Le dispositif a été mis en œuvre à la dernière minute. Aéroports du Cameroun (ADC) n’a lui-même été prévenu qu’au petit matin du dimanche 11 juillet. Au pied levé, les responsables d’ADC ont dû annoncer aux compagnies desservant Yaoundé que l’espace aérien allait être fermé pendant deux heures, à la mi-journée, le temps que l’avion du président Paul Biya (accompagné de son épouse, Chantal) décolle pour Genève, en Suisse.
Invités à l’aéroport pour faire leurs adieux au président en partance pour des vacances helvétiques, les patrons d’institutions sont eux aussi tombés du lit pour ne pas courir le risque d’arriver après le « chef » à l’aéroport. Les piétons ou automobilistes ordinaires qui effectuaient une course en ville ont dû attendre, au fond d’une ruelle, sous la menace des soldats de la Garde présidentielle, le passage de l’interminable cortège de cylindrées présidentielles, l’itinéraire routier emprunté ayant été interdit à la circulation pendant deux heures. Sur les toits, des tireurs surveillaient le parcours à la jumelle.
Les anti-Biya battent le rappel
Le président voulait sortir « discrètement » ? Raté. Les défauts d’un dispositif sécuritaire reposant sur la dissuasion sont connus. Avant même que l’avion présidentiel ne se soit posé en Suisse, les activistes anti-Biya d’Europe battaient déjà le rappel des troupes. Bientôt, cette armée de naufragés du régime – dont certains ne lui pardonneront jamais d’avoir dû fuir la pauvreté par la Méditerranée en canot pneumatique – se sont donné rendez-vous le 17 juillet, non loin de l’hôtel InterContinental des bords du lac Léman, quadrillé par la police suisse.
Le dernier séjour de Paul Biya au cinq étoiles genevois remonte à deux ans. Il dut prématurément le quitter à la suite d’affrontements opposant sa garde rapprochée aux manifestants.
L’épisode avait d’ailleurs connu un épilogue judiciaire, puisque la police de Genève avait procédé le 2 juillet 2019 à l’interpellation de six membres du service de sécurité du président Biya. Ceux-ci étaient accusés d’avoir, le 26 juin, blessé Adrian Krause, un journaliste de la Radio-télévision suisse (RTS) venu couvrir les manifestations. Condamnés à des peines avec sursis, les garde du corps avaient pu quitter la Suisse.
Un nouveau face-à-face tendu ?
Lancée en juin 2019 par le député Sylvain Thévoz à la suite de la plainte pour violences déposée par Adrian Krause, une pétition visant à déclarer le président camerounais non grata à Genève a recueilli plus de 15 000 signatures. Mais l’initiative n’a pas prospéré devant le Grand conseil du canton.
Deux ans après, le régime n’étant pas parvenu à apaiser ses relations avec une partie de sa diaspora, il faut donc s’attendre à un nouveau face-à-face tendu entre la garde rapprochée de Paul Biya, appuyée par les forces de police suisses, et les manifestants.