L’emblématique rond-point de la Colombe-de-la-Paix, à Lomé. © Louis Vincent pour JA

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Lomé, les possibilités d’une ville

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Société

Togo : Lomé, les possibilités d’une ville

La capitale togolaise a renoué avec sa réputation de grande cité commerçante. Elle est aussi devenue une place financière incontournable dans la région et compte désormais s’imposer comme « LA » métropole ouest-africaine où il fait bon vivre. En a-t-elle les moyens ?

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Par - Envoyé spécial
Mis à jour le 22 août 2021 à 10:30

L’emblématique rond-point de la Colombe-de-la-Paix, à Lomé. © Louis Vincent pour JA

Entre le vrombissement des voitures et des zémidjans, une brise marine volette sur les vastes artères du centre-ville, contrastant avec la chaleur sahélienne. Et une fois encore, on se laisse surprendre par les aménagements, petits et grands, qui modifient la physionomie de la capitale togolaise d’une année sur l’autre et changent la vie de ceux qui y vivent, y travaillent ou ne font qu’y passer. Lomé peut-elle pour autant rivaliser avec ses grandes voisines du corridor littoral, comme Accra et Cotonou ? Le jeu en vaut la chandelle.

« Comparée aux bouillantes capitales économiques que sont Cotonou et Abidjan, à Lomé, la vie est moins chère, les loyers sont accessibles. En outre, le développement du pays se ressent dans les infrastructures de la capitale et du pays, qui fait des progrès remarquables en matière d’aménagement, d’accès à l’énergie et de télécoms. La connectivité y est bonne ! » résume Guy-Martial Awona, le patron d’Orabank Togo. « Il reste tout de même beaucoup à faire en matière d’adduction d’eau, nuance un cadre expatrié. On a l’impression que la population n’adhère pas à la vision du chef de l’État ou qu’elle ne se l’est pas suffisamment appropriée. Le panier de la ménagère stagne, et je ne vois pas non plus assez d’actions en faveur des jeunes, dont beaucoup sont frappés par la précarité. »

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Côté énergie, contrairement à la plupart des métropoles ouest-africaines, Lomé a rompu avec le fléau des délestages. Notamment parce que d’importants investissements ont été réalisés en matière d’électrification, dont 20 milliards de F CFA (près de 30,5 millions d’euros) pour les travaux de renforcement et d’extension du réseau électrique de l’agglomération, qui doivent s’achever en 2022. Par ailleurs, la centrale de Kékéli Efficient Power, avec sa capacité installée de 65,5 mégawatts (MW), va augmenter de 50 % la capacité de production du pays et alimenter 263 000 foyers (soit près de 2 millions de personnes). La première turbine (47 MW) tourne depuis la fin avril et la centrale sera entièrement opérationnelle d’ici à la fin de l’année.

Business et Nanas Benz

Misant sur la présence d’établissements financiers régionaux et sur une fiscalité attractive, ainsi que sur son port, Lomé tient à renforcer son rôle – et sa réputation de hub financier et logistique. La Banque ouest-africaine de développement (BOAD), la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC) ainsi que les panafricains Ecobank et Oragroup y ont déjà établi leur siège. D’autres grands groupes veulent faire de même, comme le cabinet Deloitte ou le holding IB Bank, porté par le Burkinabè Mahamadou Bonkoungou – le patron du groupe de BTP panafricain Ebomaf -, qui vient d’acquérir 90 % de la BTCI. L’ouverture du capital des deux banques publiques (BTCI et UTB) à des partenaires privés fait en effet partie de la stratégie du gouvernement togolais pour conforter Lomé dans son statut de centre d’affaires régional de premier plan.

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La stratégie de développement urbain du Grand Lomé se poursuit, avec de nouveaux aménagements et équipements pour renforcer son rôle de hub logistique, mais aussi de place commerçante et industrielle (port, routes, zones d’activités). Selon l’Association des grandes entreprises du Togo (Aget), le Port autonome de Lomé (PAL) constitue le deuxième centre de concentration des activités économiques de la capitale après le Grand Marché. Au cœur de ce dernier, les célèbres Nanas Benz incarnent la réussite du négoce loméen. « Si les gens associent Lomé aux pagnes, c’est grâce à elles. Combattantes pour l’indépendance, ces virtuoses de l’économie togolaise qui ont fait fortune dans le commerce, jusqu’au début de la décennie 2000, voient peu à peu leur influence s’effriter », résume Sonia Lawson, l’administratrice du Palais de Lomé, qui projette une exposition en hommage à ces pionnières. Côté négoce, deux ans après la livraison du nouveau port de pêche, un marché aux poissons moderne, construit grâce à la coopération japonaise (1 milliard de F CFA), accueille chaque jour quelque 8 000 mareyeuses et clients.

Hub portuaire et logistique

Unique port naturel en eau profonde de la sous-région, le PAL est aussi le premier terminal à conteneurs d’Afrique de l’Ouest, avec un volume de 23,6 millions de tonnes de marchandises traitées en 2020, en hausse de 38,4 % par rapport à 2019… Et de 53,3 % par rapport à 2015. Mediterranean Shipping Company (MSC), qui a prévu un plan global d’investissement de 500 millions d’euros sur dix ans (d’ici à 2030) pour moderniser le port, mobilise 29,8 millions d’euros afin de porter la capacité de Lomé Container Terminal à 2,7 millions de conteneurs EVP d’ici à 2022, contre 2,2 millions actuellement.

Pour consolider cette dynamique, l’État a prévu de construire une plateforme logistique multiservice à Adakpamé, près du port. En attendant, un parc logistique va accueillir les camions à destination du PAL et ceux en transit vers l’intérieur du pays, au sein de la toute nouvelle plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA). Inaugurée en juin, cette zone d’activités de 400 ha, située à 20 km du centre de Lomé, va permettre au pays de doper sa capacité industrielle, la valeur ajoutée de ses produits et la création d’emplois : 30 000 emplois directs devraient y être créés d’ici quatre ans. Inespéré pour les Loméens, en particulier les jeunes.