensent ?
Je leur dirai qu’ils ont adhéré à ce parti à cause de l’idéal qu’il nourrit, du projet politique et des valeurs qu’il porte, qu’il faut qu’ils réfléchissent à tout ce que nous avons fait ensemble depuis 1990 : aux épreuves subies, aux combats menés, aux victoires célébrées, mais aussi aux souffrances endurées. Il ne me paraît pas sage d’abandonner tout cela pour un nouveau parti dont on ne connaît pour l’heure ni l’orientation idéologique ni l’organisation.
Laurent Gbagbo vient de révéler la liste des cadres chargés de préparer le congrès constitutif de son nouveau parti, et à part vous, la quasi totalité des figures historiques du FPI en font partie. Cela vous inquiète-t-il ?
Non, car la crise ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait plus de sept ans et chacun a eu le temps de faire ses choix. Même en l’absence de Laurent Gbagbo, les dissidents agissaient en son nom au sein du mouvement « Gbagbo ou rien ». Le retour de l’ancien président ne change en réalité pas la donne. Évidemment, certains de nos camarades peuvent être tentés de le suivre pour des raisons sentimentales. Mais je ne crois pas que cela concernera le gros de nos cadres et de nos militants.
Cela fait un mois que le président Gbagbo a annoncé son départ du FPI et ce n’est pas le tsunami que certains attendaient. Cela montre bien que notre parti est bâti sur un engagement militant porté par un idéal et un combat. Et en ce qui nous concerne, c’est aussi une opportunité pour recruter et élargir notre base. J’ai le sentiment que ce départ a provoqué un déclic chez un certain nombre de personnes. Je pense que cette séparation peut nous donner un nouveau souffle.
En novembre se tiendra le congrès de votre parti. À quelles annonces s’attendre ?
Il y aura plusieurs grands évènements. D’abord sur le plan idéologique, avec la réaffirmation d’un certain nombre de valeurs sur des sujets tels que l’unité nationale, la paix, le tribalisme, la xénophobie… Nous proposerons aussi une nouvelle équipe avec davantage de jeunes et de femmes. Nous évoquerons enfin les alliances politiques, car nous ne comptons pas rester isolés sur l’échiquier politique.
La main du FPI reste tendue à Simone Gbagbo
Avez-vous en ligne de mire la présidentielle de 2025 ?
C’est le principal objectif. Nous ne devons pas la rater.
Quel lien comptez-vous entretenir avec la nouvelle formation politique de Laurent Gbagbo ? Une alliance est-elle possible ?
Nous sommes un parti d’ouverture. Nous sommes prêts à discuter avec tous les partis qui se mettent au service de la Côte d’Ivoire.
Vous avez appelé Simone Gbagbo à se rallier à vous. Mais la Première dame ne vous a toujours pas répondu et figure parmi les personnalités nommées par Laurent Gbagbo. Espérez-vous encore qu’elle vous rejoigne ?
La porte du FPI reste toujours ouverte, la main reste tendue. Nous serons toujours ouvert à toute forme de collaboration, puisque nous avons partagé une longue histoire de lutte. Je pense que nous partageons encore beaucoup de valeurs.
Vous avez été incarcéré pendant deux mois l’année dernière, après l’élection présidentielle d’octobre. N’avez-vous pas songé à vous mettre en retrait de la vie politique ivoirienne, à tout arrêter ?
Non, non. C’est trop tard pour renoncer (rires). Il faut aller jusqu’au bout. Plus il y aura d’épreuves et plus il faudra tenir bon. Les épreuves ne doivent pas nous abattre au contraire, elles nous donnent davantage de ressorts pour avancer. Un homme politique, surtout en Afrique, ne peut pas arriver au sommet sans connaître ce genre de choses.