Politique

Israël : Netanyahou parti, qui sont les figures du nouveau gouvernement ?

La coalition formée par Yaïr Lapid et Naftali Bennett a obtenu ce 13 juin le vote de confiance de la Knesset. Elle est constituée de personnalités politiques de tous horizons qui mettent aujourd’hui fin à douze ans de règne du Premier ministre Netanyahou.

Réservé aux abonnés
Mis à jour le 14 juin 2021 à 10:36

Naftali Bennett, le nouveau Premier ministre israélien © Abir Sultan/Pool via REUTERS

  • Naftali Bennett, à droite toute

Naftali Bennett est le nouveau Premier ministre israélien. Sur les 119 députés présents à la Knesset, 60 ont accordé leur confiance  à son gouvernement. L’ancien homme d’affaires nait à Haïfa, « ville mixte » israélienne, qu’il a quittée pour Ra’anana, ville majoritairement juive, où il vit avec son épouse et ses quatre enfants aujourd’hui. Ce partisan du Grand Israël a fait fortune avec Cyotta, une start-up spécialisée dans la lutte contre la fraude en ligne, avant de se lancer en politique. Après un passage à la tête du bureau de campagne de Benyamin Netanyahou, il quitte le Likoud pour Yisra’el Sheli, parti d’extrême droite. Celui qui a conclu les accords de coalition aux côtés de l’Arabe Mansour Abbas avait défrayé la chronique en 2013 en déclarant à Yaakov Amidror, conseiller à la sécurité nationale : « J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie. Et il n’y a aucun problème avec ça. »

À Lire Israël : à droite toute !

En novembre 2012, il prend la tête du parti, qui obtient 12 sièges à la Knesset en 2013. Il devient alors ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Emploi mais aussi celui des Affaires religieuses. Commencent ainsi ses allers-retours entre la Knesset et différents ministères jusqu’en 2019 : il gère alors le portefeuille de la Défense tout en étant député. Il est aujourd’hui à la tête d’une coalition allant de la droite à l’extrême droite, Yamina. Le 6 juin, il s’est exprimé à la Knesset et a appelé son ancien collègue Benyamin Netanyahou à « libérer le pays pour qu’il avance ».

  • Yaïr Lapid, du talk-show aux Affaires étrangères

Yaïr Lapid à Jerusalem, le 7 juin 2021.
REUTERS/ Ronen Zvulun

Yaïr Lapid est la pierre angulaire de la nouvelle coalition anti-Netanyahou. L’ancien journaliste vedette d’Aroutz 2, qui animait son son propre talk-show éponyme, a réussi son pari : ébranler celui qui est à la tête du gouvernement israélien depuis douze ans.

À Lire Israël : Yaïr Lapid superstar

Sa carrière politique commence en 2012. Il quitte alors la télévision pour créer un parti politique centriste et laïc, Yesh Atid. Aux élections législatives de 2013, le parti décroche 19 sièges à la Knesset et devient alors la première force d’opposition au Likoud. Yaïr Lapid s’assoit pour la première fois sur les bancs de la Knesset, qu’il ne quittera plus.

Il a réussi à former in extremis une coalition soutenue par 8 partis, de l’extrême droite à l’islam politique

Chargé de former un gouvernement, le Likoud essaie alors de recruter Yaïr Lapid. L’ancienne star du petit écran se montre dure dans les négociations mais finit par accepter le poste de ministre des Finances, sans pour autant cultiver de proximité avec Netanyahou. Il est d’ailleurs remercié en décembre 2014 et passe officiellement dans l’opposition.

Lapid tient sa revanche quand il est chargé de former un gouvernement après l’échec de Netanyahou qui suit les législatives de mars 2021. Il a réussi à former in extremis une coalition soutenue par huit partis, de l’extrême-droite à l’islam politique. Actuellement ministre des Affaires étrangères, il prendra la tête du gouvernement après les deux premières années de primature de Naftali Bennett.

  • Benny Gantz, l’ex-patron de Tsahal à la Justice

Benny Gantz à Rosh Ha’ayin, Israël, en mars 2020.
REUTERS/Nir Elias

Faute d’avoir réussi à former une coalition pour mettre fin au règne de Benyamin Netanyahou, il fait aujourd’hui partie de celle érigée par Yaïr Lapid et Naftali Bennett. Benny Gantz est né dans une province du sud d’Israël fondée par des immigrants juifs en 1949. Après des études d’histoire et de sciences politiques, il rejoint les rangs de l’armée israélienne à l’âge de 18 ans. Il devient alors parachutiste et obtient son diplôme de l’école des officiers de Tsahal. Il monte en grade et devient commandant de différents bataillons. Lors de la seconde intifada, il est affecté au commandement de la région Nord. Après avoir assisté Gabi Ashkenazi en tant que vice-chef d’état-major, il prend sa place en 2011 et devient le numéro 1 de l’armée d’Israël jusqu’en 2015.

