Le 15 juin dernier, d’ex-cadres du Parti destourien libre (PDL) sont montés au créneau contre la présidente, Abir Moussi, accusée de concentrer les pouvoirs. En conférence de presse, quatre anciens dirigeants, écartés ces dernières années de la formation, ont lancé un double message.
Critiquant son monopole sur les décisions du parti, ils prônent une réconciliation, en vue du prochain congrès censé se tenir le 12 août et dont les réunions préparatoires régionales ont débuté.
« Nous demandons à participer à un congrès équitable qui donne l’opportunité à tous les membres et personnalités de se présenter. Si nous devons quitter le bureau politique ce sera dans ce cadre », précise l’un des frondeurs, Lotfi Mahfoudhi. Mais cette participation leur aurait été refusée.
Lotfi Mahfoudhi, qui se décrit encore comme héritier du Parti socialiste destourien (PSD) et du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Ben Ali (dont il a été actif au sein des branches estudiantines, puis du bureau exécutif), mais aussi membre du noyau dur des fondateurs du PDL, en a d’ailleurs été secrétaire général adjoint chargé des affaires internationales.
Cela fait deux ans que nous essayons de trouver une solution en coulisses
Un poste acquis, comme d’autres, par consensus interne lors de la constitution du bureau politique, en 2016. Il apprendra sa destitution deux ans plus tard, en mai 2018 via un simple mail, sans justification, affirme-t-il.
À l’époque, il fait appel à un huissier pour contester la légalité de cette décision et assure avoir fait profil bas depuis, pour le bien du parti. « Je me suis écarté par peur qu’il ne soit dissout par la justice », explique-t-il.
S’en est suivie une traversée du désert. Ce fidèle aux idéaux du PDL, aurait pourtant reçu des appels du pied d’autres formations en vue des législatives de 2019, qu’il aurait déclinés.
Deux tiers du bureau politique écartés
« Nous avons tout fait pour nous réconcilier et pour que le PDL perdure. Nous avons envoyé des messages à Abir Moussi pour qu’elle cesse de se comporter de la sorte, en vain », plaide-t-il encore, évoquant en guise de main tendue, la récente présence de certains d’entre eux au sit-in du PDL devant le siège tunisois de l’association des oulémas, aux côtés d’Abir Moussi.
En tout, quatorze anciens cadres auraient été limogés ou poussés au départ par son exubérante présidente, soit deux tiers du bureau politique. « Cela fait deux ans que nous essayons de trouver une solution en coulisses », confirme un autre co-fondateur, Hatem Laamari, également en première ligne de cette conférence de presse et qui espère aussi être réhabilité.
Ex-secrétaire général du PDL, il assure lui aussi avoir appris sa destitution par mail, mais bien plus tôt, en octobre 2016. À l’époque, un communiqué du parti faisait état à son encontre de « dépassements et infractions graves, notamment au niveau de la gestion ». Il assure avoir eu gain de cause auprès du tribunal de Tunis.
Abir Moussi souhaite s’entourer de personnes qui disent oui à tout
Fort de son expérience de trésorier de la branche étudiante et secrétaire général adjoint du RCD, mais aussi de gouverneur et de préfet sous Ben Ali, il explique avoir conservé des relations avec d’autres partis qui lui auraient alors été reprochées.
« En réalité, elle avait peur qu’on lui fasse de l’ombre et elle souhaite s’entourer de personnes qui disent oui à tout et ne lui opposent pas de points de vue contradictoires, c’est un projet dictatorial », poursuit-il. Un communiqué demandant à ce qu’il retrouve son poste, daté du 26 janvier signé par les quatorze cadres déchus, que Jeune Afrique a pu consulter, aurait d’ailleurs déjà été envoyé à la direction du parti. Contactée, Abir Moussi n’a pas donné suite à nos demandes.
Tentative de rapprochement régional
Et de prévenir qu’il compte se déplacer dans les municipalités où ont lieu les pré-congrès, dénonçant des « mascarades » et l’omniprésence de listes acquises à la cause d’Abir Moussi. « Même les cartes d’adhésion au PDL ont été distribuées au cas par cas aux proches de son clan », accuse-t-il. Sousse, Sfax et le nord-ouest du pays font partie de son programme.
Derrière leur tentative de rapprochement, les frondeurs durcissent le ton. Ils assurent disposer de soutiens dans les régions où des pétitions seraient également en cours de rédaction dans certaines localités contre les agissements de la présidente du parti.
Ils menacent par ailleurs de saisir la justice si leur appel n’était pas entendu. « C’est une option, en dernier ressort, car c’est notre parti et nous ferons tout notre possible, dans le respect de la loi, pour le reprendre », temporise Lotfi Mahdoufhi.
En guise d’avertissement, Abir Moussi leur a envoyé un avis par voie d’huissier durant leur conférence de presse. Elle les accuse dans un communiqué, ainsi que sur sa page Facebook, de s’être présentés illégalement comme des dirigeants du parti et d’avoir falsifié des documents à son entête. Cette fin de non-recevoir, suffira-t-elle à calmer la grogne ?