Jeux olympiques : Clarisse Agbegnenou, descendante de roi togolais et « bulldozer des tapis »

Le mardi 27 juillet 2021 à Tokyo, la Française d’origine togolaise Clarisse Agbegnenou est devenue championne olympique de judo (moins de 63 kg) pour la première fois de sa carrière. Un titre attendu pour cette arrière-petite-fille du roi d’Atakpamé, au Togo.

Clarisse Agbegnenou, après avoir remporté le combat face à la Slovène Tina Trstenjak, le 27 juillet 2021 aux JO de Tokyo. © Kyodo via Reuters Connect

Clarisse Agbegnenou, après avoir remporté le combat face à la Slovène Tina Trstenjak, le 27 juillet 2021 aux JO de Tokyo. © Kyodo via Reuters Connect

Alexis Billebault

Publié le 29 juillet 2021 Lecture : 4 minutes.

Au fond d’elle-même, la Slovène Tina Trstenjak, championne olympique à Rio de Janeiro en 2016, savait peut-être que l’heure de la passation de pouvoir était venue, face à celle qu’elle avait dominée il y a cinq ans au Brésil. Clarisse Agbegnenou (28 ans), après avoir atteint sans soucis majeurs la finale qu’elle convoitait tant, a attendu le golden score (le temps additionnel) pour balayer sa prestigieuse rivale en 37 secondes, après un combat qu’elle avait dominé lors des quatre minutes réglementaires. Un waza-ari (geste qui propulse l’adversaire au sol sur le dos et suivi d’une immobilisation d’au moins dix secondes et ne pouvant en excéder vingt) a propulsé la judokate française sur la plus haute marche du podium olympique. Tina Trstenjak s’est précipitée dans les bras de la Tricolore, née à Rennes de parents togolais (Pauline et Victor Agbegnenou), pour la féliciter avec une sincérité non feinte.

Le titre olympique de Clarisse Agbegnenou a été célébré en France, mais également au Togo, un pays où elle se rendait deux mois tous les étés, jusqu’à ce qu’elle intègre le pôle France à 14 ans. Dès lors, son emploi du temps ne lui permettait plus de s’absenter aussi longtemps.

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La fête au Togo

La judokate avait attendu 2016 pour s’envoler dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest, où ses parents, qui vivent aujourd’hui en Ile-de-France, sont nés dans la région des Plateaux, près de la frontière avec le Ghana. Son père – scientifique réputé – appartient à l’ethnie Akposso. Sa mère – responsable administrative et financière – est issue d’une famille sportive. Elle a pratiqué le basket, alors que son père a présidé le club de football d’Agadji, après en avoir été l’un des joueurs. Pauline Agbegnenou est également la petite-fille du roi d’Atakpamé, au nord de Lomé.

Comme ils l’ont confié au quotidien sportif français L’Équipe, les parents de la médaillée d’or ont davantage inculqué la culture française à leurs trois enfants, dans un souci d’intégration. Mais ils n’oublieront pas, dans un futur proche, de leur raconter quelques histoires familiales et de leur parler, avec plus de détails, de leur pays d’origine.

Le sacre de Clarisse Agbegnenou, le plus convoité de tous, n’est une surprise pour personne. Depuis sa médaille d’argent à Rio, elle n’a cessé de progresser et d’embellir un palmarès véritablement flamboyant : quatre titres de championne du monde, trois d’Europe, de multiples tournois remportés en France, en Chine ou en Géorgie. Et, petite coquetterie pour celle qui est adjudante de la gendarmerie nationale Française, une médaille d’or lors des Championnats du monde militaires en 2018 à…Rio de Janeiro. Dans la catégorie des moins de 63 kg, Agbenegnou est invulnérable. Un sentiment qui l’a habitée mardi à Tokyo, et qu’elle a confirmé à la presse, quelques minutes après sa victoire : « Oui, je me suis sentie puissante, intouchable. »

Déterminée et ambitieuse

Depuis le mois de juin dernier, et un autre titre mondial décroché à Budapest (Hongrie) face à Andreja Leski, une autre slovène, elle ne pensait qu’à l’or olympique, son objectif suprême. Plusieurs fois, la judokate avait confié avoir été perturbée par le report d’un an des JO pour cause de crise sanitaire. « J’en ai pleuré, car un an de plus à attendre, c’était long », avait-elle avoué. Elle avait notamment trouvé refuge sur l’île de La Réunion à plusieurs reprises, afin de s’y entraîner sous les ordres de son coach, Larbi Benboudaoud, un Français d’origine kabyle, champion du monde en 1999 et médaillé d’argent à Sydney en 2000. Elle avait également profité de ses séjours dans l’Océan Indien pour pratiquer le yoga, la boxe et le jujitsu.

L’argent, ce n’est pas pour moi

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La soif de vaincre de cette athlète – réputée sûre d’elle et de ses qualités – a souvent été vantée par son entraîneur. Ainsi, avait-elle déclaré en 2014, à seulement 21 ans, qu’elle ne se voyait pas remporter autre chose que le titre mondial. Un objectif largement atteint. « Je n’ai pas besoin de lui transmettre la culture de la gagne, elle l’a en elle », expliquait en 2019 Larbi Benboudaoud, à propos de celle qu’il a qualifiée de « bulldozer sur les tapis. »

D’ailleurs, sa médaille d’argent à Rio lui avait laissé un goût d’inachevé, qu’elle s’était empressée d’exprimer dans une déclaration laissant deviner sa détermination : « L’argent, ce n’est pas pour moi. »

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En plus d’être une sportive de niveau mondial, Clarisse Agbegnenou est aussi une personnalité engagée. Née prématurée de deux mois avec Aurélien, son frère jumeau, placée en couveuse pendant plusieurs semaines, elle a ensuite subi une opération à cause d’une malformation rénale, détectée lors de ses premiers jours de vie, et a même passé une semaine dans le coma. Elle est aujourd’hui la marraine et l’ambassadrice de SOS Prema, une association destinée à venir en aide aux enfants prématurés. La judokate est également marraine de Sport Féminin, dont la vocation est de favoriser une meilleure exposition médiatique du sport féminin. Sa médaille d’or devrait un peu plus servir la cause…

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