L’ancien chef d’état-major conserve son poste à la Justice

Il lâche les armes pour la politique en 2018, où il annonce créer le parti Hosen L’Yisrael, qui prend part à la coalition Bleu et Blanc. La coalition obtient autant de sièges que le Likoud de Netanyahou aux législatives d’avril 2019. Incapable de former un gouvernement, la coalition centriste prend la tête de l’opposition. Là commence une partie de ping-pong entre Benny Gantz et Benyamin Netanyahou. L’un comme l’autre échouent à former un gouvernement.

À Lire Israël : Benyamin Netanyahou renonce à former un gouvernement, le président se tourne vers Benny Gantz

Dans le cadre de négociations avec le Likoud pour la formation d’un gouvernement d’union nationale, l’ancien militaire a aussi présidé la Knesset en 2020. Benny Gantz, qui a occupé coup sur coup la tête du ministère de la Défense puis de la Justice, est le ministre de la Défense de Naftali Bennett.

  • Mansour Abbas, islamiste conciliant

Mansour Abbas à Jérusalem, le 14 mars 2019.
REUTERS/Ronen Zvulun

C’est une première depuis 1992, date de la formation du gouvernement de Yitzhak Rabin, Prix Nobel de la paix de 1994. Mansour Abbas, islamiste conservateur, est le premier dirigeant arabe israélien à faire partie d’une coalition gouvernementale. Il a même été la clé de voûte de la coalition, la rendant possible par son soutien. Mansour Abbas s’en est réjoui : « Cet accord a beaucoup à offrir à la société arabe, et à la société israélienne en général. »

Mansour Abbas a grandi à Maghar, un village israélien où vivent majoritairement des musulmans et des druzes. Après une adolescence marquées par ses lectures religieuses, il devient dentiste, et ouvre un cabinet dans la ville qui l’a vu grandir.  Sa vie politique commence en 2007, au secrétariat général de la Liste arabe unie, un des partis de la minorité arabe en Israël qui soutient alors la solution à deux États. En 2010, il devient vice-président de la branche modérée du mouvement islamiste d’Israël, qui fait le choix de ne pas boycotter les élections.

Moi, si j’étais juif, je voterais pour [Netanyahou]

En 2019, il décroche son premier siège à la Knesset en tant que membre de la Liste unifiée, qui regroupe le parti de gauche Hadash et trois mouvements arabes, la Liste Arabe unie, Ta’al et Balad. Sa position sur la question du conflit israélo-palestinien se veut pragmatique , ce qui lui vaut d’être « courtisé par l’ensemble de l’échiquier politique », explique l’historien Thomas Vescovi, auteur de La Mémoire de la Nakba en Israël.

Mais il a dû quitter la Liste unifiée en mars 2021 après avoir affirmé à propos de Netanyahou : « Moi, si j’étais juif, je voterais pour lui ». Si, pour l’instant, sa place au sein du gouvernement de Naftali Bennett n’est pas assurée, son rôle dans la formation de la coalition gouvernementale l’a propulsé sur le devant de la scène politique israélienne. Bennett et Lapid lui ont confié le portefeuille des Affaires arabes.

  • Ayelet Shaked, une sioniste conservatrice à l’Intérieur

Ayelet Shaked à Jérusalem, le 17 mai 2015.
REUTERS/Gali Tibbon

« Viens ici, vers ces gens qui t’ont serrée dans leurs bras. Ils se sentent déçus et trahis. Regarde-les dans les yeux. » Ces mots sont ceux de Bezalel Smotrich, chef du Parti sioniste religieux, devant la maison d’Ayelet Shaked. La députée issue de la coalition de droite dirigée par Naftali Bennett, Yamina, est accusée de trahison par une partie de la droite israélienne pour avoir rejoint la coalition hétéroclite.

La député, élue à la Knesset, a grandi dans le centre de Tel-Aviv. Sa mère ashkénaze et son père juif irakien né en Iran lui transmettent un riche héritage culturel : elle revendique « sa moitié irakienne » dont elle se dit « fière ». Après un passage dans l’armée israélienne, qu’elle intègre à sa majorité, elle sort de l’université de Tel-Aviv avec un diplôme d’ingénierie électronique et d’informatique. Son engagement politique commence en 2006, au sein du cabinet de Benyamin Netanyahou. En mai 2021, elle qualifiera l’ancien Premier ministre et son épouse de « tyrans assoiffés de pouvoir ».

À Lire Gouvernement israélien : Ayelet Shaked, la beauté vénéneuse

Elle quitte le chef du Likoud en 2008 pour former le mouvement sioniste et conservateur Yisra’el Sheli avec Naftali Bennett. En janvier 2012, Ayelet Shaked remet un pied au Likoud et est élue membre du comité central du parti, avant de le quitter pour de bon en juin pour rejoindre le parti nationaliste HaBayit HaYehudi. En 2013, elle entre à la Knesset sous cette étiquette. Quelques heures avant la fin du délai lui permettant de former un gouvernement, Netanyahou la nomme ministre de la Justice en mai 2015. Son influence grandissante sur la scène politique israélienne lui vaut d’être élue « femme de l’année » en Israël par le magazine Forbes en 2017. Elle est la nouvelle ministre de l’Intérieur de son compagnon de route Naftali Bennett.