« Notre pays, le Togo, est un camp de concentration nazi, ce n’est plus un territoire indépendant. » L’armée est « une armée d’occupation ». Le régime est « barbare ». La gouvernance relève d’une « oligarchie militaro-clanique ». Le nombre de « Togolais assassinés par la France-Afrique (…) dépasse de loin le nombre de ceux qui sont tombés au Rwanda » pendant le génocide des Tutsi en 1994… Le 27 avril dernier, en trois minutes d’une courte intervention au micro d’une radio privée locale, l’ancien ministre Djimon Oré a salué à sa façon le 61e anniversaire de l’accession du pays à l’indépendance.
Interpellé deux jours après avoir tenus ces propos, le président du Front des patriotes pour la démocratie (FPD) a été placé dans la foulée en détention provisoire dans l’attente du procès qui s’est tenu ce mardi 18 mai, à l’issue duquel il a été condamné à deux ans de prison ferme pour « outrage aux autorités » et « diffusion de fausses nouvelles ».
Prestation jugée désastreuse
Depuis son incarcération, il avait obtenu le soutien de plusieurs personnalités de l’opposition. Selon Gnimdéwa Atakpama, qui conduisait une délégation de cadres de l’opposition, qui lui a rendu visite le 6 mai dans les locaux du Service central de recherche et d’investigations criminelles (SCRIC), Djimon Oré se disait « préparé à cela ». La peine qui lui a été infligée n’en a pas moins été jugée « trop lourde » par son avocat, Me Dieudonné Agbahé.
Le quadra, qui s’est forgé une réputation d’opposant tonitruant, a pourtant passé plusieurs années dans les couloirs du pouvoir. Entre 2010 et 2013, il a été ministre de la Communication au sein des gouvernements de Gilbert Houngbo et Arthème Ahoomey-Zunu, par la grâce de l’accord politique historique signé alors entre le défunt Rassemblement du peuple togolais (RPT, devenu Unir), le parti au pouvoir, et l’Union des forces du changement (UFC), dirigé par Gilchrist Olympio.
Il boycotte certaines séances, quitte parfois la salle de plénière avec pertes et fracas
Djimon Oré est alors un proche de ce dernier. Il lui doit notamment d’avoir été reconduit après la démission du gouvernement Houngbo, alors que ses premiers pas en tant que ministre de la Communication avaient été pour le moins difficiles.
Le 29 mai 2010, sa première apparition sur les écrans de la télévision publique pour la traditionnelle lecture du communiqué du conseil de ministre qui venait de se terminer avait en effet été jugé si désastreuse qu’il n’était par la suite plus reparu. D’autres ministres avaient finalement été désignés pour prendre le relai pour ce compte-rendu télévisé.
Coups d’éclat
Le piètre résultat du parti aux législatives de 2013, passé de 27 à 3 députés, et la crise interne qui allait suivre au sein de l’UFC a cependant accéléré les choses. Djimon Oré, élu dans sa circonscription natale d’Est-Mono, prend la tête de la fronde contre Gilchrist Olympio.
Les dissidents réclament une renégociation de l’accord qui lie le parti à la formation de Faure Gnassingbé. Oré prend alors ses distances avec Olympio et avec la ligne de l’UFC, dont il prend de plus en plus régulièrement le contre-pied dans ses interventions publiques. Il finira par être exclu de l’UFC et, en 2014, par créer son propre parti, le FPD. Siégeant alors en tant que non inscrit à l’Assemblée nationale, il y multiplie les coups d’éclat. Il boycotte certaines séances, quitte parfois la salle de plénière avec pertes et fracas.
Ses sorties médiatiques ne sont qu’informations infondées et diffamation. Il tient des propos dangereux
« Le régime RPT-Unir est une dictature militaire clanique. Djimon Oré fait le même constat. Il l’exprime librement conformément à la Constitution togolaise qui garantit à tous la liberté d’opinion et d’expression », a estimé l’Alliance nationale pour le changement de Jean-Pierre Fabre, ancien allié au sein de l’UFC.
« Depuis son éviction du gouvernement, Djimon Oré est aigri. Ses sorties médiatiques ne sont qu’informations infondées, diffamations et remises en cause du vivre-ensemble dans le pays. Il tient des propos dangereux », accuse au contraire un cadre du parti au pouvoir, qui n’a pas officiellement souhaité réagir à la condamnation.