L’homme qui raconte l’homme qui tua Kadhafi

Présenté au Festival d’Avignon, « L’homme qui tua Mouammar Kadhafi », à mi-chemin entre théâtre et documentaire, crée le trouble en faisant témoigner un ancien officier de la DGSE sur la chute du colonel.

Du « live-journalisme » à Avignon avec« L’homme qui tua Mouammar Kadhafi » © Superamas

Du « live-journalisme » à Avignon avec« L’homme qui tua Mouammar Kadhafi » © Superamas

GAELLE-ARENSON_2024

Publié le 22 juillet 2021 Lecture : 3 minutes.

« Un bon mensonge, c’est 95 % de vrai et 5 % de faux », ainsi parle un professionnel de la manipulation dans « L’homme qui tua Mouammar Kadhafi », un spectacle inédit qui se joue actuellement à Avignon. A la frontière du journalisme, ce « live show » met en scène pour la première fois un ancien officier de la DGSE venu témoigner de son affectation en Libye et de la chute du colonel. Au théâtre 11 d’Avignon, Alexis Poulin, éditorialiste pour l’émission d’actualités « 28 minutes » d’Arte à l’origine du projet avec le collectif Superamas, interviewe son invité devant le public comme sur un plateau télé. « Le projet est né de l’initiative de Superamas qui souhaitait faire un traitement à la fois théâtral et documentaire d’une des dernières grandes affaires d’État« , nous explique Alexis Poulin au festival. « La rencontre s’est faite autour d’une table d’un restaurant gare du Nord avec un des membres du collectif, ancien de Science Po Grenoble comme moi, qui m’a contacté pour ce projet ».

Sur la scène, l’ex-agent des services secrets extérieurs témoigne de son parcours : les raisons qui l’ont amené à démissionner il y a dix ans en 2011, année de la mort de Kadhafi. Alexis Poulin passe la parole au public qui pose des questions. Officiellement attaché culturel près de l’ambassade de France à Tripoli, l’ancien fonctionnaire a en réalité été muté de l’ambassade de Vienne dans la capitale libyenne à partir de 2007 pour « traiter » une source, comprendre la manipuler. On nous apprend qu’il s’agissait de la petite amie de l’un des fils de l’ancien chef de la Jamahiriya libyenne.

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L’année 2007 est en effet celle du grand rapprochement entre la France et la Libye. Nicolas Sarkozy ouvre les portes de l’Hôtel Marigny, résidence des hôtes de la république, au chef d’État libyen, qui y plante sa tente dans les jardins. Pour le grand retour sur la scène internationale de celui qui fut longtemps catalogué comme terroriste, la France entend se positionner comme partenaire privilégié de Tripoli et rafler un maximum de contrats. Des accords pour 10 milliards d’euros sont signés avec la Libye, peu se concrétiseront. Puis arrivent, début 2011, le printemps arabe et la répression, et l’intervention militaire de l’Otan et de la France. Les premiers soupçons de financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy par l’argent libyen se font jour.

La galaxie Sarkozy à l’affiche

La lune de miel entre le leader libyen et le président français tourne au vinaigre. Le 16 mars 2011 sur Euronews, le fils et dauphin du colonel, Seif el-Islam, demande au chef de l’État français de « rendre l’argent qu’il a accepté pour financer sa campagne électorale ». Le 20 octobre 2011, Kadhafi, en pleine déroute militaire, et après le bombardement de son convoi, est pris à partie par la foule ; il meurt dans des circonstances troubles.

J’étais intéressé par le format du journalisme « live » pour favoriser une rencontre avec le public.

Pas à pas, Alexis Poulin déroule la suite des événements. « J’étais intéressé par le format du journalisme « live » pour favoriser une rencontre avec le public. Expliquer et répondre aux questions, et aussi mettre en scène cette affaire, les moyens de la manipulation de l’opinion », poursuit-il.

Il détaille comment, après l’assassinat de Kadhafi, les hommes de son premier cercle disparaissent les uns après les autres, à l’instar de la mort étrange, par noyade dans le Danube, de l’ancien ministre du pétrole, Chroukri Ghanem, en 2012. Sur le plateau, le régisseur vient dresser des silhouettes en carton des anciens responsables – comme sur la scène d’un crime. Leur répondent les silhouettes de Claude Guéant, l’ex-secrétaire général de l’Élysée, de Ziad Takieddine, l’intermédiaire et homme d’affaires franco-libanais, et autres éléments clés de la galaxie de Sarkozy d’alors. Ils sont tous mis en examen aujourd’hui dans l’affaire du supposé financement libyen de la campagne de 2007.

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Pour l’ancien officier des renseignements, il ne fait aucun doute que cette guerre et ses suites témoignent de la manipulation au sommet du pouvoir des intérêts de la République française par et au service du clan Sarkozy. C’est la raison pour laquelle il a décidé de jeter son tablier il y a dix ans et qu’il raconte aujourd’hui son incroyable histoire.

« L’homme qui tua Muammar Kadhafi », de Superamas dans la programmation Off du festival d’Avignon, qui se joue jusqu’au 29 juillet (relâche le 26 juillet) au théâtre 11.

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