Si les coulées de lave ont épargné Goma, la spectaculaire éruption du Nyragongo, le 22 mai dernier, a pris tout le monde de court, plongeant la région dans le chaos. Les autorités ont dû décréter en catastrophe l’évacuation de la ville, peuplée de 2 millions d’habitants, jetant des centaines de milliers de personnes sur les routes. Certaines ont cherché refuge au Rwanda voisin, quand d’autres ont pris la direction de la région du Masisi, dans le sud-ouest du pays. Le bilan officiel fait état d’au moins 38 victimes, sans compter les milliers de maisons détruites et les centaines d’enfants séparés de leurs parents…
Alors que la région se remet de l’éruption, beaucoup pointent la responsabilité de l’Observatoire volcanologique de Goma (OVG). Soupçonné de corruption – au point que certains de ses partenaires lui ont coupé les vannes financières, accentuant encore un manque chronique de moyens –, ce centre de recherche n’a pas donné l’alerte avant la catastrophe. Mais José Mpanda, ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique depuis septembre 2019, assure qu’il n’y a eu aucune défaillance. Entretien.
Jeune Afrique : Pourquoi le système d’alerte n’a pas fonctionné au moment de l’éruption du Nyragongo ?
José Mpanda : Contrairement à celle de 2002, l’éruption du mois de mai n’a été précédée d’aucun signe précurseur, si ce n’est des indices d’une situation pré-éruptive marquée essentiellement par un lac de lave actif. Ni le Rwanda voisin, intéressé aussi au premier chef, ni le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, en Belgique, qui surveille également le Nyiragongo, n’ont détecté le moindre signe. Il en est de même de 26 autres institutions de recherche internationales qui travaillent en synergie avec l’Observatoire volcanologique de Goma.
L’Observatoire avait suspendu la surveillance du volcan depuis sept mois, faute de financement. Et certains de ses employés n’étaient plus payés. Ne peut-on pas parler d’une responsabilité du gouvernement ?
L’OVG était dotée de 16 stations sismographiques et géodésiques numériques à proximité des volcans. Il dispose d’un réseau moderne de surveillance constitué des sismomètres et de GPS qui mesurent, notamment, la déformation des sols. Un bateau acquis récemment permet également de récolter, d’enregistrer et d’analyser les données sur le lac Kivu. Ce matériel n’est ni défaillant, ni en panne. Il fonctionnait avant et pendant l’éruption du 22 mai. Mais comme je l’ai dit, celle-ci à surpris tout le monde.
Nous avons mis sur pied un plan d’évacuation, qui implique le Rwanda
Quels enseignements tirez-vous de cet événement ? La réponse des autorités a-t-elle été à la hauteur ?
Il faut renforcer la surveillance. C’est ce que nous avons fait, avec le concours du gouvernement, mais aussi celui des bailleurs de fonds et des partenaires, notamment la Banque mondiale.
Quelle est la situation autour du volcan aujourd’hui ?
Elle est stabilisée. Le gouvernement s’est impliqué pour que la gestion soit efficiente, et nous suivons les évolutions de près. Sur le plan des données scientifiques dont nous disposons, je peux vous rassurer : la situation est maîtrisée. Mais il faut évidemment continuer à surveiller, en temps réel, pour pouvoir prévenir la population en cas de future éruption.
Comment s’organise cette surveillance ? Qui est responsable ?
Le rôle de mon ministère, c’est la prévention : la surveillance, le contrôle, l’information, etc. Nous avons mis sur pied un plan d’évacuation, qui implique également le Rwanda. Mais la responsabilité est collégiale. Plusieurs ministères interviennent : les Affaires sociales, le Budget, les Finances… Il faut d’ailleurs que l’on se penche ensemble sur le niveau du budget de la recherche, qui est trop faible.
Sur le plan financier, comment sortir l’OVG de la situation dans lequel il se trouve ?
L’Observatoire, qui fait partie de la trentaine de centres et d’instituts de recherche agissant sous la tutelle de mon ministère, avait des problèmes de fonctionnement, avec un grand nombre d’agents fictifs et d’autres qui n’étaient pas payés, comme c’est malheureusement le cas dans d’autres secteurs. Nous avons pu débloquer des fonds pour payer les primes de risque sur les six derniers mois et une part des frais de fonctionnement, comme la facture internet.
La population de Goma est appelée à vivre avec le volcan, et donc les éruptions
La question est donc, selon vous, réglée ?
La grogne est derrière nous, et nous suivons la situation en temps réel. Je suis moi-même allé trois fois à Goma. Le Premier ministre et le président Félix Tshisekedi s’y sont aussi rendus. Le message a été chaque fois le même : ce qui est arrivé n’arrivera plus jamais. Un engagement politique a été pris : l’OVG sera pris en charge. Le paiement des six mois de primes et des frais de fonctionnement montrent la bonne foi des autorités.
Certains évoquent la nécessité de déplacer toute la ville de Goma pour préserver sa population des futures éruptions. Est-ce une piste que vous envisagez ?
Les habitants ont beaucoup investi dans la ville. Goma est appelée à vivre avec le volcan, et donc les éruptions, tout comme certaines villes au Japon, aux États-Unis ou en Italie. Mais ces pays prennent les dispositions nécessaires pour gérer cette situation particulière. Le rôle du gouvernement congolais est de donner les moyens suffisants à la recherche scientifique pour surveiller les volcans et de prendre les mesures nécessaires pour sécuriser la population.