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Pour trouver Ibrahim Fernandez, il suffit de se rendre dans son showroom qui fait également office d’atelier à Marcory, un quartier populaire d’Abidjan. Des mannequins de vitrine mettent en valeur quelques-unes de ses créations colorées.
Mèches blondes, élancé, hyperactif… Le jeune styliste discute avec une cliente qui cherche une tenue de soirée. Il lui présente alors quelques pièces de sa dernière capsule prêt-à-porter. Pour celle-ci, il a imaginé des imprimés qu’il a fait ensuite reproduire sur des tissus locaux. « Mes matières de prédilection sont le lin, le dempé, le bogolan ou encore le faso dan fani pour du sur-mesure, explique-t-il. Je travaille avec des femmes du quartier de Treichville qui ont un savoir-faire pour les imprimés. »
Né à Abidjan d’un père fonctionnaire et d’une mère vendeuse de tissus, Ibrahim Fernandez s’est d’abord orienté vers le marketing. Véritable geek qui passe des heures devant son ordinateur à faire des montages vidéo, il obtient un master dans une école de commerce de la capitale économique ivoirienne.
Passion par hasard
C’est en 2013, alors qu’il vit au Maroc et qu’il doit rentrer en Côte d’Ivoire pour assister aux funérailles de son père que la mode est entrée dans sa vie : « Je n’avais plus rien à me mettre. Comme ma mère vendait des tissus, je lui en ai pris pour confectionner une tenue. J’ai dessiné et fait faire par un couturier. Plusieurs personnes m’ont demandé où je l’avais achetée. C’est de là que tout est parti ». Au fil des mois, il apprend la couture sur le tas. Il se forme en ligne sur Internet, puis chez un couturier.
La même année, Ibrahim Fernandez se fait connaître avec une première collection haute couture. Sa marque, qui s’appelle alors Zango (« élégant » en argot ivoirien), est tout de suite bien accueillie sur les podiums africains. En quelques années, « le chouchou des Abidjanaises » devient une figure incontournable de la mode ivoirienne. Ses créations, inspirées de la vie quotidienne, se retrouvent dans les soirées mondaines et sur les plateaux télévisés. « Les collections naissent de mes émotions ou du choix de mettre en avant un tissu en particulier », explique le styliste.
À Lire De Lagos à Dakar, le top 5 des fashion weeks africaines à suivre Les photos des Nandi (surnom qu’il donne à ses clients) portant ses créations tendances pour des soirées cocktails, sophistiquées pour des cérémonies, plus strictes pour la sphère professionnelle, ont envahi les réseaux sociaux ivoiriens. Ses capsules restent accessibles : comptez 70 000 F CFA (106,70 €) pour une combinaison ou 15 000 F CFA pour un top en soie.
Les collections naissent de mes émotions ou du choix de mettre en avant un tissu en particulier
« Certains se battent pour conquérir les États-Unis. Mais pour moi, il existe une clientèle, ici, en Côte d’Ivoire. Les gens comprennent qu’il faut acheter local et le marché devient de plus en plus important », se réjouit-il.
La rançon du succès ? Depuis quelques mois, le styliste est victime d’une forme de pillage. Ses modèles sont réutilisés par des commerçants qui fabriquent des tenues en Turquie et les revendent à bas coût en Afrique de l’Ouest. « C’est une violation de la propriété intellectuelle. je me sens démuni. Heureusement, les gens savent reconnaître la qualité », soupire-t-il, l’esprit déjà tourné vers sa nouvelle collection, prévue pour la fin de 2021.