Algérie : le FLN garde la haute main sur l’Assemblée

L’ancien parti unique a obtenu une majorité relative à la chambre basse du Parlement avec 105 députés élus aux législatives. Une surprise dans la mesure où le FLN est décrié pour sa compromission avec le régime de Bouteflika.

Mohamed Charfi, chef de l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), s’exprime à Alger lors d’une conférence de presse sur le niveau de participation aux élections générales anticipées, le 12 juin 2021. © MOUSAAB ROUIBI/AFP

Mohamed Charfi, chef de l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), s’exprime à Alger lors d’une conférence de presse sur le niveau de participation aux élections générales anticipées, le 12 juin 2021. © MOUSAAB ROUIBI/AFP

FARID-ALILAT_2024

Publié le 17 juin 2021 Lecture : 4 minutes.

À la chute du président Bouteflika en avril 2019, les Algériens croyaient le Front de libération nationale (FLN) fini et bon pour les musées. Deux ans plus tard, l’ancien parti unique est sorti vainqueur des élections législatives du 12 juin en remportant 105 sièges sur les 407 que compte l’Assemblée nationale.

Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste) arrive en seconde position avec 64 députés alors que le Rassemblement national démocratique (RND) en dénombre 57.

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Abstention record

Ces trois formations politiques, qui composaient l’alliance présidentielle sous le régime de Bouteflika, détiennent ainsi la majorité dans cette nouvelle Assemblée. Les candidats indépendants, à qui il avait été pronostiqué une victoire écrasante, raflent 78 sièges. Le Front El-Moustakbal d’Abdelaziz Belaïd ainsi que le Mouvement El-Bina d’Abdelkader Bengrina obtiennent respectivement 48 et 40 députés.

Alors que l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie) avait annoncé un taux initial de participation de 30,20 %, celui-ci a été revu à la baisse à 23,03 %. Sur les 24,4 millions d’électeurs inscrits, seuls 5,6 millions se sont rendus aux urnes pour élire les membres de la chambre basse.

La désaffection des Algériens pour ces législatives ne semble pas constituer une préoccupation majeure du président

Ce taux d’abstention constitue un record par rapport aux scrutins précédents. Le référendum constitutionnel du 1er novembre 2019, pierre angulaire du mandat d’Abdelmadjid Tebboune, avait enregistré une participation de 23,7 %.

« Les fondations de ce Parlement ont été construites en toute liberté et transparence par le peuple », déclare Mohamed Chorfi, président de l’Anie. Hormis quelques incidents mineurs, le scrutin n’a pas enregistré de cas de fraude ou de trituration de résultats. Les chiffres livrés par cette instance semblent donc correspondre à la réalité des urnes.

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Tebboune « pas intéressé » par la participation

C’est que tous les précédents scrutins législatifs organisés depuis octobre 1997 ont fait l’objet de fraudes massives au profit du FLN et du RND. Mais la grande désaffection des Algériens pour ces élections législatives ne semble pas constituer une préoccupation majeure du chef de l’État.

La victoire du FLN constitue une surprise tant cet ancien parti unique a perdu son influence

« J’ai déjà déclaré que le taux de participation ne m’intéressait pas, a-t-il affirmé le jour du scrutin. Ce qui m’importe, c’est que ceux qui sortiront de l’urne détiennent la légitimité populaire qui leur permettra, demain, d’exercer le pouvoir législatif. »

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La victoire du FLN constitue une surprise tant l’ancien parti unique a perdu en influence et en crédibilité pour avoir constitué un soutien indéfectible de l’ancien chef de l’État.

Le 9 février 2019, le parti a organisé un meeting à La Coupole du 5 juillet, sur les hauteurs d’Alger, pour appeler le président Bouteflika à briguer un cinquième mandat en dépit de sa maladie. Un rendez-vous qui a contribué au déclenchement du soulèvement populaire du 22 février contre la présidence à vie de Bouteflika et le maintien au pouvoir de la Issaba (la bande maffieuse) dont les principales figures de proue purgent de lourdes peines de réclusion dans diverses prisons du pays.

Démonétisé, le FLN voit en outre deux de ses anciens secrétaires généraux, Amar Saadani et Djamel Ould Abbès, visés par la justice. Saadani s’est exilé au Maroc pour se mettre à l’abri de poursuites judiciaires alors qu’Ould Abbès est incarcéré en Algérie, où il est poursuivi dans diverses affaires de corruption. L’un de ses enfants, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour blanchiment d’argent, a été récemment arrêté au Venezuela et devrait être extradé pour être jugé en Algérie.

Alliance présidentielle encombrante

La victoire du FLN constitue également un revers politique pour le président Tebboune tant celui-ci s’est tenu à distance de cette formation ainsi que du RND lesquels incarnent, aux yeux des Algériens, la compromission avec le régime de Bouteflika.

La constitution de 2020 octroie au président des pouvoirs étendus au détriment du Parlement

La majorité relative obtenue par le FLN s’explique par la grande désaffection des électeurs qui rejettent ce scrutin. Le vieux parti ainsi que les autres formations, en activité depuis plus de trois décennies, ont donc mobilisé leurs bases et leurs structures locales particulièrement implantées dans l’Algérie profonde.

Dans l’attente de la validation des résultats par le Conseil constitutionnel, il y a peu de chances que les trois partis (FLN-RND-MSP) qui trustent 229 sièges reforment la défunte alliance présidentielle. Abdelmadjid Tebboune ne souhaite pas s’encombrer de cet attelage et n’en pas besoin pour continuer à gouverner.

La constitution de 2020 octroie d’ailleurs au chef de l’État des pouvoirs étendus au détriment du Parlement et du Premier ministre. Et rien n’oblige le locataire d’El-Mouradia à nommer un nouveau gouvernement issu de cette majorité, bien qu’un remaniement ministériel devrait avoir lieu dans les prochaines semaines.

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