Initialement prévue pour 2020, la fin de la construction de la plus grande raffinerie d’Afrique avait été reportée à cause de la pandémie. Ce qui n’a pas empêché Aliko Dangote, à l’origine du projet, de rester l’homme le plus riche d’Afrique. Sa fortune a même augmenté de 2 milliards de dollars en un an d’après le magazine Forbes.
L’homme d’affaires de 64 ans, à la tête d’une fortune de 12,1 milliards de dollars, a assisté le 28 juin au sommet Choose France du président Emmanuel Macron. L’occasion pour lui d’évoquer avec The Africa Report/Jeune Afrique ses ambitions pour le continent.
Une ambition pharaonique
Et en premier lieu, sa méga-raffinerie située à 80 kilomètres à l’est de Lagos. Une « véritable ville industrielle », selon Giuseppe Surace, directeur des opérations de l’usine.
« Il s’agit en réalité de dix-neuf projets interconnectés », reliés par 125 kilomètres de routes internes. Quelques 40 000 travailleurs s’activent quotidiennement sur le site, dont 30 000 qui vivent à l’intérieur même de l’enceinte.
Ce gigantesque complexe industriel comprend notamment une usine de polypropylène d’une capacité annuelle de 3,6 millions de tonnes et un centre industriel pouvant produire 3 tonnes d’engrais par an nécessitant un investissement de 2 milliards de dollars.
Malgré l’important réseau local de stations-service à approvisionner, la majorité des produits pétroliers produits sur place seront acheminés par pipeline jusqu’à des postes d’amarrage en mer capables d’accueillir les plus gros pétroliers du monde.
15 milliards de dollars
Au total cette mégaraffinerie aura coûté 15 milliards de dollars. Commencée en 2014 la construction devait prendre fin en 2018 mais le chantier a pris du retard une première fois (livraison reportée à 2020), puis une seconde fois avec les complications liées au Covid-19 (report à 2021).
La nature même du projet a rendu les travaux longs et délicats ; avec une capacité journalière de 650 000 barils par jour, l’infrastructure sera l’une des plus grandes raffineries du monde et la première d’Afrique. Mais Aliko Dangote l’assure, « l’achèvement devrait avoir lieu d’ici à la fin de l’année ».
Selon les spécialistes travaillant sur le site, il faut compter environ trois à six mois pour la mise en service et les tests avant que la production n’atteigne un rythme régulier. Avant cela, une zone commerciale utilisant les réservoirs de stockage déjà en place et les postes d’amarrage des pétroliers offshore pourront commencer à fonctionner.
Un empire tentaculaire
Le groupe Dangote a su depuis sa création en 1981 saisir toutes les opportunités qui se présentaient en se développant dans dix-sept pays africains et en diversifiant ses activités. Ce conglomérat est présent dans le ciment et le pétrole donc, mais aussi l’immobilier et l’agroalimentaire (sucre, farine, engrais, riz…).
En 2017 la filiale Dangote Rice avait ainsi annoncé la mise en œuvre d’un projet de rizerie intégrée dans l’État de Jigawa (nord du Nigeria) qui achètera du riz à des agriculteurs et leur fournira en échange des engrais et une formation adaptée. Des projets similaires sont actuellement en cours dans les États de Kano, Sokoto, Zamfara, Kebbi et Niger.
L’objectif à long terme du PDG du groupe est de « rendre l’Afrique autosuffisante ». Le milliardaire propose pour y parvenir de « produire au moins ce que l’on consomme et de penser ensuite à participer à l’exportation de la quantité excédentaire ».
Celui qui est parfois surnommé le « roi du ciment » se félicite d’ailleurs de s’être implanté dans d’autres pays africains, la Zambie, l’Éthiopie et la Tanzanie, qui n’avaient pas la capacité de produire du ciment. « Nous sommes allés sur place et nous avons rendu le ciment moins cher », explique-t-il.

Le ciment pour répondre à la pénurie de logement
Le plus grand producteur de ciment du continent a d’ailleurs prévu de faire passer sa production de 50 000 tonnes par jour à 70 000 tonnes par jour. L’usine du groupe située dans l’État de Benue (est du Nigeria) sera notamment utilisée pour répondre à la hausse de la demande de 40 % suite au redémarrage économique du pays après la crise sanitaire.
Dangote Group est surtout confronté à la hausse de la demande de logement : le Nigeria connaît un déficit de logements estimé à 7 millions d’unité. Et l’enjeu est de taille : selon les estimations de l’ONU la population nigériane qui était de 190 millions d’habitants en 2018 devrait passer à 410 millions d’ici à 2050. Lagos compte aujourd’hui une dizaine de bidonvilles, dont celui de Makoko.
Le prix du ciment demeure cependant encore élevé, ce qui est dû selon Edwin Devakumar, directeur exécutif du groupe Dangote, à la structure même des coûts de production. « La moitié de nos charges de production est liée au dollar américain, de sorte que le coût des composants essentiels – tels que le gaz, le gypse, les sacs et les pièces de rechange a considérablement augmenté en raison de la dévaluation du naira et de la hausse de la TVA », précise-t-il.
Les autorités locales ont annoncé la mise en place de plusieurs plans pour encourager une plus grande concurrence sur le marché du logement. De son côté, la Banque mondiale avait approuvé en 2018 un prêt de 25 millions de dollars pour faciliter les prêts immobiliers.