L’une des investigations a été confiée au parquet du Tribunal criminel spécial (TCS), compétent en matière d’infractions économiques d’un montant supérieur à 50 millions de F CFA. Les enquêteurs ont ainsi auditionné tous les membres du gouvernement, dont les ministères avaient été retenus par le Premier ministre Joseph Dion Ngute sur la liste des attributaires des fonds anti-Covid. Ils ont été entendus, pour la plupart, dans leur bureau.
« Où est l’argent ? »
Abdou Yap, le président du TCS, a dû téléphoner en personne au cabinet de certains ministres pour faciliter la prise de rendez-vous de ses collaborateurs. Ces derniers, une fois reçus, ont eu la surprise de constater que bien que figurant sur la liste de répartition, certains départements ministériels ont assuré n’avoir pas reçu la dotation prévue.
La Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN, police) n’aurait rien perçu des crédits destinés à doter les policiers d’équipements individuels de protection. Pas d’argent non plus pour le ministère de la Communication, au sein duquel le ministre René Emmanuel Sadi a ouvert aux enquêteurs la porte de son bureau par « courtoisie », selon un proche du dossier.
Mise en cause dans le rapport de la Chambre des comptes, Madeleine Tchuinte, la ministre de la Recherche scientifique, n’aurait elle non plus jamais reçu un sou de ces crédits, toute la dotation de son ministère ayant été directement versée à l’Institut de recherches médicales et d’études des plantes médicinales (IMPM).
Au-dessus de tout soupçon parce qu’ils n’auraient rien perçu, ces personnalités n’acceptent pas les critiques qui leur sont adressées. Ils posent eux-aussi la question : où est l’argent ? Les enquêteurs ayant bouclé leurs auditions, la justice ne peut aller plus loin. Dans la pratique camerounaise, on n’inculpe pas un ministre en fonction.
Confronté à l’impopularité du gouvernement et à l’attente pressante d’une reddition de comptes, le président Paul Biya n’a pas beaucoup d’options. Soit il laisse le discrédit gouvernemental s’installer, soit il procède à un remaniement ministériel pour mettre à la disposition de la justice les personnalités mises en cause.