Après les procès, Boris Boillon perd titres et dorures. Suspendu, puis radié du Quai d’Orsay en 2019, à 51 ans, ce membre du sérail de Nicolas Sarkozy a été déchu de la Légion d’honneur le 6 juillet 2021 (à la suite d’un décret présidentiel du 2 juillet), au même titre qu’un autre proche de l’ex-président français, l’avocat Arnaud Claude. Ces destitutions surviennent après celle, fin juin, d’Isabelle Balkany, première adjointe à la mairie de Levallois.
Cette distinction, la plus haute pouvant être attribuée au nom du chef de l’État, récompense les citoyens jugés les plus méritants. Elle peut être en effet retirée en cas de condamnation pénale ou d’actes contraires à l’honneur ou aux intérêts de l’Hexagone.
Nébuleuse irako-libyenne
Dans le cas de Boris Boillon, c’est l’affaire dite de la gare du Nord qu’il continue à payer. Interpellé alors qu’il s’apprête à prendre le train pour Bruxelles en 2013 avec un bagage contenant pas moins de 350 000 euros en petites coupures, il est condamné quatre ans plus tard pour « blanchiment de fraude fiscale » et « manquement à l’obligation déclarative de transfert de capitaux ». Verdict : un an de prison avec sursis, assorti d’une interdiction d’exercer toute fonction publique, profession commerciale ou industrielle, de gérer une entreprise pendant cinq ans, mais aussi d’une confiscation des billets saisis et plus de 125 000 euros d’amende douanière et de paiements à l’État.
Lors de son procès, sa défense affirme, documents à l’appui, que cet argent était le fruit de son travail d’intermédiaire en Irak et avait mis en avant l’absence de système bancaire dans le pays. À la tête de la société de conseil Spartago, Boillon aurait reçu ces honoraires de la part de l’entreprise irakienne Euphrate dans le cadre d’un contrat de construction d’un complexe sportif à Nassiriya, dans le sud du pays. À ce sujet, le président du tribunal évoque un « lancinant soupçon de corruption et de commissions ».
Le parquet suspecte, dans un premier temps, une origine libyenne de ces fonds. Boillon est, en effet, soupçonné d’avoir joué un rôle dans le financement libyen présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy. Il avait fait office d’interprète lors de l’affaire des infirmières bulgares retenues par Tripoli durant la mission de l’ex-première dame Cécilia Sarkozy et de l’ex-secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant. Il s’était également targué sur le plateau du Grand Journal d’être appelé « mon fils » par feu le dictateur Mouammar Kadhafi, en prenant sa défense. Il avait même osé cette formule qui, aux vues de son propre parcours, semble lui coller à la peau : « Dans la vie, on fait tous des erreurs et on a tous droit au rachat. »
Abonné des faux pas
Souvent décrit comme un « Sarko boy », ce diplômé de Sciences Po et de Langues’O est devenu cadre d’Orient en 1998. Il a d’abord été en poste à Paris, puis auprès des légations d’Alger et Jérusalem. Nommé conseiller Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient de l’ex-chef de l’État en 2007, il se voit hisser au rang d’ambassadeur en Irak (de 2009 à 2011), puis en Tunisie (2011-2012).
Malgré ses compétences d’arabophone et sa formation au sein du Quai d’Orsay, ses propos sont mis en cause par des diplomates étrangers cités dans des câbles révélés par Wikileaks. Ce sont surtout ses écarts de mauvais goût, rompant avec une certaine tradition diplomatique, qui lui sont régulièrement reprochés. N’a-t-il pas, en pleine conférence des ambassadeurs en 2010, qualifié la reconstruction de l’Irak de « marché du siècle » ?
La discrétion est loin d’être son fort. à son arrivée en poste à Tunis en février 2011, le jeune ambassadeur se fend de leçons de morale aux journalistes tunisiens invités à un déjeuner presse. Non content de traiter les questions de « débiles », il refuse de répondre au sujet – pourtant encore brûlant – de la gestion de la crise tunisienne par l’ex-ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie (qui avait proposé un soutien logistique à la police de Ben Ali durant la répression de la révolution).
Le ton est donné. Dans un pays en proie aux règlements de compte avec l’ancien protectorat et sa récente politique à l’égard du régime Ben Ali, cette attitude passe mal. Des centaines de manifestants réclament son départ devant les grilles de la chancellerie. Il présente ses excuses à la télévision nationale assurant qu’il se montrera « plus poli » à l’avenir, mais le mal est fait. Boillon était censé éteindre les braises, il les a rallumées.
My name is Boillon… Boris Boillon !
Si son énergie au service de la relation bilatérale est louée, il continue à faire parler de lui pour d’autres motifs. À commencer par sa photo de profil Facebook, sur laquelle il apparaît torse nu en octobre de la même année. Le cliché entier le montrant abdominaux saillants sur slip de bain bleu, publié sur le réseau social Copains d’avant, a fait le tour des médias, avant d’en être retiré. Le magazine Tunivisions lui a consacré sa une en version plus habillée (costume-cravate) avec ce surtitre : « My name is Boillon… Boris Boillon ! » On le raille depuis en James Bond, voire en OSS 117.