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Sur sa page LinkedIn, il ne fait pas mention de sa formation. Pourtant, avant d’être diplômé de la prestigieuse université d’Oxford et de devenir l’un des plus importants patrons du secteur bancaire, Sergio Ermotti a été apprenti. Le dirigeant suisse de 61 ans, qui a piloté pendant neuf ans la banque UBS et préside désormais le groupe d’assurance Swiss Re, est le produit du système éducatif helvétique qui valorise la formation professionnelle tout autant que les filières générales.
« En Suisse, deux tiers des jeunes choisissent la voie professionnelle et l’apprentissage ne veut pas dire que l’élève s’arrête à sa formation pratique. Le système est perméable entre les voies généraliste et professionnelle », explique Dercio Afonso Da Silva, responsable Afrique au sein du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri).
Lorsqu’un étudiant termine trois ans de formation professionnelle, il peut, plutôt que de commencer à exercer le métier qu’il vient d’apprendre, choisir de poursuivre ses études : « Après le certificat de compétences, il est possible de continuer vers une maturité professionnelle qui permet d’aller dans une école spécialisée. Elle donne accès à un bachelor ou à un master », détaille l’agent du Sefri.
Nestlé en pionnière
Depuis 2010, l’administration helvétique tente de faire de cette particularité un outil diplomatique. La Confédération (dont certains des plus grands fleurons industriels comme Nestlé, Bühler ou Glencore sont omniprésents sur le continent africain) y voit l’opportunité de mettre en avant un modèle qui correspond entièrement aux besoins de pays qui, pour plusieurs d’entre eux – notamment en Afrique francophone –, adaptent lentement leur système d’enseignement supérieur aux besoins du secteur privé.
Parmi ces multinationales, Nestlé fait figure de pionnière sur le continent. Ses premières expérimentations de formation professionnelle remontent à 1960, en Afrique du Sud. À l’époque, le géant de l’agroalimentaire commence à récolter les fruits de son implantation africaine et constate qu’il va rapidement devoir former de la main-d’œuvre locale afin de poursuivre sa croissance.
Nous privilégions une approche par situation plutôt que la diffusion d’une politique ministérielle et verticale
Depuis, le groupe développe des formations en marketing et vente en Afrique du Sud, en Égypte et au Sénégal. Des cursus en comptabilité avancée et contrôle de gestion sont également mis en place au Maroc.
Le Sefri, plateforme d’information
« En 2010, l’idée d’exporter notre modèle tel quel était considérée comme la meilleure solution. Nous avons rapidement fait marche arrière deux ans après pour nous concentrer essentiellement sur le transfert de compétences, car les contextes sont complètement différents d’un pays à un autre », remarque l’agent du Sefri. Principal interlocuteur des délégations étrangères qui souhaitent s’informer sur la formation professionnelle made in Suisse et être redirigées vers des structures expertes, le Sefri agit comme une plateforme d’informations, mais elle n’est pas la seule institution à porter des projets dans ce secteur en Afrique.
« Nous privilégions une approche par situation plutôt que la diffusion d’une politique ministérielle et verticale », relève Erik Swars, responsable des relations internationales de la Haute école fédérale en formation professionnelle (HEFP, ex-IFFP). Mandaté pour l’internationalisation du modèle suisse par la Confédération depuis 2014, l’établissement travaille notamment en partenariat avec l’Organisation internationale du travail (OIT) à l’identification des besoins en formation au Burkina Faso.
Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco), la Direction pour la coopération et le développement – dont respectivement 21 % et 39 % des dépenses ont été consacrées à l’Afrique subsaharienne en 2020 – ainsi que le Secrétariat d’État à l’immigration sont, eux aussi, impliqués dans des projets sur le continent ; au Ghana pour le premier, au Bénin, au Burkina Faso et au Sénégal pour la seconde.