Négocier avec les talibans, un acte de trahison envers les femmes

Après la chute de Kaboul, la communauté internationale ne doit sous aucun prétexte transiger avec le pouvoir taliban, qui ne renoncera jamais à l’obscurantisme et à la domination des femmes.

Le 25 août, des femmes et des enfants afghans attendent de pouvoir fuir le pays à l’aéroport de Kaboul © MARCUS YAM/LA TIMES/SHUTTERSTOCK/Sipa

Le 25 août, des femmes et des enfants afghans attendent de pouvoir fuir le pays à l’aéroport de Kaboul © MARCUS YAM/LA TIMES/SHUTTERSTOCK/Sipa

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Publié le 1 septembre 2021 Lecture : 3 minutes.

Une fois de plus, l’Histoire nous donne l’impression de bégayer. Ce hoquet qui prend, pour le monde, toutes les allures d’une régression apparaît, dans notre humanité, comme le signe d’un changement funeste. On peut parler d’une agression pure et simple des femmes. Les images d’avions pris d’assaut ne relèvent plus de la fiction. Des femmes, des hommes et des enfants, essayant de monter dans une machine qui prend son envol, nous renvoient à un univers étranger qui est pourtant le nôtre. Comment expliquer les raisons d’un tel désespoir ? Comment comprendre ces scènes de bousculades inouïes qui obligent l’armée à tirer en l’air pour imposer le calme ? Que répondre à cette jeune fille qui a peur pour son avenir, persuadée que le brusque changement de gouvernance du pays jette les humains dans la terreur et le doute ?

On ne peut pas ne pas entendre ce cri, cette sonnette d’alarme qui rappellent les moments difficiles qu’on a cru oubliés. On ne peut pas ignorer cette angoisse qui resurgit au moment où l’on croyait que la vie avait repris un « cours normal », c’est-à-dire suivant l’idée que l’on se fait de l’évolution et de la progression de l’humanité.

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Appel au secours

Le cri de désespoir entendu exhorte au refus de ces bégaiements de l’Histoire. Il renie le retour à l’obscurantisme. Il rejette le sort qui oblige à la révision des acquis que les deux dernières décennies ont octroyés aux filles et aux femmes. Le retour, sans négociations, aux douloureuses heures de la lutte des femmes pour leur émancipation et leurs libertés fondamentales n’est pas acceptable. Il prive l’humanité de son salut.

Comment accepter qu’un État de mâles violeurs puisse avoir sa place parmi les nations ?

Le cri entendu, les mots prononcés, si timides soient-ils, ne restent pas moins une manifestation de révolte. Ils sont un appel au secours, exhortant à relayer cette voix fébrile et innocente, à la porter vers les instances plus aptes à agir. En dépit des promesses, hélas recouvertes d’une épaisse laque de mensonge, le terme « charia » vient, à lui tout seul, dédire ce qui est annoncé.

Voilà, en effet, des gens qui nient le cours même de l’Histoire et font de la négation du progrès le mobile de leur soi-disant avancée. Qui font de la promotion de l’obscurantisme un programme politique. Qui ont pour agenda la régression de tout un peuple, la négation des valeurs universelles, la domination des femmes. Quel espoir attendre d’un régime qui entend faire d’une fille moins que la moitié d’un garçon, la flanquer d’un tuteur à vie, la priver d’éducation, la considérer comme un objet sexuel et une pécheresse potentielle, à lapider au moindre écart ? Comment accepter qu’un État de mâles violeurs portés sur toutes sortes de féminicides, réels et symboliques, puisse avoir sa place parmi les nations ?

Ne pas excuser l’inexcusable

Il faut en finir avec la naïveté de croire que les talibans, dont le socle idéologique est la religion la plus littéraliste, s’ouvrent au monde et se mettent à concevoir une société juste et équitable, notamment pour les femmes, car, pour eux, c’est de l’ordre de l’impensé. De même qu’il faut en finir avec le réflexe de serrer la main de ces gens – qui refusent de serrer la main des femmes – sous prétexte que cela limiterait les dégâts et pourrait les faire revenir sur leurs sombres visées.

C’est à l’aune de la fermeté des États vis-à-vis du pouvoir taliban que nous mesurerons leur adhésion à la cause des femmes

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Nous accusons d’ailleurs tout État qui les reconnaît d’acte de trahison et de retournement contre les principes fondamentaux du droit humain.

Nous accusons tout État qui, au nom d’intérêts particuliers, fera l’impasse sur la vie de femmes et d’hommes en but à la tyrannie, de tremper dans le même projet tyrannique. Il ne peut y avoir de raisons politiques ni diplomatiques ni économiques pour excuser l’inexcusable.

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C’est à la réaction des pays occidentaux et du reste de la communauté internationale que nous jugerons de leur réelle foi dans l’émancipation et l’égalité. C’est à l’aune de leur fermeté vis-à-vis du pouvoir taliban que nous mesurerons le degré de leur adhésion à la cause des femmes, de la démocratie et de l’humain.

D’où cet appel du Parlement des écrivaines pour l’émancipation réelle des Afghanes, qui n’a jamais vraiment eu lieu, si ce n’est dans quelques quartiers huppés de Kaboul.
Nous clamons notre indignation face à cette régression flagrante, criminelle, infligée aux femmes sous les yeux du monde entier. Et le Parlement se tient à la disposition des associations qui se consacrent à la défense concrète de l’instruction des filles.

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