Voici deux jours maintenant que Radio Oméga a cessé d’émettre, contrainte au silence par une décision de Conseil supérieur de la communication (CSC). Une suspension provisoire, qui a pris effet le 9 juin et doit se poursuivre jusqu’au 13 du même mois, l’organe de régulation reprochant au groupe Oméga, fondé par Alpha Barry, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, d’avoir diffusé de fausses informations à la suite de l’attaque meurtrière perpétrée dans le village de Solhan, dans la nuit du 4 au 5 juin.
Parmi les griefs évoqués, le CSC cite la diffusion d’un bilan supérieur au bilan officiel – il s’établit, selon les autorités, à 132 victimes – , l’annonce d’un retour des terroriste sur les lieux de l’attaque pour s’emparer de vivres et de bétail ou encore la mention d’une autre attaque, perpétrée cette fois contre le village de Dambam, 24 heures après celle qui a frappé Solhan. Plusieurs médias locaux (la Radiotélévision du Burkina, l’Observateur Paalga) et internationaux (RFI) ont par ailleurs eux aussi été sommés de s’expliquer, ce jeudi 10 juin.
Flou sur le bilan
L’Association des journalistes du Burkina (AJB) a immédiatement dénoncé « un coup porté contre la liberté de presse ». « C’est déplorable que l’on en arrive à une telle extrémité », regrette Guezouma Sanogo, président de l’AJB, soulignant que le bilan de la tuerie de Solhan fait effectivement débat.
Selon plusieurs sources, près de 160 personnes auraient effectivement trouvé la mort cette nuit-là. « Il existe un flou sur le nombre de victimes. Est-il confirmé que Radio Omega est dans l’erreur ? Je pense que pour sanctionner, il faut se hâter lentement car si l’information de Radio Omega devait être exacte, le CSC perdrait toute crédibilité », décrypte l’universitaire Serge Théophile Balima, sommité burkinabè de la Communication.
Évoquant la possibilité d’une sanction modérée « si jamais il est avéré que les assaillants ne sont pas revenus sur les lieux du massacre pour piller », Serge Théophile Balima ajoute que la décision du CSC place le ministre Alpha Barry « dans une situation inconfortable au sein du gouvernement ».
Qui en veut à Alpha Barry ?
Selon nos informations, le chef de la diplomatie burkinabè subit par ailleurs des pressions de sa famille politique qui voit parfois d’un mauvais œil la liberté de ton de la radio. « Cette décision du CSC met le ministre Alpha Barry en mauvaise posture. Une partie de la majorité considère qu’il joue un double jeu, qu’il ne peut pas être au gouvernement et alors que “sa” radio est très critique à l’égard du pouvoir », explique l’une de nos sources. « Beaucoup avaient craint qu’Omega ne devienne la caisse de résonance du pouvoir, affirme l’un des journalistes du groupe. Mais c’est loin d’avoir été le cas. Et Alpha Barry a beau se tenir à distance d’Oméga, dès qu’on publie une info exclusive, les gens y voient sa main. »
En 2019, alors que le président Roch Marc Christian Kaboré cherchait un successeur à Paul Kaba Thiéba à la primature, le nom d’Alpha Barry avait circulé dans les couleurs de Kosyam, aux côtés de celui de Stanislas Ouaro (finalement nommé à l’Éducation nationale) ou Chérif Sy (placé à la Défense). Mais les caciques du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP, au pouvoir) s’y sont fermement opposés et c’est finalement sur Christophe Dabiré que s’est porté le choix du chef de l’État.
Depuis sa couverture des jours de révolte d’octobre 2014, qui ont précipité la chute de Blaise Compaoré, et le coup d’État manqué de septembre 2015, Radio Omega est devenue une référence dans le paysage radiophonique burkinabè.