Maroc : des compagnies maritimes tablent sur le contournement de l’Espagne

La crise diplomatique entre Rabat et Madrid autour du Sahara permet l’émergence d’un flux logistique de Marseille à Tanger, dont le français La Méridionale et l’italien GNV entendent tirer parti.

Vue du nouveau quartier Euromed et le Grand Port maritime de Marseille. À quai, un bateau de l’armateur français La Méridionale. © Lionel Fourneaux / Hans Lucas

Vue du nouveau quartier Euromed et le Grand Port maritime de Marseille. À quai, un bateau de l’armateur français La Méridionale. © Lionel Fourneaux / Hans Lucas

Publié le 16 septembre 2021 Lecture : 3 minutes.

Les groupes chinois, comme ici au Kenya, participent à la construction de nombreuses voies ferrées, mais ne s’occupent guère de leur exploitation. © Luis Tato/Bloomberg via Getty
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Logistique : accélérer le désenclavement

Alors que le rail est l’un des moyens les plus efficaces et économiques pour désenclaver l’hinterland, la plupart des projets ferroviaires sont à la peine en Afrique de l’ouest et centrale. Mais les investisseurs commencent à s’inspirer de l’ONCF marocain qui a fait du fret l’un des leviers de son développement grâce à une solide interconnexion rail-route-port.

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Le Maroc a choisi cette année de priver les ports espagnols de la migration estivale des Marocains résidents à l’étranger (MRE). Pour l’opération Marhaba 2021, le royaume chérifien a loué, via l’agence portuaire Tanger Med, deux ferries de la Baltique destinés à faire la navette entre Tanger et le port méditerranéen français de Sète. À Algésiras, on grince des dents. Déjà tari par la crise du Covid-19, le flux passagers de la ligne maritime la plus courte entre l’Europe et l’Afrique est interrompu.  

Pour la compagnie maritime marseillaise La Méridionale, les tensions Espagne-Maroc confortent la nouvelle ligne que la société a créée au début de décembre 2020 entre Marseille et Tanger Med. Appartenant au géant français Stef, n1 européen de la logistique du froid, elle vise entre 3 % et 5 % du marché fret Europe-Maroc. 

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Bien sûr, en cas de succès, il ne s’agirait que d’une goutte d’eau dans l’océan des 350 000 camions qui relient chaque année le Maroc à la seule France via le détroit de Gibraltar. Mais concurrencer un flux terrestre par une ligne maritime longue, non subventionnée, est un pari audacieux. Même le géant du transport maritime CMA CGM, qui s’y est risqué à la fin de 2017 avec deux grands navires rouliers fret, a renoncé au bout de quelques mois. 

La Méridionale a mis, elle, deux navires mixtes, dont la rentabilité s’appuie sur le mélange entre passagers et remorques routières. La crise liée au Covid-19 ne lui a pas facilité la tâche au départ. 

L’armateur marseillais a fait le plein tout l’été

Elle a perdu son activité passagers en février 2021 avec la nouvelle fermeture de la frontière française. La Méridionale a néanmoins tenu bon, et a décidé, malgré les pertes engendrées par une ligne en sous-régime, de maintenir son offre avec un seul navire. La ligne a pu reprendre à plein régime à la mi-juin, avec les deux navires en capacité maximale. Elle offre ainsi trois départs dans chaque sens avec 40 heures de voyage à travers la Méditerranée occidentale pour des navires qui naviguent à 19 nœuds. Les tensions entre le Maroc et l’Espagne profitent à la compagnie marseillaise: elle fait le plein tout cet été. 

« Nous sommes satisfaits de la croissance de l’activité fret avec des remorques, mais aussi des camionnettes de fret express et des voitures neuves », explique Olof Gylden, le directeur commercial international de l’armateur français, dont les industriels de l’automobile et le secteur du groupage sont les premiers clients. 

Au nombre de 40 à 60 par navire, les remorques réfrigérées pourraient séduire des exportateurs de fruits et légumes

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La Méridionale espère désormais que cette ligne, en montrant son endurance, va capter des flux de fruits et de légumes qui sont acheminés généralement par camions frigorifiques. Ses navires peuvent accueillir chacun entre 40 et 60 remorques réfrigérées. De quoi espérer séduire notamment Maroc Fruit Board, qui maîtrise chaque année 400 000 tonnes de flux de fruits et légumes en conteneurs ou en remorques. « La fréquence, la durée de transit, la régularité et l’aspect écologique de cette ligne pourraient assurément intéresser nos clients, estimait Asma El Fali, directrice marketing du groupe MFB, lors d’une présentation organisée par le port de Marseille et La Méridionale. Mais elle serait plus performante si elle proposait une offre logistique dans sa globalité, de bout en bout, notamment vers le marché allemand, et pas seulement de port en port. »

L’armateur vise justement une logistique routière avec des camions-remorques allant bien au-delà de Marseille, notamment au Benelux et au Royaume-Uni. Benoît Dehaye, le directeur général de La Méridionale, confirme que l’objectif de la ligne, pour l’instant ouverte aux remorques, « est à moyen terme d’offrir une solution de ferroutage entre les continents africain et européen via Marseille ». 

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Les concurrents frappent à la porte

Si une offre ferroviaire est créée à Marseille, la ligne pourra capitaliser à fond sur son côté écolo par rapport au tout-route. « Déjà, le seul trajet maritime sur Marseille permet d’économiser plus de 1 tonne de CO2 par remorque et de diminuer de 42 % les émissions par rapport au tout-route via Algésiras », fait valoir Olof Gylden. 

D’autres armateurs regardent de près cette initiative. Notamment l’italien Grandi Navi Veloci (GNV), déjà présent à Sète sur le flux voyageurs à destination du Maroc, tout comme l’espagnol Baleària. Filiale du géant Mediterranean Shipping Company (MSC), GNV cherche depuis des années à tisser son réseau en Méditerranée occidentale sur le Maghreb. Il frappe régulièrement à la porte du port de Marseille, qui, malgré un certain nombre de réunions à l’automne dernier, ne semble pas très pressé de concurrencer ses clients fidèles, La Méridionale mais aussi Corsica Linea et le danois DFDS sur la Tunisie. 

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